Rav Eliyahou Lopian naquit en 1870, à Grajewo, près de Lomza, en Pologne. Dans sa jeunesse, il étudia
auprès du Rav ‘Haïm Leïb Michkowsky. Lorsque ses parents décidèrent de s’installer aux Etats-Unis, le jeune Eliyahou n’avait que 9 ans mais à cette époque, il n’y avait que très peu d’institutions juives aux Etats-Unis si bien qu’il ne quitta pas Lomza et y poursuivit son instruction auprès du Rav Eliezer Shulwits, l’un des jeunes disciples de Rav Israël Salanter. Il épousa la fille de Rav Its’hak David Rotmann. Puis, suivant les conseils de son maître et de son beau-père, il s’installa à Kelm pour s’inspirer du grand maître de Moussar, Rabbi Sim’ha Zissel. Il y resta de nombreuses années, s’attacha fidèlement
au courant de pensée de son maître pour le diffuser ensuite à Kelm, en Angleterre et en Erets-Israël. A Kelm, il fonda une Yéchiva où il forma de nombreux élèves, tant en Limoud Torah qu’en Moussar, qui, tout au long de leur vie, évoquèrent le souvenir de leur maître avec admiration et vénération. L’un de ses premiers élèves qui a atteint aujourd‘hui un âge bien avancé a témoigné que la mélodie de son Rav, chantant avec ferveur les versets des Psaumes, résonnait encore à ses oreilles. Londres fut sa prochaine destination et il y fonda la Yéchiva « Ets ‘Haiïm ». Là aussi, il ne cessa pas un instant d’étudier et de
s’adonner à former ses élèves. A Londres, comme à Kelm, sa maison était ouverte à tous. Ses disciples mangeaient à sa table si bien qu’ils se trouvaient la plupart du temps, à ses côtés. Rav Lopian habita en Angleterre pendant 24 ans et marqua, de façon indélébile, toute une génération.
En 1950, il monta en Erets-Israël et passa le restant de ses jours à la Yéchiva « Knesset ‘Hizkiyahou », à Kfar ‘Hassidim. Il prit soin de rapprocher ceux qui étaient loin du monde des Yéchivot et entretenait une
relation particulière avec chacun de ses élèves. Rav David Shlosberg qui fut l’un de ses fervents disciples, nous révèle quelques aspects de sa grandeur. Rav Lopian veillait lui-même à réveiller les ba’hourim le matin et lorsqu’on lui fit remarquer que vu son âge avancé, ce rôle n’était pas digne de son honneur, il répliqua : « je n’ai pas souvent l’occasion de faire du ‘Hessed et vous souhaitez me retirer l’une des seules
opportunités que j’ai d’en faire ?! » Mais ce qui était très marquant, c’était la façon de réveiller les jeunes en douceur. Vêtu de son Talith et de ses Téfilines, il traversait les chambres des ba’hourim et réveillait délicatement les garçons au son de sa voix mélodieuse qui chantonnait les Psouké Dézimra. Le Rav Lopian accordait une grande importance à la façon dont on réveille les jeunes. Pour lui, un manque de douceur au réveil pourrait leur briser toute la journée. Sa Avodat Hamidot était hors du commun. Son autodiscipline, sa maîtrise de soi et l’attention qu’il portait à chacun étaient rarissimes. Il était très vigilant à respecter chaque êtrevivant (par exemple, à ne pas écraser les fourmis). Ainsi, sa grandeur d’âme était perceptible à travers d’innombrables petits actes du quotidien et il se montrait reconnaissant même envers un objet qui lui avait été utile. Un Chabbat après-midi, alors qu’il se rendait à Min’ha à la Yéchiva de ‘Hévron, en compagnie du Rav Moché Eliyahou Stern, il eut beaucoup de peine à croiser en chemin tant de voitures… tant de Juifs qui ne connaissent pas la valeur du Chabbat… « Et si nous faisions demi-tour ? » rétorqua-t-il. Son ami le dissuada en lui expliquant qu’ils avaient déjà parcouru la majorité du chemin… et qu’il valait mieux presser le pas pour arriver rapidement à la Yéchiva. Rav Lopian acquiesça tout en soupirant tant il était peiné de traverser des rues où des Juifs conduisaient le
Chabbat. A ce même moment, un automobiliste s’arrêta devant les deux Rabbanim et leur demanda : « comment rejoindre la rue Yaffo ? ». Sur ce, Rabbi Eliyahou éclata en sanglots et s’exclama: « comment pourrais- je t’indiquer l’itinéraire à suivre alors qu’il est interdit de conduire Chabbat et, d’autre part, comment ne pas aider un juif qui a besoin d’un renseignement ?! Aussitôt, le chauffeur, tout ému, sortit de sa voiture et confia au Rav Lopian qu’il n’avait jamais reçu de reproche formulée avec tant de sincérité. « Vos propos m’ont profondément touché, j’ai vraiment ressenti que vous cherchiez mon bien et… je vous promets que dorénavant, je ne conduirai plus le Chabbat ! », conclut-il. Rav Eliyahou fut accompagné, par une foule immense, à sa dernière demeure, sur le Mont des Oliviers. Il laissa derrière lui une merveilleuse famille et de nombreux descendants qui suivent la belle voie qu’il leur a tracée. Yokheved Levy