L’influence iranienne sur son voisin irakien ne se manifeste pas seulement au plan politique sur le gouvernement de Bagdad, mais au plan militaire avec l’hyperactivité sur le terrain des groupes armés chiites aux ordres de Téhéran devenus très agressifs à l’encontre de l’armée américaine. Même si le gouvernement irakien actuel en place à Bagdad – celui du Premier ministre Haïder al-Abadi – semble à peine un peu moins inféodé à l’Iran que son prédécesseur Nouri al-Maliki, qui avait dirigé le pays de 2006 à 2014, la mainmise iranienne ne se fait pas seulement sentir aux niveaux économique et idéologique, mais aux plans sécuritaire et militaire.
D’abord parce qu’aux dernières élections législatives de 2018, deux partis chiites sont arrivés en tête : en 1er celui de Muqtada al-Sadr, un mollah chiite qui est aussi un fervent nationaliste irakien (ce qui pourrait théoriquement porter ombrage à l’Iran) et, en second, la formation pro-iranienne de Hadi al-Amiri regroupant les dirigeants des principales
milices chiites très proches de Téhéran, laquelle ne cesse d’appeler au départ des troupes américaines d’Irak. Mais c’est surtout sur le terrain au plan militaire que l’influence iranienne se fait sentir le plus en Irak. Il existe ainsi dans ce pays une nuée de groupes armés chiites pro- iraniens et anti-américains dont les plus actifs sont la milice Harakat Hezbollah al-Nudjaba
qui a menacé à plusieurs reprises en 2018 d’attaquer les forces US. en
Irak et en Syrie ; le groupe Asaïb A’h al- ‘Haq qui a combattu aux tout premiers rangs les djihadistes sunnites de Daësh (l’Etat islamique – EI) ; et surtout les forces chiites de Hash al-Shaabi, aussi appelées « Unités populaires de Mobilisation » (PMU), qui ont aussi combattu frontalement l’EI ces dernières années et qui jouent sur de grandes parties du territoire irakien un rôle presque similaire à celui du Hezbollah chiite pro-iranien
au Liban et en Syrie. Or, c’est un fait que toutes ces milices animées par leur foi chiite anti-sunnite et guidées par les instructions de Téhéran,
qui ont affronté Daësh entre 2012 et 2016, n’ont strictement jamais collaboré dans ce combat ni avec les forces de la coalition arabo-occidentale anti-EI, et encore moins avec l’armée américaine qu’elles exècrent…
A preuve : la multiplication, ces derniers temps, de la part de ces groupes pro-iraniens des menaces verbales et aussi des incidents avec l’US. Army en Irak. Pour l’administration Trump, les forces chiites pro-iraniennes d’Irak viennent de franchir une « ligne rouge »… A propos de ces tensions allant croissantes, à noter que des avions US ont tout récemment bombardé des sites frontaliers iraniens et pro-iraniens – dont plusieurs QG. des Brigades Al-Qods des Gardes de la Révolution islamique (GRI) – en représailles à la tentative de l’Iran d’attaquer la grande base américaine Ain Al Assad dans l’Anbar, province irakienne limitrophe de la Syrie. Ainsi, plusieurs sites militaires iraniens ont-ils été frappés au matin du 3 février dernier par l’aviation américaine à Deïr ez-Zour, près de Abu Kamal, à la frontière syro-irakienne. Un raid « préventif » mené par l’US. Army après la découverte, la veille, par les forces de sécurité irakiennes, de trois missiles iraniens prêts à frapper cette grande base aérienne et qui auraient été lancés par l’une des milices chiites irakiennes pro-iraniennes. Un incident qui s’inscrit dans les efforts de plus en plus affirmés de l’Iran d’expulser les forces américaines pas seulement de Syrie, mais aussi d’Irak. Toutefois, il semble bien que cette tentative désamorcée au dernier moment ait constitué, pour l’administration Trump, une véritable « ligne rouge ». Précisons que ce raid aérien américain a aussi constitué une riposte à un autre incident survenu le 2 février – filmé puis diffusé le lendemain sur la toile par les services du porte-parole des GRI en Irak – lorsqu’une patrouille de l’US. Army a été bloquée à l’entrée de Ninive (au nord de l’Irak) par des miliciens chiites pro-iraniens des PMU et forcée de retourner à sa base… Signe de ces temps de très grande effervescence militaire aux quatre coins du Moyen-Orient : dans la Syrie voisine, les forces russes faisaient sauter presque au même moment des ponts sur l’Euphrate, jusque-là aux mains des milices proiraniennes. Une action sans précédent, puisque c’est la première fois que les Russes attaquent des cibles iraniennes en Syrie ! Richard Darmon