Le rav Messod Hamou zatsal était l’un des solides piliers du monde de la Torah en France et, plus spécifiquement, à Paris. Il était aimé pour son humilité et admiré pour sa sagesse. Sa disparition brutale à 72 ans des suites de l’épidémie de coronavirus a plongé la communauté juive, dans une profonde tristesse. Ses obsèques, qui se sont déroulées à Jérusalem dans le respect des mesures de restrictions, ont été suivies, en direct, par des milliers de fidèles. Portrait.
Le Rav Messod Hamou est né à Fès au Maroc en août 1947. Très jeune, il manifeste une aptitude particulière pour le Limoud Torah et fréquente régulièrement les grandes figures rabbiniques de la communauté locale. A 18 ans, il quitte son Maroc natal pour rejoindre Strasbourg et la célèbre Yéchiva d’Eshel. En 1969, il fait la connaissance du rav Jean-Paul Amoyelle qui dirige à cette époque l’Ecole Aquiba : « Il a d’abord été surveillant de l’internat de garçons de l’Ecole. J’ai tout de suite remarqué ses qualités d’éducateur et très vite, il a pris la direction de l’internat », se souvient celui qui fut aussi le mythique directeur du réseau d’Ozar Hatorah en France. Par la suite, le rav Hamou va se marier et s’installer à Heggenheim près de St-Louis, où il étudiera plusieurs années aux côtés du rav Israël zatsal. En 1977, il retrouve le rav Amoyelle qui vient alors d’inaugurer les fameuses institutions de Gour Arié : « Là encore, le rav Hamou s’est distingué. Il est très vite devenu l’un des principaux avrékhim du Collel que nous avons créé sur place. Et c’est là que j’ai pu mesurer la richesse de sa personnalité : le rav Hamou était très exigeant pour lui-même dans le Limoud Torah et dans la pratique des mitsvot. Mais il était également toujours présent pour les autres, explique le rav Amoyelle. Il avait la patience nécessaire et l’intelligence pour enseigner et il est devenu sans conteste un modèle pour l’ensemble de nos élèves ». Durant cette étape à Gour Arié, le rav Hamou étudiera longtemps en ‘havrouta avec le roch Collel, le rav Tsvi Pearl de Pittsburgh. Parallèlement, il effectuera des déplacements réguliers à Marseille pour enseigner dans la yéchiva ketana locale. Au début des années 90, lorsque Gour Arié ferme ses portes, le rav Hamou s’installe à Paris. Il rejoint le Collel créé alors par le grand rabbin Yossef Haïm Sitruk et enseigne à la yéchiva ketana de Pierrefitte. Il est très proche également, dès son arrivée à Paris, du rav Mordekhaï Rottenberg chlita. Mais c’est dans le 19ème arrondissement qu’il va très vite rayonner en fondant le Beth Hamidrach Mekor Haïm, rue Compans. Tous les après-midis il étudie en ‘havrouta avec le grand Dayan de Paris, le gaon rav Nissim Rebibo zatsal, dans son Collel de la rue Murger. Ses chiourim, délivrés avec toujours beaucoup de sagesse et de gentillesse, vont attirer de plus en plus de fidèles dans son Beth Midrach. Sans jamais s’attribuer le titre de possek ou de Dayan, il savait répondre avec toujours beaucoup de pertinence et de douceur aux cas de psika les plus complexes qu’on lui soumettait. Et même si ses réponses allaient souvent dans le sens de la ‘Houmra, il avait cette formidable capacité de les expliquer avec un Derekh Eretz et une humilité telles que ses interlocuteurs ressortaient de leur rencontre, séduits. Au cours des 20 dernières années, le rav Hamou a été le Dayan du Beth Din du Rav Rottenberg et ces 10 dernières années, il était devenu le responsable des conversions au sein de ce Beth Din. Mais il était particulièrement versé dans les questions les plus épineuses dans des domaines aussi variés que : casherout, Mikvaot et en particulier Nidda. Considéré comme un grand Ohev Chalom, il investissait beaucoup d’énergie dans la recherche du chalom baït au sein de couples, et dans l’éducation des enfants. Il traitait aussi très fréquemment de dossiers épineux de litiges financiers. Il possédait une maîtrise parfaite du Tanakh, du Shass et des poskim. Les fidèles du Beth Midrach Mekor Haïm que nous avons interrogé, ces derniers jours, ont tenu à insister sur plusieurs aspects marquants de la personnalité du rav Hamou : « C’était un homme de Emet, d’authenticité et de sincérité. Il était entièrement dirigé vers le Limoud Torah. Nous connaissions le rav Hamou uniquement avec un livre de Torah dans les mains. Jamais et sous aucun prétexte, il n’annulait ses cours de Torah. Il avait une profonde Ahavat Hachem pour tout Juif quel qu’il soit : dans son humilité, il étudiait aussi avec des débutants qui décryptaient Rachi. Et ce n’est pas tout : nous, les fidèles du Beth Midrach, avons eu l’immense privilège et mérite d’apprendre ou de réapprendre à prier avec le Rav zatsal. Il priait comme l’on compte des perles, doucement avec amour. Il récitait le Chema, comme s’il était sur le Har Sinaï. Quant aux fêtes de Tichri, nous avions l’impression d’être aux côtés d’un ange et savions que sa prière était acceptée auprès du Tout Puissant ! ». Ces fidèles insistent également sur l’homme de Hessed absolu qu’était le rav : « Sa porte n’était jamais fermée et il participait lui-même aux collectes pour de multiples associations dans une extrême discrétion ». Le rav Eliaou Uzan qui a été, pendant plusieurs décennies, un ami du Rav, dans la communauté de la Rue Pavée, était encore sous le choc lorsque nous lui avons demandé d’évoquer le souvenir du rav Hamou : « Le rav Hamou zatsal avait une énergie fantastique. Mais c’était aussi l’un des rares rabbanim qui savait pleurer et qui reflétait une émotion sincère lorsqu’il livrait un enseignement. Je me souviens en particulier de sa manière de danser lors des mariages de ses élèves : tout le monde attendait la danse du rav Hamou. Je l’ai rencontré pour la dernière fois, le 2 mars dernier, lors du Siyoum du Shass Hamichnayot : il était rayonnant. Qui aurait pu imaginer ? »
Le jour de Pourim, il y a trois semaines à peine, le rav Hamou avait reçu, dans la joie, des centaines de personnes venues lui souhaiter une bonne fête. Il y a un peu plus de deux semaines, il a participé au Dîner de la Yéchiva de Mir et est intervenu, pour la dernière fois, en public. Après cette soirée, son état s’est détérioré. Il a été transporté d’urgence à l’hôpital dans un état grave et a été plongé dans un coma dont il ne s’est malheureusement pas réveillé. En raisons des restrictions imposées par l’épidémie du coronavirus, la cérémonie de levée du corps à Paris et la lévaya du Rav à Jérusalem se sont déroulées avec un public particulièrement restreint. Mais ce sont plus de 50 000 personnes, proches et élèves du Rav en Eretz Israël, en France et ailleurs, qui se sont associés par le cœur à ces cérémonies, grâce à la diffusion sur Internet.