La presse de Téhéran ne s’y est pas trompée : elle a dénoncé le rapprochement-surprise entre les diplomaties française et américaine à propos du traité international controversé sur le nucléaire iranien, que le président Donald Trump pourrait dénoncer dès ce 12 mai en annonçant son « retrait » de l’accord signé le 14 juillet 2015 (après douze années de laborieux palabres). « Le retournement d’Emmanuel Macron », a titré à la une le grand quotidien Jahan-é Sanat.
Au cours de son voyage officiel aux Etats-Unis, le locataire de l’Elysée a tenté d’infléchir la position de son homologue mais c’est l’inverse qui s’est produit : le numéro un français a concédé le 24 avril que la sortie du traité par Washington était « inévitable » et qu’il fallait en tirer les conséquences en renégociant les points les plus délicats et sujets à polémiques.
Après d’âpres discussions dans le bureau Ovale, Emmanuel Macron a certes enrobé sa conférence de presse commune avec Donald Trump au moyen de circonvolutions telles que la nécessité d’un « multilatéralisme fort », le fait est là : il a plié et accepté le principe de nouveaux pourparlers avec l’Iran visant à « clarifier » les questions non résolues aux yeux des Américains, des Saoudiens et bien entendu des Israéliens. Avec en ligne de mire la garantie – encore floue à l’heure qu’il est – que la dictature chiite ne pourra en aucun cas se doter d’un arsenal atomique à longue échéance.
En même temps, le chef d’Etat français est conscient du danger : la Maison Blanche devrait ordonner sous peu le rétablissement de sanctions contre Téhéran qui de son côté menace de relancer son programme nucléaire. « Il faudrait éviter de tomber dans une sorte de néant », a averti Emmanuel Macron.
C’est pourquoi il souhaite associer un maximum de pays européens à cette renégociation partielle.
Un vœu pieux pour l’instant, d’autant que rien n’est possible en la matière sans le feu vert, explicite ou tacite, de Moscou et d’Ankara.
Paris espère aussi compléter le nouvel accord par des volets d’une brûlante actualité : la limitation stricte ou l’interdiction des missiles balistiques et l’endiguement des manœuvres expansionnistes du régime des mollahs en Syrie, en Irak et au Yémen.
En Russie, les proches du pouvoir expliquent que Vladimir Poutine ne voit « aucune alternative au document de 2015 ni la possibilité de l’amender de quelle manière que ce soit ».
Plus encore : c’est au tour du Kremlin de menacer le tandem Trump/Macron. Dans un communiqué, il se déclare par avance dégagé de « toute entente séparatiste éventuelle entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Le résultat d’une telle négociation sera analysé par Moscou à la lumière de sa conformité aux exigences du traité de 2015 (…). Si certains s’entendent sur une interprétation particulière de plusieurs points du document, nous nous réservons le droit de faire de même ».
Quoi qu’il en soit, la France n’est plus considérée comme une puissance suffisamment neutre ou accommodante par Téhéran. Est-ce à dire qu’Emmanuel Macron est prêt à rallier l’axe Washington/Ryad/Jérusalem ? A titre conjoncturel, peut-être. A long terme, c’est moins sûr voire improbable.
Axel Gantz