La crise autour du « Taaguid », le consortium audiovisuel public qui doit voir le jour le 30 avril prochain, continuait en milieu de semaine à secouer l’ensemble de la classe politique israélienne. Difficile de connaître l’issue de cet imbroglio, mais on peut avancer quelques explications au désir apparent du Premier ministre de provoquer des élections anticipées.
On pensait que le bras de fer entre Binyamin Nétanyaou, qui ne veut pas entendre parler du Taaguid, et son ministre des Finances Moché Kahlon, qui au contraire veut son ouverture, allait se résoudre dès le retour du Premier ministre de son voyage en Chine. Il n’en est rien. Depuis, les deux dirigeants se sont rencontrés à deux reprises dimanche, mais mardi (28/03) ils semblaient encore camper sur leurs positions respectives. Et le président de la Coalition David Bittan (Likoud) a affirmé que si Kahlon n’acceptait pas de céder, Israël irait vers des élections anticipées. A dire vrai, personne en Israël ne comprend vraiment pourquoi Binyamin Nétanyaou s’acharne à brandir cette menace électorale. Ni au sein de l’opinion publique – qui ne distingue pas du tout les nuances autour de la création du Consortium Médiatique – ni à plus forte au sein de la Coalition gouvernementale. En effet, aucun des partenaires de l’actuelle coalition ne veut entendre parler aujourd’hui d’élections : ni Avigdor Liberman, confortablement installé dans son solide fauteuil de ministre de la Défense, ni Naftali Benett dont le parti, le Foyer Juif, ne souhaite pas perdre son influence dans les ministères de la Justice et de l’Education, ni Moché Kahlon lui-même qui sait lire les sondages et comprend qu’il risque de perdre lors d’une prochaine consultation un tiers de ses députés. Et encore moins, les partis orthodoxes, Chas et Judaïsme de la Torah, qui sont extrêmement satisfaits de leur partenariat avec Nétanyaou et ne voudraient certainement pas se retrouver, au lendemain de Législatives, avec un Yaïr Lapid ultra-laïc à la tête d’une formation de 23 à 25 mandats… Alors pourquoi donc Mr Nétanyaou continuait-il à faire les gros bras en milieu de semaine ?
A cette question, plusieurs réponses. La première est presque d’ordre psychologique : Nétanyaou ne supporte plus Kahlon et les deux hommes entretiennent une relation de méfiance qui n’inspire rien de bon pour l’avenir. Après l’avoir encensé, lorsqu’il était son très populaire ministre des Communications, entre 2009 et 2013, et le responsable de la baisse drastique des prix de la téléphonie portable, Nétanyaou veut minimiser le phénomène Kahlon, peut-être dans l’espoir de récupérer au sein du Likoud son électorat. Seconde explication : l’obsession médiatique du Premier ministre qui ne peut tolérer qu’un consortium créé sous son mandat lui soit hostile et nomme, comme cela s’est produit la semaine dernière, au poste très convoitée de présentatrice du futur JT, Guéoula Even, l’épouse de son rival Gidéon Saar, autre ex-ministre Likoud très populaire, écarté parce que trop ambitieux. Si Nétanyaou a plongé le pays dans des élections anticipées, début 2015, autour du statut du quotidien Israël Hayom, pourquoi ne récidiverait-il pas en 2017 autour du Taaguid ?
Enfin troisième explication possible et certainement la plus intéressante : la crise du Taaguid masquerait en fait un plus sérieux problème : les dissonances prolongées entre Jérusalem et Washington autour de la construction dans les implantations. En effet, après deux semaines de négociations ardues, Israéliens et Américains ne sont toujours pas parvenus à trouver la formule magique dans ce dossier. Et visiblement, le président Trump semble plus résolu qu’on ne le pensait à Jérusalem, à geler la construction dans les implantations sauvages. Si Nétanyaou cède sur ce point, Naftali Benett pourrait être tenté de faire chuter le gouvernement. Et là, le sujet étant hautement idéologique, le leader du Foyer Juif qui rêve de s’imposer comme chef de fil de la Droite nationaliste damerait le pion au Premier ministre, qui serait taxé de faire le jeu des modérés. Voilà pourquoi, si déjà Nétanyaou voit dans sa ligne de mire des élections, autant que celles-ci soient provoquées autour d’une question de principe qu’il défend, plutôt que sur un dossier porté à bout de bras par Benett. A méditer.
Daniel Haïk