-Haguesher : Avec les premiers tirs de missiles iraniens vers Israël, est-on entré dans une toute nouvelle configuration régionale ?
-Yossi Kuperwasser : Non pas vraiment, car cela fait plusieurs années qu’une « guerre de l’ombre » nous oppose en permanence aux Iraniens et à leur dangereuse présence militaire en Syrie. Mais ce qui est effectivement nouveau, ce sont ces nouvelles armes – dont de puissants missiles et des drones armés – que l’Iran a fait entrer en Syrie, ainsi que ces dizaines de milliers de miliciens chiites importés d’Irak : autant de menaces intolérables pour la sécurité d’Israël…
-Ce qui s’est passé au matin du 10 mai au nord d’Israël marque-t-il le début de facto d’un nouveau conflit ouvert pour l’Etat hébreu qui pourrait aussi se transformer en « guerre d’usure », voire glisser vers une « guerre totale » ?
-Non, je ne crois pas. Il s’agit plutôt d’un bras-de-fer prolongé, mais pas d’une nouvelle guerre. Je pense d’ailleurs que l’ampleur et la précision de notre réplique à ces premiers missiles perses tirés sur Israël, a dû pas mal surprendre les Iraniens qui devront y regarder à deux fois avant de nous attaquer à nouveau : entre autres, ils ont appris à leurs dépens la grande efficacité de nos services de Renseignements militaires qui ont pu localiser tous les sites de leur dispositif militaire répartis sur l’ensemble du territoire syrien…
-Des sources israéliennes haut-placées – dont le ministre de l’Energie, Youval Steinitz – ont tout récemment averti que si des missiles iraniens étaient tirés depuis la Syrie, ce serait la fin du régime Assad…
-Ces déclarations faites ici et là – que la presse a reproduites – n’engagent que leurs auteurs. Elles n’illustrent en aucun cas la position officielle du gouvernement israélien.
-Comment pourraient réagir la Russie en cas de prolongation et/ou d’élargissement de cet affrontement Iran/Israël ?
-Pour l’instant, ils ne tiennent pas à s’en mêler et se contentent d’appeler chacun à la « retenue » – ce qui exclut tout recours à la force de leur part. D’un côté, les Russes ont besoin des Iraniens pour conforter et soutenir le régime Assad que Moscou veut sauver, et de l’autre, ils comprennent bien en quoi cette présence militaire iranienne est un réel danger pour Israël – ce que leur a clairement expliqué le Premier ministre Nétanyaou lors de son récent et énième entretien avec Poutine.
Toutefois, on peut imaginer qu’à moyen et long termes, des agissements trop agressifs et intensifs de la part des Iraniens sur et à partir du territoire syrien pourraient gêner la Russie et entrer en conflit avec ses propres intérêts visant à préserver le régime Assad…
-Est-ce la toute récente annonce du désengagement américain de l’accord de Vienne sur le nucléaire qui aurait en quelque sorte « précipité » les choses entre l’Iran et Israël ?
-Il est évident que ces deux événements sont liés « sur le fond », compte tenu des ambitions hégémoniques avouées de l’Iran sur toute la région et de l’aspect vital, pour ce régime, de l’accès au nucléaire militaire. Toutefois, Trump a « devancé l’appel » en annonçant le désengagement des USA de l’accord de Vienne trois jours avant la date prévue initialement, à savoir celle du 12 mai.
Quant aux Iraniens, bien avant cette nouvelle déclaration de Trump, ils voulaient « marquer le coup » contre Israël en ripostant à leur manière aux récentes attaques de Tsahal contre leurs grandes bases syriennes de missiles.
Propos recueillis par Richard Darmon