Pour « voir plus clair », but de cette chronique – avoir une vision plus claire des questions qui préoccupent l’homme – il faut d’abord savoir « lire ». Pour parvenir à cette fin, il est évident, pour un Juif fidèle à la tradition, que l’enseignement de nos Sages nous ouvre les yeux, nous permet de comprendre les mystères de l’Etre, le sens de l’existence, et de découvrir, au-delà du visible, les intentions du Créateur. Grâce à la Révélation du Sinaï, la chaîne de la Tradition transmise de génération en génération par la Sagesse rabbinique, et en nous aidant, également, de la tradition plus mystique de la Kabbala, le Juif observant sait répondre aux questions existentielles, même s’il n’est pas toujours facile de tout comprendre. La question fondamentale, posée par Moché Rabbénou, au lendemain de la faute du Veau d’Or : « Souffrance du Juste, Bonheur du Méchant », n’est assurément pas facile à résoudre. Cependant, une certitude nous rassure, que nous affirmons : « Il y a un Maître du Monde, et Sa justice
nous dépasse ». Ces questions existentielles sont bien évidemment posées par tout homme
qui, selon l’expression du ‘Hazon Ich, n’est pas « limité par les exigences matérielles », et qui cherche à comprendre la condition humaine. Cette « énigme » (expression utilisée aussi bien par le ‘Hazon Ich (Emouna Ouvitahon, Ch. 1) que par un penseur non croyant (Cf. le Mythe de Sisyphe, Ch. 1), cette énigme est à la source de toutes les interrogations. Il est extrêmement intéressant que cette « énigme » qui est en fait la question essentielle, se résume à une interrogation sur l’origine de la vie. Comment se fait-il qu’il y ait, dans un monde matériel, de la vie ? Il est significatif qu’un physicien moderne très
célèbre pose, lui aussi, cette question. Stephen Hawking, considéré comme l’un des plus grands savants de notre époque (le plus grand depuis Einstein, a-t-on dit), a été à l’origine de la théorie du « big bang » selon laquelle avant le big bang rien n’existait. Fortement handicapé, car atteint d’une dégénérescence progressive musculaire, il a vécu dans un fauteuil roulant, et il ne pouvait communiquer que grâce à ses pouces, à l’aide d’un synthétiseur vocal, qui faisait entendre sa voix. Il est mort récemment, en Mars 2018, et a laissé un livre de réflexions sur son oeuvre, sur son époque, et surtout sur l’avenir de notre planète. Il pose les questions fondamentales et s’interroge sur l’origine de la vie. « Ce que nous entendons ordinairement par ‘VIE’ est constitué de chaînes d’atomes de carbone, associées à quelques autres atomes comme l’azote ou le phosphore… A priori, il paraît extraordinaire que l’Univers soit si finement ajusté. Est-ce une preuve qu’il a été spécialement conçu pour accueillir l’humanité ? Il faut être prudent avec de tels arguments… » (« Brèves réponses aux grandes questions » Editions Odile Jacob). Ne suffit-il pas de lire ces lignes pour ressentir combien l’alliage des atomes divers est dirigé
par une Intelligence supérieure, mais le savant n’utilisera pas ces arguments, car « il faut être prudent », cela obligerait en effet de croire en un Créateur ! Bien que cela soit si finement ajusté, et semble
conçu pour accueillir l’humanité ! N’apparaît-il pas qu’il faille « apprendre à lire », pour comprendre ce qui semble « extraordinaire » ? On ne cherchera pas à conclure cette « leçon de lecture » qui parle par elle-même, mais il importe de relever que la survie historique d’Israël est, elle aussi, extraordinaire.
Entouré par tant de haine, le peuple juif survit à toutes les persécutions. N’est-ce pas cela la solution
à l’énigme, la signification, le sens de l’Etre : il y a Quelque Chose, Quelqu’un Qui dirige ce mystère. Empruntons à Levinas, ce philosophe qui a su reconnaître la « trace » du Créateur dans la création, cette réflexion qui exprime que par-delà le monde matériel, il y a la Présence de l’Unique. Ce que Stephen Hawking craint de reconnaître, c’est que le mystère de la Vie consiste à reconnaître la vérité de cette Présence. Levinas explique le texte de l’Ecriture qui dit clairement : « L’homme
ne peut Me voir et vivre » (Chemot- Exode 33,19). Levinas utilise le terme
« kavod » pour exprimer cette idée : il peut se traduire par « gravité », « pesanteur », et traduit l’idée de la difficulté de découvrir le Créateur et par là implique l’impossibilité d’échapper à D.ieu, car la gravité risque d’effacer et de voiler la réalité. Le Visage peut se voiler et on ne voit plus que le Masque, sorte d’objectivation « qui interdit de découvrir le réel » (adapté d’après un livre de Levinas, commenté dans le livre de Benny Lévy « Visage continu » p. 96). N’est-ce pas précisément cette objectivation, ce
Voile, qui cache le Visage, et qui interdit à Stephen Hawking de reconnaître qu’il y a Quelqu’un qui « a ajusté » les atomes pour faire apparaître la Vie ?