Dans cette rubrique écrite avec la collaboration du Beth-Din Michpat Chalom où siègent les dayanim francophones : Rav Réouven Cohen, Rav Its’hak Belhassen, Rav Ellia Yaffé, Rav Dov Rozman, Rav Yossef Shaynin, et Rav Yéhouda Lévy nous vous proposerons toutes les semaines des exemples concrets de cas traités par les tribunaux rabbiniques. Léilouï Nichmat Rephaël Chmouël ben HaRav Eliahou Yéhouda Rotnemer
Question : A son anniversaire de quatre vingts ans, M. Lévy n’avait plus sa femme à ses côtés, mais il était entouré de sa famille nombreuse. Depuis le décès de son épouse, c’est son petit-fils ‘Haïm qui est souvent à ses côtés et l’aide dans toutes ses démarches. Il a même procuration sur ses comptes en banque et le conseille souvent pour ses nombreux investissements. Ces derniers temps, M. Lévy n’est plus conscient. Il doit être entièrement assisté et c’est naturellement ‘Haïm qui survient à ses besoins et continue à gérer ses comptes, comme son grand-père le faisait lorsqu’il était en pleine possession de ses moyens. Ses oncles ne le voient pas d’un bon œil. Ils voudraient qu’il arrête sans délai les généreux dons aux yéchivot que leur père avait l’habitude de faire ainsi que les aides financières à certains membres de la famille. Ils lui demandent aussi d’arrêter de placer son argent en bourse bien qu’il le faisait de commun accord avec son grand-père. ‘Haïm, qui affirme n’avoir aucun intérêt personnel dans tout cela, propose à ses oncles de demander l’avis du Beth Din.
Réponse : à l’orphelin mineur, le retardé mental ou toute personne incapable de gérer ses biens, le beth din désigne un tuteur (Guitine 52a). Le statut de tuteur est accordé aussi à celui qui avait été désigné par le père des orphelins avant son décès ou à celui qui s’est trouvé entouré des orphelins et a assuré leurs besoins depuis le décès de leur père (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 290;24). De même, pour une personne âgée qui ne possède plus toute sa raison, sera tuteur celui qui s’est occupé de lui auparavant ; c’est le cas de ‘Haïm surtout qu’il avait déjà reçu une procuration. Sinon le beth din devra désigner un tuteur. Mais il faut savoir que le tuteur n’a pas pleins pouvoirs. Il est écrit dans la Guémara et le Choul’han Aroukh (cité ci-dessus) que le tuteur ne devra faire de transactions que dans le but de nourrir ou d’assurer les frais de guérison des orphelins. Le Ramban et le Rachba expliquent que son pouvoir lui est accordé par les ‘Hakhamim qui se soucient de la subsistance des orphelins ou par force de zakhine (celui qui devient émissaire de façon tacite dans l’intérêt évident de son prochain). C’est pour cette raison que le tuteur ne pourra pas faire fructifier les biens car il n’y a ni urgence ni intérêt manifeste. ‘Haïm ne pourra donc pas continuer à faire fructifier l’argent de son grand-père à la Bourse. Il devra le placer dans un compte sûr, en laissant assez de liquidités pour pouvoir assurer à son grand-père le même train de vie qu’l menait avant sa maladie et, s’il le faut, ajouter tous ses frais médicaux. Quant à la tsédaka, s’il est certain que le grand-père aurait luimême continué comme avant à aider les nécessiteux de sa famille ou les institutions de Torah, il est clairement mentionné dans la Guémara que le tuteur pourra continuer à donner la tsédaka.
Conclusion : Haïm peut continuer à gérer les comptes de son grand-père et pourvoir à ses dépenses comme il le faisait, mais il ne pourra pas investir son argent.
Rav Reouven Cohen.