Dans une interview qu’il a donnée, ces derniers jours, à l’un des médias israéliens, le général Gady Azencot a affirmé que cela faisait de nombreuses années qu’il n’avait pas acheté lui-même d’habits civils. Depuis mercredi, Gady Azencot peut réparer cette lacune. Après 40 ans et 3 mois d’une brillante carrière militaire, le soldat No1 de Tsahal fait actuellement, à 58 ans, ses premiers pas dans la vie civile israélienne. Et naturellement l’heure est venue de dresser un bilan de ses quatre années passées à la tête de l’armée israélienne. D’emblée, une première constatation s’impose : au cours de son mandat, le
21e chef d’état-major de Tsahal n’a pas eu à gérer de confrontation militaire massive comme avaient eu à le faire tous ses récents prédécesseurs. Les mauvaises langues diront qu’il a tout fait pour éviter un tel conflit mais la réalité est un peu plus complexe et nous allons tenter de l’analyser: Sur le plan purement sécuritaire, le général Azencot a été confronté à une situation doublement périlleuse d’abord le long de la frontière nord mais également sur la frontière sud avec Gaza. Mais pour lui, la seule véritable menace existentielle qui a pesé et qui continue à peser sur Israël, reste l’Iran et ses bras terroristes avancés. A long terme, il s’agit bien évidemment de la menace du nucléaire iranien, mais plus dans l’immédiat, Gady Azencot a dû, durant son mandat, se focaliser sur la menace expansionniste de Téhéran d’abord en Syrie mais également avec le Hezbollah, au Liban. En Syrie, il a dû faire face à la menace représentée par la présence des forces iraniennes de Kassem Soulimani, patron des Gardiens de la Révolution. Pour le général Azencot ce double front a été prioritaire. Et il l’a reconnu ouvertement ces derniers jours, lorsqu’il a avoué (dans un entretien au New York Times) que l’armée de l’air israélienne avait effectué plusieurs milliers de raids aériens contre les forces iraniennes stationnées en Syrie… depuis janvier 2017 ! Pour Gady Azencot, le commandant de ces forces iraniennes Kassem Soulimani a été le plus redoutable des ennemis. Et même si le chef d’état-major israélien n’a pas réussi à neutraliser cette présence iranienne, il a fait comprendre
aux Iraniens et à leurs alliés syriens et russes qu’Israël et Tsahal continueront à frapper sans relâche les bases iraniennes en Syrie dès qu’un avion-cargo iranien aura déposé des armes sophistiquées sur le tarmac de l’aéroport de Damas. Face au Hezbollah, Gady Azencot peut s’enorgueillir d’avoir réussi à totalement déstabiliser le mouvement chiite en lançant, ces deux derniers mois, l’opération Bouclier du Nord qui a permis de neutraliser la menace stratégique représentée par ces tunnels offensifs dévoilés sous la frontière israélo-libanaise. Le chef d’étatmajor sortant a révélé qu’il connaissait de longue date l’existence de ces tunnels
et que Tsahal savait que l’un des projets du Hezbollah était d’utiliser ces tunnels pour faire pénétrer en territoire israélien plus d’un millier de terroristes chiites qui avaient pour mission de conquérir la ville de Métoula ! Azencot aurait même voulu devancer cette opération tant il la considérait
comme déterminante dans le rapport de forces entre Israël et le Hezbollah.
Mais il pourra, au moins, se satisfaire d’avoir tiré un trait apparemment définitif sur cette menace en terminant l’opération Bouclier du Nord à la veille de son départ. Sur le front Nord, on peut affirmer que Gady Azencot a réussi à maintenir intacte, voire même à consolider, la force de dissuasion
de Tsahal. Et, comme il l’a dit récemment, « si Hassan Nassrala savait tout ce que nous savions sur lui et sur ses intentions, il aurait des raisons d’être préoccupé ». Par contre on ne peut pas en dire autant du front Sud : au cours des 10 derniers mois de son mandat, le général Azencot a dû faire face à une palette de défis terroristes. Plus d’un millier de roquettes et
de missiles ont été tirés à partir de Gaza vers le territoire israélien, des milliers de ballons incendiaires ont réussi à embraser des milliers d’hectares de champs mitoyens avec la Bande de Gaza, et chaque
vendredi des dizaines de milliers de manifestants palestiniens, se sont rassemblés, de semaine en semaine, le long de la frontière entre Israël et Gaza. Et il faut bien avouer que la force de dissuasion de Tsahal semble avoir été battue en brèche par cette « guerre d’usure » du Hamas. Plus d’une fois au cours des derniers mois, on a eu l’impression que c’est Tsahal, et non l’échelon politique, qui freinait toute riposte massive contre les infrastructures du Hamas. Comme si le chef d’état-major sortant paraissait plus préoccupé par la crise humanitaire dans Gaza et par ses répercussions, que par la psychose dramatique dans laquelle cette situation avait plongé les résidents juifs des localités du pourtour de Gaza. L’ex-ministre de la Défense Avigdor Lieberman a exprimé ce sentiment en affirmant que parfois lorsqu’il assistait à des réunions de l’étatmajor il avait l’impression de participer à des meetings de « Chalom Akhchav »… Au fil des mois, et face à la position très nuancée de l’armée, le Hamas a repris du poil de la bête et en est arrivé jusqu’à poser lui-même les termes de l’équation « Nous répondrons au calme par le calme », ont lancé les chefs du mouvement. Et le paroxysme de ce malaise a été atteint le 13 novembre lorsque, après deux jours de tirs de plus de 450 missiles et roquettes palestiniennes, le cabinet restreint pour la sécurité nationale a, sur recommandation de l’armée, donc d’Azencot, décidé d’accepter le cessez-le-feu, provoquant la colère des milliers d’habitants juifs des localités frontalières. Gady Azencot semble pleinement partager l’évaluation faite à Paris par le Premier ministre Nétanyaou, le 11 novembre, selon laquelle, le problème de Gaza est insoluble. Il considère donc que même une opération militaire d’envergure ne le résoudra pas. Ce qui ne l’a pourtant pas empêché de valider et de suivre de près l’opération des unités spéciales de Tsahal dans Han Younés, opération qui s’est embourbée et a coûté la vie à un lieutenant- colonel de Tsahal, le 11 novembre dernier. Judée-Samarie : là aussi le bilan du général
Azencot est mitigé. En septembre 2015 quelques mois après qu’il a pris ses fonctions de chef d’état-major, Gady Azencot s’est retrouvé face à une vague terroriste massive, l’Intifada des couteaux. Fidèle à son approche de conciliation, il a su gérer cette vague tout en évitant des démarches de punitions collectives contre la population palestinienne de Judée et Samarie. Cependant, les attentats commis ces derniers mois dans ces régions (Barkan, Ofra, Guivat Assaf…) prouvent que les forces de Tsahal n’ont pas encore résolu ce fléau terroriste. Service mixte : Le général Azencot restera dans l’histoire d’Israël, le chef d’étatmajor d’une armée qui a ouvert l’immense majorité de ses unités à des soldates ! Ce qui a provoqué des remous et placé le chef d’état-major en conflit avec les rabbins sionistes religieux. La pression de ces derniers l’a contraint à freiner cette tendance
et à tenir compte avec plus d’acuité des convictions des soldats religieux. Ceci étant, le mandat de Gady Azencot aura été marqué par l’affaire Elor Azaria. Pour le chef d’état-major sortant, qui a toujours veillé à préserver les valeurs éthiques et morales de Tsahal, Azaria n’a pas été un héros et il ne doit pas être considéré comme tel. Sur le plan « administratif », le général Gady Azencot a restructuré l’armée après l’opération Bordure protectrice en 2014 et il a mis en application le plan quinquennal de l’armée, le plan Gidéon qui visait, entre autres, à préparer l’armée entre des périodes de conflits. Seul problème au cours des derniers mois, il s’est heurté aux vives critiques du général (rés.) Its’hak Brik qui a préparé un rapport affirmant que Tsahal n’était pas prêt à une confrontation militaire. Le général Azencot a repoussé les conclusions de ce rapport qui continue de
susciter un débat. En conclusion, le chef d’état-major sortant de Tsahal Gady Azencot, termine sa brillante carrière et son mandat avec le sentiment global d’une mission accomplie dans des conditions difficiles. D’une manière générale Gady Azencot aura été un chef d’état-major populaire tout en étant très discret et en prenant soin de s’éloigner des feux des projecteurs médiatiques. Et c’est probablement ce qui a contribué à son
succès. Daniel Haïk