On savait que le Tchad était l’un des pays africains à aspirer à un rapprochement avec l’Etat d’Israël mais on ne pensait pas que celuici se concrétiserait soudainement par une visite du président Tchadien à Jérusalem. C’est pourtant ce qui s’est produit en début de semaine. On attend désormais, côté israélien, une annonce officielle du rétablissement des relations entre les deux pays.
Il y a deux ans et demi, en juillet 2016, le Premier ministre Binyamin Nétanyaou avait effectué une visite déterminante à plus d’un point, en Afrique. D’abord pour se rendre en pèlerinage à l’ancien aéroport d’Entebbe, 40 ans après que son frère Yoni y soit tombé durant l’opération de sauvetage des otages de
l’avion d’Air France. Et ensuite pour rencontrer en Ouganda même, le 4 juillet 2016, plusieurs chefs d’Etat africains qui aspiraient à se rapprocher de l’Etat d’Israël. A la suite de cette visite, la Guinée avait annoncé la restauration de ses relations diplomatiques pleines et entières avec l’Etat hébreu. Et l’on avait appris alors qu’un autre pays s’apprêtait à lui emboîter le pas. Ce pays avait-on dit à l’époque serait le Tchad. Finalement, ce développement ne s’est pas concrétisé mais les contacts entre les autorités israéliennes et tchadiennes se seraient consolidés pour aboutir, ce dimanche 25 novembre à la visite à la fois impromptue et historique du président tchadien Idriss Deby à Jérusalem. Impromptue car l’annonce de la visite a été faite deux ou trois heures avant que l’avion du président tchadien ne se pose sur le tarmac de l’aéroport Ben Gourion. A ce propos Barnéa Hassid, le directeur du département Afrique au ministère des Affaires étrangères a expliqué la problématique d’une telle visite et la nécessité d’être discret. Il a sous-entendu qu’une annonce préalable aurait pu hypothéquer les chances de réussite de cette visite. Et cette visite est historique parce que c’est la première fois que le président de la République du Tchad, se rendait en Israël. Pour Binyamin Nétanyaou, cette visite du président musulman, d’un pays africain à majorité musulmane, est un succès diplomatique de plus : « L’Afrique se rapproche d’Israël et Israël se rapproche de l’Afrique. » Un succès qui repose sur une équation qui a déjà fait ses preuves avec d’autres pays africains : d’un côté, Israël fournit à des pays comme le Tchad une expertise de haut niveau en matière de lutte anti-terroriste et de haute technologie dans des secteurs comme l’agriculture et l’eau et de l’autre ces pays africains modifient peu à peu leur vote jusque-là systématiquement anti-israélien dans des instances internationales comme celles de l’ONU. Pour le Tchad, l’aide d’Israël dans le domaine de la sécurité est devenu plus précieuse que jamais : ce pays subsaharien est en effet confronté à deux menaces terroristes dangereuses : celle de Daech et celle de Boko Haram et il a donc besoin d’urgence du savoirfaire israélien qui est considéré comme le meilleur au monde dans ce domaine. Mais le Tchad a également besoin de l’expertise israélienne dans d’autres domaines détaillés par Barnéa Hassid : « Le Tchad souhaite une coopération dans le domaine de l’eau, de la gestion des zones arides, de l’agriculture et des services de santé publique. Et nous pouvons lui fournir cette aide. » En échange de cette aide, Israël espère que ces pays africains modifieront peu à peu leur vote dans les instances internationales comme les Nations- Unies et commenceront à soutenir l’Etat hébreu. C’est le Tchad qui a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec Israël en 1972 à la suite de la guerre des Six Jours. Mais de facto, les diplomates israéliens et tchadiens admettent qu’il
y a toujours eu même durant cette rupture des contacts à divers niveaux entre les deux pays. Cependant il faut remarquer qu’en dépit de son caractère historique, cette visite du président Deby en Israël n’a pas permis d’officialiser, pour l’instant, le rétablissement de relations diplomatiques pleines et entières entre le Tchad et Israël. Répondant aux questions de la chaîne internationale I24news peu après sa visite émouvante à Yad Vashem, le président Tchadien a promis que cette officialisation allait intervenir prochainement… La veille lors de sa conférence de presse commune avec Binyamin Nétanyaou, il avait lié ce rétablissement au problème palestinien ce qui laisse sousentendre qu’il est toujours l’objet de pressions en provenance du monde arabe en général et des Palestiniens en particulier. En Israël on espère que ces relations seront renouées prochainement : « Nous entrons dans une nouvelle ère de coopération » a reconnu le président Déby.
Daniel Haïk