Moché Léon est donc officiellement le nouveau maire de Jérusalem. Ce mardi, il a pris ses fonctions au sixième étage du bâtiment central de la Place Safra à Jérusalem. Et au sein de l’état-major francophone de Deguel Hatorah on savoure une victoire qui est aussi un peu celle des communautés francophones orthodoxes mais aussi sionistes religieuses de la capitale. Analyse.
Avant de nous focaliser sur le vainqueur, un mot sur le vaincu. Il y a cinq mois encore, Ofer Berkovitch était un quasi inconnu sur la place publique, à Jérusalem. En dépit de son statut d’adjoint au maire, bien peu d’habitants de la capitale avaient entendu parler de lui et de ses projets. En obtenant plus de 49 %
des suffrages des habitants de la capitale au second tour des élections, Berkovitch a prouvé qu’il a su combler ce handicap, même si parfois certaines des affiches et certains des slogans dirigés contre son rival Moché Léon ont dépassé les limites du bon goût. Mais comme nous l’avons écrit dans ces colonnes, il y a deux semaines, Berkovitch ne possédait probablement pas l’expérience nécessaire pour occuper durant ce mandat, le fauteuil de maire de Jérusalem, un fauteuil qui sera donc la propriété de Moché Léon pendant les 5 prochaines années. Certes la victoire de Moché Léon a été d’une courte tête mais les quelque 4500 voix qui séparent Léon de Berkovitch, confirment qu’il s’agit là d’une victoire sans contestation possible. Et Moché Léon a dû attendre trois jours, avant que vendredi dernier quelques minutes avant chabbat, le leader de Hitorérout l’appelle pour reconnaître sa défaite et lui souhaiter bonne chance dans la gestion de la municipalité. De la chance, Moché Léon en a certainement eu durant cette campagne électorale, sans pour autant que cela ne remette en cause ses compétences professionnelles et politiques. Mais la principale chance et la plus formidable des opportunités de son point de vue a été d’avoir réussi à obtenir le soutien massif et entier des orthodoxes lituaniens de Deguel Hatorah. Cet accord qui est intervenu aux alentours de Yom Kippour, a totalement brouillé les cartes politiques et a propulsé Moché Léon qui jusque-là n’avait pas les faveurs des sondages, au rang de favori de cette consultation électorale. Ce soutien de la mouvance lituanienne s’est rajouté à celui des orthodoxes sépharades du parti Chass mobilisés par le leader du parti Arié Derhy connu pour sa proximité avec Léon et il a été obtenu grâce à des négociations particulièrement habiles menées essentiellement par Avi Abouhatzira, l’un des plus proches conseillers d’Avigdor Lieberman. Il a non seulement été bénéfique à Léon mais il a également permis à Deguel Hatorah de signer là une sorte de proclamation de son indépendance politique face aux ‘hassidim de la Agouda. Il est vrai que déjà il y a 5 ans les ‘hassidim de Gour s’étaient dissociés du reste des formations orthodoxes en appelant à voter en faveur de Nir Barkat permettant alors la réélection du maire. Mais dans le cas précis, l’accord entre Léon et Deguel Hatorah a sans aucun doute permis de prouver la force de cette composante majeure du Judaïsme unifié de la Torah qui jusque-là avait peut-être tendance à souffrir d’un complexe d’infériorité face aux ‘Hassidim. En effet, ce scrutin a révélé au grand jour l’illusion du rapport de force 60 %-40 %
au bénéfice des ‘hassidim qui a toujours servi de clé de répartition des places dans la liste électorale du Judaïsme unifié de la Torah. De facto, au premier tour, le 30 octobre les ‘hassidim ont échoué en soutenant Yossi Deutch qui a terminé bon dernier. Et au second tour, ils ont échoué en ne parvenant pas à faire élire Berkovitch qui a pourtant bénéficié de leur soutien officieux, c’est-à-dire sans l’appel public
des Admourim à voter en sa faveur. En d’autres termes l’élection de Moché Léon à la mairie de Jérusalem est une victoire de Moché Gafni et un échec pour Yaacov Litzman. Il est encore prématuré de mesurer les conséquences de cette très vive tension entre ‘Hassidim et Litaïm mais il ne fait aucun doute qu’on devrait la percevoir également à mesure que l’on approche des élections législatives, devancées ou non. Au soutien des communautés lituaniennes de Jérusalem, acquis donc bien avant le premier tour s’est rajouté un second, celui du Foyer Juif puisque Haguit Moché, l’adjointe au maire sortante a conclu un accord lui attribuant en cas de victoire de Moché Léon le portefeuille de l’Education ainsi qu’un poste d’adjoint au maire. Certes, les membres de la mouvance sioniste religieuse n’ont pas la même discipline
de vote que les ‘harédim mais il est certain que cette alliance, tout comme le ralliement sur le tard également du maire sortant Nir Barkat ont permis à Moché Léon de consolider son score au second tour. Mais au-delà de ses soutiens divers, il faut souligner les scores impressionnants réalisés par le nouveau maire dans des quartiers à forte population francophone. Ainsi à Bayit Vegan, Léon a obtenu 79 % des suffrages contre 21 % pour Berkovitz. A Ramot également le score de Moché Léon a dépassé les 76 % et même dans le quartier d’Har Homa où la population francophone est très dense, sans être pour autant orthodoxe, Moché Léon a obtenu 47 % des suffrages soit 5 points de moins que Berkovitch ! Et cette tendanc s’est également confirmée dans des quartiers phare de la communauté ‘haredi- léoumi comme Kiriat Moché. Pour comprendre ce qui s’est passé dans ces communautés, il faut mettre en exergue l’action bénéfique de l’état-major francophone de Deguel Hatorah qui a oeuvré, jour et nuit, en faveur de Moché Léon, avec le soutien de nombreux rabbanim de commuanutés francophones et des raché yéchivot francophones qui se sont, eux aussi, mobilisés. Pour la première fois, on a réellement senti, dans le public ‘harédi francophone, un véritable engouement pour la candidature de Moché Léon et pour sa personnalité. A l’approche du premier tour, le Gaon rav ‘Haïm Kanievski chlita a réuni une cinquantaine de rabbanim et responsables communautaires francophones de Jérusalem et les a appelés à soutenir, dès le premier tour, la candidature de Moché Léon. Mais ce n’est pas tout : dès que les résultats du premier tour ont établi que Moché Léon restait en course, l’état-major francophone de « Deguel » s’est à nouveau déployé dans les différents quartiers de la capitale, afin de persuader un maximum d’électeurs, y compris parmi les non-orthodoxes, de dépasser les clivages communautaires et de voter, tous unis, en faveur de Moché Léon. Cela s’est traduit par un ralliement des rabbanim de plusieurs communautés sionistes-religieuses de Jérusalem en particulier dans les quartiers d’Har Homa et de Kiriat Moché. A l’approche du second tour, on a pu voir dans les quartiers orthodoxes et même au-delà des dizaines de militants francophones appeler le public à voter pour Moché Léon. Et inutile de préciser qu’à l’annonce de la victoire, ces mêmes militants ont laissé éclater leur joie et ont chanté et dansé. Après que les lampions de la fête se sont éteints, c’est désormais aux élus de retrousser leurs manches et d’oeuvrer afin de relever les nombreux défis auxquels ils vont être confrontés durant les 5 prochaines années au sein du Conseil Municipal de la capitale d’Israël. Interrogé par Haguesher, le rav Shmouel Marciano qui reste conseiller municipal du parti Chass, a estimé que ce soutien massif des francophones pourrait et devrait se traduire dans les prochains jours par sa nomination au poste de responsable du département de l’Intégration des nouveaux immigrants : « Dès le lendemain
des élections, Moché Léon m’a confirmé sa décision de me placer à ce poste. Et j’espère être digne de sa confiance ».
Danny Benely