Le nouveau pic de tension constaté en début de semaine en Syrie est le reflet de la détermination israélienne à déjouer l’implantation iranienne dans le pays d’Assad. En détruisant des infrastructures iraniennes près de Damas, Tsahal a également confirmé sa nette domination militaire dans la région. Analyse. Les milliers de visiteurs israéliens qui avaient pris d’assaut, dimanche
après-midi 20 janvier, les pistes enneigées du Mont Hermon ont assez nettement distingué un bruit d’explosion que les habitants du Sud du pays connaissent parfaitement bien : celui de l’interception, par les batteries de Dôme de Fer, récemment déployées dans le Nord, d’un missile iranien tiré à partir du territoire syrien en direction du plateau du Golan. Ce n’est pas la première fois que Téhéran tire ainsi ses missiles vers le territoire israélien. La dernière escalade de ce type, en mai dernier, avait contraint Tsahal à
lancer son opération «Château de cartes». A l’époque, les Iraniens avaient envoyé 32 missiles et roquettes vers le Plateau du Golan. Une partie avait été interceptée par Dôme de Fer et les autres n’étaient pas tombés en territoire israélien. La riposte israélienne avait été massive et les avions
de chasse de Tsahal avaient alors détruit de nombreuses bases iraniennes en Syrie. Dans la nuit de dimanche à lundi, après que les skieurs israéliens eurent quitté les pistes du Hermon, Tsahal a lancé contre les positions iraniennes une contre-offensive particulièrement musclée qui a considérablement affecté la présence iranienne en Iran ; des hangars d’armes et des bases militaires ont été détruits ainsi que des batteries
de missiles iraniennes et syriennes. A l’issue de ce nouveau round entre Israël et l’Iran, on peut avancer plusieurs conclusions importantes : La première est que l’Iran souffre d’une très nette infériorité militaire face à Israël. Ses dirigeants ont beau prétendre que « leur armée est fin prête à l’extermination d’Israël », il n’en demeure pas moins que le système Dôme de Fer n’a pas eu la moindre difficulté à intercepter un missile iranien de moyenne portée (120 km) qui était pourtant relativement puissant et sophistiqué. Lors de la riposte, les Iraniens n’ont pas menacé le moins du monde les avions de chasse israéliens qui ont pu causer donc de très sérieux dégâts aux installations iraniennes en Syrie. Concrètement, ce premier bras de fer entre Kassem Soulimani, patron des Gardiens de la Révolution iranienne et le nouveau chef d’état-major de Tsahal, le général Aviv Kohavi, a très vite et très nettement tourné à l’avantage du second et Aviv Kohavi peut donc se féliciter d’avoir entamé son mandat du pied
droit par une opération aussi clairement à l’avantage de Tsahal. La seconde conclusion, non moins importante, est que, dans la conjoncture actuelle, l’Etat d’Israël est farouchement déterminé à empêcher ou déjouer toute présence iranienne en Syrie. Ce souhait existait bien évidemment depuis
longtemps mais il s’est accentué ces dernières semaines, en particulier après la décision de Donald Trump de retirer les 2200 soldats américains du sol syrien. Même si le Secrétaire d’Etat Mike Pompéo et le Conseiller à la sécurité nationale John Bolton ont atténué, par la suite, l’annonce
stupéfiante du président, Binyamine Netanyaou a profité de ce «lâchage» américain pour justifier le durcissement de sa position anti-iranienne. Mais en attaquant aussi massivement les installations iraniennes, le Premier ministre et Tsahal ont voulu faire passer un triple message de fermeté : d’abord, en direction des Iraniens. Désormais, Téhéran sait qu’il aura de plus en plus de difficultés à acheminer des armes sophistiquées vers
ses forces stationnées en Syrie et au sein du Hizbollah, déployé au Liban. Il convient de préciser, à ce propos, que le tir du missile iranien de dimanche était en fait consécutif à une autre série de raids israéliens (non revendiqués) contre des positions iraniennes à proximité de l’aéroport
international de Damas. Cette attaque israélienne est intervenue peu après que le fameux avion-cargo qui effectue en permanence des allers et retours entre Téhéran et Damas eut déchargé de nouvelles armes qui, très vite, ont été détruites par les forces israéliennes. A ce rythme, les forces iraniennes seront rapidement à découvert. Le second message est destiné à la Syrie : là encore, les Israéliens veulent faire comprendre à Bashar El Assad qu’il ne
sera pas tranquille tant que les forces iraniennes resteront sur son territoire. Tsahal, nous l’avons souligné, a perdu dans la nuit de dimanche à lundi plusieurs batteries de missiles qui risquent de lui faire cruellement défaut. A l’heure où nous mettions sous presse, il était impossible d’affirmer si, parmi ces batteries, se trouvaient les fameux S-300 et S-400 fournis par la Russie après l’incident de Lattaquié en septembre dernier. C’est peu probable car ces batteries très performantes ne seraient pas encore opérationnelles. Mais les Syriens seront certainement intéressés de savoir que, même lorsque ces batteries seront fonctionnelles, Israël pourra les détruire sans que cela ne suscite trop de colère de la part de Moscou. Et justement, le message israélien est enfin destiné aux Russes. Même si la coordination entre les armées de l’air russe et israélienne se poursuit, puisque Jérusalem a prévenu Moscou de l’imminence de ses raids dans la nuit de dimanche à lundi dernier, Mr Netanyaou entend rappeler aux Russes qu’ils avaient pris l’engagement de faire reculer les forces iraniennes à plus de 80km de la frontière israélo- syrienne sur le Golan. Or, l’aéroport de Damas, qui est donc le théâtre d’une intense activité militaire iranienne, est situé à 40 km à peine de cette frontière. Fin de la politique de flou sécuritaire Une fois cette triple menace énoncée, une question demeure : pourquoi les dirigeants militaires et civils israéliens ont-ils décidé, ces dernières semaines, de lever le flou artistique qui enveloppait
jusqu’à présent les opérations de Tsahal en Syrie ? On se souvient que l’ex-chef d’état-major, Gady Azencot, avait reconnu dans une interview au New York Times que les forces de Tsahal avaient effectué des milliers de raids entre début 2017 et aujourd’hui et le premier ministre lui avait emboîté le pas. Certains experts ont affirmé que cette levée de l’auto-censure israélienne était destinée à clairement mettre les Iraniens et leurs alliés le dos au mur et à leur faire comprendre qu’Israël était déterminé à aller jusqu’au bout dans ses efforts pour chasser les forces iraniennes en Syrie. Mais d’autres ont estimé, au contraire, que la démarche des autorités était une erreur car elle risquait de porter atteinte à l’honneur des iraniens et qu’elle allait donc les pousser à faire grimper, même artificiellement, la tension afin de ne pas perdre la face, face aux puissances occidentales.
Enfin dans la conjoncture actuelle, certains observateurs ont constaté que ce brusque regain de tension coïncidait avec le débat autour d’une inculpation, ou non, du Premier ministre dans les affaires judiciaires le concernant, laissant sous-entendre que Mr Netanyaou aurait pu
même gonfler la tension artificiellement sur l’axe Jérusalem- Damas-Téhéran dans le seul et unique but de détourner l’attention de l’opinion publique de ses déboires judiciaires. Mais même les experts militaires qui ne sont pas particulièrement classés parmi les supporters du Premier ministre ont affirmé que rien dans le comportement de Mr Netanayou ne permettait de prouver le moindre lien de cause à effet entre la situation en Syrie et l’étau du conseiller juridique du gouvernement qui se resserre peu à peu autour de lui.
Daniel Haïk