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4 Kislev 5785‎ | 5 décembre 2024

« Si c’était à refaire, bien sûr que je le referais ! »

Noah Klieger, membre de l’Aliya Beth sur l’Exodus :

 

Agé aujourd’hui de 92 ans, Noah Klieger, qui immigra en 1947 sur l’Exodus après avoir survécu, pendant deux ans, à Auschwitz et qui devint ensuite en Israël un célèbre journaliste sportif, a répondu à nos questions.

 

Haguesher : Toute la traversée de l’Exodus a été truffée d’une succession d’événements autant marquants que dramatiques. Mais quels sont les deux moments qui restent inoubliables pour vous, 70 ans après ?

 

Noah Klieger : L’évènement le plus fort fut l’arrivée de notre bateau à Haïfa après plus de 4 heures de bagarre en mer contre les Anglais à 100 kms des côtes d’Erets Israël ! La radio du Yichouv avait appelé les habitants de Haïfa à descendre en masse sur le port pour nous accueillir à la barbe des Anglais. Et c’est alors que j’ai connu l’émotion la plus forte de ma vie quand les 4 500 passagers de l’Exodus ont chanté en chœur la Hatikva avec ces dizaines de milliers de gens sur les quais !

Plus tard, il y a eu aussi le moment héroïque, dans la rade de Port de Bouc, du même refus simultané des passagers des trois bateaux-cages escortés par la marine britannique de débarquer en France. Ce fut un grand moment d’intense et profonde solidarité juive.

 

Vous racontez en détail dans votre livre (*) qu’avant même cette arrivée à Port de Bouc, vos amis de l’Aliya Beth vous avaient désigné pour sauter en pleine mer depuis votre navire l’Empire Rival – vous vous étiez vanté d’être un bon nageur… – vers le 2e bateau-cage, l’Ocean Vigor, pour prévenir les passagers de votre ferme refus de débarquer en France. Et ce, afin que votre mouvement de protestation contre les Anglais ne connaisse aucune faille. N’était-ce pas là prendre des risques inouïs ?!

 

– J’étais absolument persuadé qu’il fallait le faire pour défendre notre cause de Juifs voulant revenir sur leur terre… Même si sauter ainsi de 13 mètres de haut en pleine mer d’un bateau en marche pour tenter d’en atteindre un autre naviguant derrière était effectivement très risqué ! D’ailleurs, les marins anglais qui m’ont récupéré, puis mis aux arrêts après une heure de nage assez périlleuse entre ces deux navires, m’ont aussi rendu les honneurs en s’étonnant de ma détermination à prendre de tels risques ! L’un de leurs officiers m’a même déclaré, envers et contre la politique officielle de Sa Gracieuse Majesté : « Des gens membres d’un peuple comme le vôtre ainsi capables de prendre de tels risques méritent d’avoir leur Etat ! ».

 

Quelle fut, selon vous, la portée historique de toute cette épopée de l’Exodus ?

 

– C’est très simple : l’histoire de l’Exodus a aidé à dégager une majorité de pays au sein de l’ONU qui a finalement adopté le 29 novembre 1947 – soit à peine plus de deux mois après notre sinistre arrivée à Hambourg – la fameuse Résolution 181 du Plan de Partage de la Palestine entre un Etat juif et un Etat arabe. Un texte que nous, Juifs, avons accepté dans la joie, mais que les Arabes ont rejeté, ce qui a entraîné le cycle de toutes les guerres survenues depuis 1947…

 

Quelle « philosophie de l’Histoire » avez-vous retirée d’une vie si mouvementée, vous le rescapé d’Auschwitz – que le Dr Mengele sélectionna un jour pour la chambre à gaz mais qui en réchappa –, vous qui avez retrouvé, à votre retour en 1945 à Bruxelles, vos deux parents assis ensemble dans le même tramway, vous l’intrépide nageur de l’Exodus ?

 

– Une chose est certaine : il était prévu que je sois assassiné, comme des millions de mes frères, à Auschwitz en janvier 1943 et que je ne retrouve pas du tout mes parents en 1945… Pourtant, c’est le contraire qui s’est produit, et j’ai même pu débarquer en Erets Israël en 1947, là où j’ai ensuite construit toute ma vie !  Propos recueillis par Richard Darmon

 

(*) Noah Krieger a publié en 2014 aux Editions Elkana (Jérusalem) un passionnant et émouvant récit autobiographique intitulé « Plus d’un tour dans mon sac ».

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