Un Boeing 747-400 d’Elal n’a pas pu arriver en Israël vendredi avant l’entrée du Chabbat. Dans l’absolu, un tel cas de figure ne doit pas se produire. Mais dans le cas précis, le problème véritable a été de savoir comment la compagnie israélienne a fait face à ce retard. Et en toile de fond, pourquoi la presse israélienne a très vite et très injustement pointé un doigt accusateur en direction des passagers ‘harédim comme s’ils étaient responsables de ce retard. Tentative d’explication.
Dans cette affaire il y a deux éléments scandaleux : le comportement inadmissible de la compagnie
El Al et la « couverture » aux forts relents « antisémites » que certains médias israéliens ont donné de ce qui s’est passé durant ce vol 002 qui devait rallier New York à Tel Aviv dans la nuit de jeudi à vendredi dernier. Jugez plutôt : samedi soir, le site d’information Ynet publie en évidence un témoignage
de Shimon Sheves un ancien directeur de cabinet d’Its’hak Rabin aujourd’hui reconverti en homme d’affaires qui affirme que des passagers ‘harédim du vol Elal 002 qui devait décoller de New York à 18h heure locale, et arriver en Israël vendredi vers midi, auraient commis des actes de violences verbales et même physiques contre une partie de l’équipage de l’appareil. Apparemment, ces passagers redoutaient de voir leur avion atterrir en Israël après l’entrée du chabbat (aux alentours de 16h30 actuellement). Selon Sheves, les passagers orthodoxes se seraient comportés grossièrement et auraient fait
pleurer certaines hôtesses de l’air de la compagnie. Les médias généralistes ont bien évidemment donné un vaste écho à ce témoignage sans aller beaucoup plus loin. Les hôtesses ont été plus prudentes et tout en affirmant que certains passagers s’étaient effectivement mal comportés, elles n’ont pas ciblé, comme l’a fait Sheves, les orthodoxes en particulier. Le problème est que le site Ynet s’est montré incapable de montrer le moindre enregistrement vidéo clair et précis de ces attaques. Par contre le journaliste Yéhouda Shlezinger de l’Israel Ayom était à bord de cet avion et il a été témoin de l’ensemble des scènes. Son témoignage, il faut le souligner coïncide avec celui d’une autre passagère non orthodoxe Keren Levy et ensemble ils donnent une image totalement différente de ce qui s’est passé durant ce vol. Voici en résumé comment Shlezinger et Keren Levy présentent les choses : l’avion devait décoller à 18h, heure locale jeudi soir. A New York, la neige a commencé à tomber dru vers 13h ce qui a provoqué certains embouteillages. Mais les quelque 400 passagers qui avaient pris leurs dispositions étaient à l’heure à l’embarquement. Par contre, qui était absent ? L’équipage d’Elal qui s’est retrouvé bloqué dans
les bouchons, ce qui a causé un premier retard de deux heures à l’embarquement. Mais le vol était encore alors capable d’arriver à temps pour permettre aux passagers de passer chabbat en Israël. Selon Keren Levy, lorsque les passagers ont embarqué dans le Boeing 747-400, l’équipage était encore absent. Et là nouvelle attente, due apparemment aux ailes gelées de l’avion qu’il fallait dégivrer. 2 heures supplémentaires d’attente. Entretemps, l’équipage est arrivé. Mais les passagers religieux ont compris qu’ils allaient transgresser le chabbat. Ils ont demandé au capitaine et à l’équipage de quitter le vol comme cela est possible selon la convention d’Elal. Mais ils se sont heurtés à une fin de non-recevoir. Le capitaine a pris le micro et a promis que le vol arriverait entre une demi-heure et une heure avant chabbat. C’est ainsi que le vol a pu décoller au total avec 5 heures de retard. Mais deux heures avant l’atterrissage en Israël, le capitaine a annoncé que le vol n’arriverait pas à temps et que par conséquent il allait faire une escale à Athènes pour y déposer les passagers « chomré chabbat». C’est apparemment après cette annonce que les esprits se sont échauffés. Keren levy, Yehouda Shlezinger et d’autres passagers, y compris des hôtesses ont affirmé que de nombreux passagers religieux, ou non, ont vivement protesté mais qu’il n’y a pas eu la moindre violence physique. « Nous avons eu l’impression que l’équipage nous avait menti depuis le début » a affirmé Yéhouda Shlezinger. Quant à Keren Levy elle a souligné que l’équipage n’a pas voulu poursuivre son service à cause des protestations. Yehouda Shlezinger ainsi que tous les passagers sont descendus à Athènes. Les religieux se sont organisés pour l’entrée de chabbat dans une partie du terminal grec. Shlezinger a déclaré dimanche en rentrant en Israël qu’il avait été stupéfait de lire les commentaires anti-religieux faits pas des personnes qui n’étaient même pas à bord. Il a formellement démenti que des orthodoxes aient fait acte de violence même verbale. Quant à Keren Levy, elle a publiquement déchiré sa carte de Frequent Flyer d’Elal et a promis de ne plus voyager sur les ailes de la compagnie israélienne. On a appris par la suite que dès le décollage du vol 002, jeudi soir, les plus hautes instances rabbiniques d’Israël ont été saisies du cas. Le Rishon-le-Tsion et grand rabbin sépharade d’Israël, le rav Its’hak Yossef a suggéré de faire escale à Athènes afin d’éviter aux passagers de transgresser la sainteté du chabbat. Le rav Hayout, rav d’Elal était en contact téléphonique avec le cockpit du vol 002. Et finalement, c’est lui qui a pris contact avec le Beth ‘Habad d’Athènes qui a eu le temps de préparer des dizaines de repas strictement casher qui ont été distribués aux passagers à leur arrivée à l’aéroport d’Athènes. Ces passagers ont été installés dans un hôtel dans l’enceinte de l’aéroport. Il s’est également avéré que parallèlement un second vol d’Elal, le 008, a quitté New York avec le même retard mais, dans l’avion, se trouvait une personne gravement malade qui devait absolument recevoir un traitement d’urgence dans un hôpital israélien. Après avoir vérifié, durant le vol, toutes les options possibles, le rav Its’hak Yossef épaulé par d’autres posskim ashkénazes a donné son feu vert à l’atterrissage de ce second vol d’Elal en Israël après l’entrée du chabbat parce que la passagère
était alors en danger de mort. La personne malade a été évacuée à l’hôpital Assouta de Tel Aviv. Dans ce cas précis, les personnes religieuses qui étaient à bord ont passé le chabbat à l’aéroport Ben Gourion. Ces incidents confirment l’importance de la recommandation de nos sages qui nous ont demandé de tout faire pour ne pas entreprendre un long voyage à la veille du Chabbat…
Daniel Haïk