Les défilés et « carnavals » dont les Israéliens sont coutumiers en cette période de l’année n’ont pas franchi la Méditerranée. Mais la lecture de la méguila ou le michté sont des moments de réjouissance collective populaires au-delà du public religieux
Pour la fête de Pourim, chaque communauté locale a son programme et tout se passe en ordre dispersé. Ni le Consistoire, ni les mouvements orthodoxes indépendants ne prévoient de manifestation centralisée. Le grand rabbin de Paris, le rav Michel Gugenheim, et le président Joël Mergui vont bien assister ensemble, le 12 mars, à une fête et une lecture de la meguila dans les locaux de l’hôpital pour enfants Necker (15e arrondissement), mais c’est surtout pour marquer leur sollicitude à l’égard des familles touchées par la maladie et pour appuyer le travail de l’aumônerie israélite. L’animation en question est un événement parmi d’autres. Il est donc difficile de dégager une tendance générale. On assiste pourtant, depuis quelques années, à des évolutions marquantes.
D’abord, ce moment particulier du calendrier juif était autrefois une affaire privée. En France, pas ou peu de déguisements, de spectacles, de « carnavals » à l’israélienne. Les démonstrations publiques étaient traditionnellement bannies. Ce n’est plus tout à fait vrai de nos jours. On assiste à des mini-défilés de jeunes ou de moins jeunes grimés et habillés de façon excentrique dans quelques villes où les Juifs pratiquants sont nombreux, comme à Sarcelles ou Créteil, en banlieue parisienne. Il y a aussi, désormais, des fêtes très élaborées où les petits peuvent s’amuser grâce à des attractions géantes. Des initiatives qui rappellent ‘Hanoucca. Ainsi, à Boulogne, un « Pourimland » est installé dans un gymnase avec récitation continue de la méguila, animations et jeux de toutes sortes.
Le plus frappant est la convivialité grandissante autour de Pourim. Le michté collectif était proposé autrefois par de rares synagogues. Aujourd’hui, c’est la norme. Tous les fidèles ou presque y participent, ainsi qu’un nombre exponentiel de Juifs peu ou pas observants. En effet, c’est pour les communautés l’occasion d’inviter des familles non familiarisées avec les mitsvot à se rapprocher de la choule, dans la mesure où les contraintes sont minimes : il s’agit avant tout de boire et de manger dans une atmosphère joyeuse. Il est plus facile de s’attabler pour un michté de Pourim que pour un long séder de Pessa’h… « Certains rabbanim préconisent même d’aller chercher nos coreligionnaires dans la rue ou chez eux pour les inciter à se joindre au repas. Des fidèles font donc du porte-à-porte avec le kirouv en ligne de mire », précise le rav Haï V. Bellahsen, chargé des communautés locales au Consistoire de Paris.
La partie strictement cultuelle s’est renforcée également au fil des années. On est passé, dans la quasi-totalité des grandes synagogues, d’une seule lecture de la méguila à… plusieurs. Et les lieux de prière sont pleins.
Axel Gantz