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7 Tishri 5785‎ | 9 octobre 2024

Les relations fluctuantes du président George Bush avec Israël et les Juifs

Guidé par les impératifs d’une realpolitik au service des intérêts américains plus que par des liens passionnels avec Israël, le président Bush – qui a agi à plusieurs reprises dans sa carrière en faveur des Juifs russes et éthiopiens – aura eu des relations très en « dents de scie » avec l’Etat hébreu…

« Le peuple d’Israël n’oubliera jamais l’attachement que le président G. Bush – un grand patriote américain et un homme sage – portait à la sécurité d’Israël, sa contribution importante à la libération de la communauté juive soviétique et ses efforts visant à réaliser la paix au Moyen-Orient lors de la Conférence de Madrid », a déclaré le Premier ministre Nétanyaou en apprenant, samedi soir dernier, le décès du 41e président américain à l’âge de 94 ans. Des propos évidement « de circonstance » qui résument, malgré tout en quelques mots, les relations assez placides – mais bienveillantes– qu’entret int Bush avec l’Etat hébreu, mais aussi son dévouement à certaines causes prioritaires du monde juif comme le sauvetage des Juifs de Russie et d’Ethiopie. Celui qui répliqua à l’invasion du Koweït par Saddam Hussein George Bush restera dans l’Histoire comme le président américain ayant mené la Première
Guerre du Golfe en janvier 1991 après avoir réuni une vaste coalition militaire de plus d’une trentaine de pays afin d’expulser les forces irakiennes du Koweït, envahi en août 1990 par l’armée de Saddam: 425000 soldats américains prirent part à cette vaste opération intitulée Tempête du désert. Laquelle mit en déroute après quelques semaines la machine de guerre de Saddam, mais en s’arrêtant brusquement
sans même le chasser du pouvoir (ce que fera en 2003 son fils G. W. Bush lors de la 2e Guerre du Golfe). C’est sur la base de cette demi-victoire que G. Bush et son secrétaire d’Etat, James Baker, initieront quelques mois plus tard le début du « processus de paix israéloarabe» lors de la Conférence de Madrid réunie le 30 octobre 1991. Une « grande première » où siégèrent ensemble – mais pas toujours dans le meilleur climat – Israéliens, Syriens, Jordaniens, Egyptiens et Palestiniens : du jamais vu jusque-là !
Des pourparlers qui demeurèrent surtout symboliques mais qui furent les prémices des négociations puis des Accords d’Oslo de septembre 1993 passés entre l’OLP de Yasser Arafat et le nouveau gouvernement Rabin. Cette période ultérieure à la Première Guerre du Golfe fut marquée par de fortes tensions entre Washington et Jérusalem dues aux profondes divergences entre les deux pays sur au moins deux dossiers dépendant l’un de l’autre : la poursuite de la construction dans les localités juives de Judée-Samarie encouragée par le Premier ministre Its’hak Shamir mais durement critiquée par le tandem Bush-Baker car elle nuisait, selon eux, « aux efforts de paix américains » ; la discussion en          « serpent-de-mer » pour l’octroi d’un prêt de 10 milliards de dollars de garanties américaines à Israël afin qu’il puisse assumer le coût de la grande alya des Juifs de Russie qui déferlait alors. On se souvient ainsi des vifs propos de Baker qui, excédé par les conditions préalables d’Israël au lancement des négociations avec les Arabo-palestiniens et las de la poursuite des constructions en Judée- Samarie, s’exclama avec colère au Congrès en s’adressant à Shamir : « Je dois vous dire que tout le monde connaît très bien mon N° de téléphone – le 1-202-456-1414. Et donc quand vous serez disposé à parler sérieusement de paix, appelez-nous ! ». Quant à Bush, après avoir sans cesse réitéré, courant 1990, son opposition à « de nouvelles implantations juives en Cisjordanie», il prononça en 1991 une petite
phrase malheureuse qui resta dans les annales lorsqu’il se plaignit du rôle, selon lui trop prégnant, des lobbies à Washington – et donc implicitement du lobby juif, l’AIPAC – en déclarant tout de go lors d’une conférence de presse : « Je me heurte à de puissantes forces politiques. Si bien que je me sens ici-bas au Capitole comme un petit gars très solitaire ! ». Un dérapage qui empoisonna ses relations avec Israël et les Juifs américains à tel point qu’aux présidentielles de 1992, Bush n’obtint que 12 % des voix des électeurs juif contre 35 % en 1988… Il faut dire aussi que les « profils personnels» de Shamir et de ses conseillers contrastaient singulièrement avec le style de Bush et Baker, deux Texans fortunés, blasés et très conservateurs, liés aux milliardaires américains du pétrole. D’ailleurs, de facto ces garanties américaines ne furent finalement octroyées que fin 1992 au gouvernement travailliste de Rabin… Les      «acquis » pro-juifs et proisraéliens de Bush Il faut toutefois reconnaître qu’en tant que vice-président secondant Reagan, Bush mena une série d’actions visant à aider et sauver les Juifs refuzniks retenus dans l’URSS d’avant la chute du Mur de Berlin. Ainsi, participa-t-il à l’organisation du fameux Séder de Pessah tenu en 1987 en présence du secrétaire d’Etat George Schultz à l’ambassade américaine de Moscou. C’est aussi lui qui persuada en 1985 le Soudan d’autoriser dix avions cargos US. d’amener 900 Juifs ayant fui l’Ethiopie à pied lors de l’Opération Moïse. Mieux encore : malgré l’avis contraire de son équipe nationale de sécurité, Bush favorisa en 1991 les ouvertures de la diplomatie US. en faveur du régime du président éthiopien Mengistu, lequel finit par autoriser le départ massif de 15 000 Juifs éthiopiens vers Israël lors de l’Opération Salomon. C’est aussi Bush qui poussa le président syrien Hafez el-Assad à laisser partir vers les USA des dizaines de jeunes filles juives de la communauté de Damas qui
voulaient épouser des conjoints juifs américains. Dans son ouvrage intitulé Les relations USA-Israël de Truman à Obama, l’ex-négociateur américain au Moyen-Orient, Dennis Ross dresse une intéressante liste de tout ce que fit Bush père pour les Juifs et pour Israël, dont la poursuite d’une aide US. annuelle de 3 milliards de dollars; le renforcement du Groupe conjoint israélo-américain de politique militaire lancé sous Reagan par des actions de coopération technologique, des exercices militaires communs
et le stockage de matériel militaire US. en Israël ; le déploiement en 1991 de deux batteries d’antimissiles Patriot servies par 700 soldats américains ; l’ouverture d’une ligne de communication directe Spécial Défense Jérusalem-Washington ; et aussi les efforts déployés par l’administration Bush en 1991 pour rallier des voix à l’ONU afin d’annuler l’infâme résolution de 1975 définissant le sionisme comme une « forme de racisme » et pour pousser de nouveaux pays à établir des relations diplomatiques avec Israël. Mais Ross d’ajouter avec franchise à la fin de son livre : « Après avoir énoncé une fois de plus la liste de tout ce que l’administration Bush a fait pour Israël, on me demanda un jour pourquoi, malgré tout, j’avais l’air si embarrassé sur ce sujet de ‘l’héritage israélien’ de Gorge Bush… ».
Richard Darmon

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