La mairie communiste de cette ville réputée « sensible » de Seine-Saint-Denis tente de protéger la communauté juive et de ne pas alimenter la haine anti-israélienne. Du coup, la vie cultuelle se maintient et une gueniza vient même d’être inaugurée.
La gueniza de La Courneuve a été inaugurée le 7 février en présence d’une trentaine de personnes. Parmi elles : le grand rabbin de France, Haïm Korsia, et le maire de cette commune de Seine-Saint-Denis, Gilles Poux. Elle est opérationnelle depuis près de quatre ans et la cérémonie aurait pu se dérouler beaucoup plus tôt. Mais le rabbin consistorial de la ville (depuis un quart de siècle), le rav Prosper Abenhaim, attendait patiemment que le donateur local ayant financé les travaux, Pascal Sellem, aujourd’hui installé au Raincy, veuille bien se manifester. Il l’a fait très tardivement et… n’est finalement pas venu à la manifestation du 7, contrairement à ce qui était prévu. « Mais attention, il n’est ni dédaigneux ni tête en l’air, explique le rav Abenaim : il fuit simplement les honneurs. C’est un homme à la fois généreux et réservé ».
Le projet est ancien : dès l’époque d’Abraham Ouakil zal, ex-président de la communauté décédé il y a environ treize ans, les vieux livres de kodech et certains objets sacrés dont les fidèles n’avaient plus usage s’accumulaient au fond de la synagogue. La ruelle jouxtant l’espace de prière étant à l’abandon, les administrateurs ont eu la bonne idée d’envisager le creusement d’une gueniza. La municipalité a mis quelques années à approuver le projet et céder l’emplacement. Entérinée en 2000, la réaffectation des lieux a été concrétisée en 2014.
Entre-temps, la choule et ses environs ont été bien sécurisés grâce à la détermination de Gilles Poux, « un maire communiste atypique, aux dires du rabbin, en ce sens qu’il ne s’engage pas dans les mouvements anti-israéliens haineux et souhaite absolument conserver une communauté juive active et protégée dans sa ville ».
Gilles Poux serait en contact régulier avec la police pour assurer la tranquillité des quatre-vingts familles concernées – contre cent cinquante en 2008-2009.
« Cette érosion est avant tout économique et sociale, affirme le rav Abenaim, sans oublier l’alyah. Au début des années 2000, nous avons certes subi des actes et intimidations antisémites à répétition. Mais les élus se sont battus par la suite à nos côtés, un volontarisme plutôt rare en ‘banlieue rouge’. Le militantisme de mon ami Sammy Ghozlan, président du Conseil des communautés juives du département (CCJ-93) et du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) qui ne laisse rien passer, joue un rôle positif. Tout comme nos excellentes relations avec les responsables des mosquées. Elles contribuent au relatif apaisement dont nous bénéficions à présent ».
Des membres du courant Loubavitch venus des institutions cultuelles et pédagogiques Chné Or voisines, à Aubervilliers, se promènent à La Courneuve sans crainte excessive. Le rav Abenaim porte un chapeau ou une casquette sous sa kippa, par prudence, mais ne se sent pas particulièrement menacé. Certains Juifs pratiquants (dont un foyer de yordim) se seraient même installés récemment près de la synagogue, point de rassemblement pour nos coreligionnaires habitant encore Stains et Saint-Denis, dont les choules ont fermé en raison d’un climat irrespirable encouragé parfois par les élus. Avec ses trente à quarante fidèles du Chabbat matin et son minyan quotidien, la communauté de La Courneuve fait donc de la résistance.
Cela dit, l’avenir à moyen et long termes n’est sans doute pas beaucoup plus rose qu’ailleurs en Seine-Saint-Denis et le grand rabbin Korsia a insisté, le 7 février, sur la nécessité de conserver pour les générations futures, à travers la gueniza, une trace du judaïsme local.
Axel Gantz