La Torah interdit les abominations telles que l’adultère, les incestes et autres. Avant de les détailler, elle fait une mise au point : « Comme la pratique du pays d’Égypte où vous avez habité, vous ne ferez point, et comme la pratique du pays de Canaan où Je vous mène, ne faites pas ! Et bé’houkotéhém–“dans leurs ‘houkim” ne marchez pas ! Vous pratiquerez Mes ‘houkim… » (Vayikra18, 3-4). Des interdictions insolites Le terme ‘houkim évoque des lois édictées soit par une religion, soit par un pouvoir temporaire. Lorsque la Torah dit : « Vous pratiquerez Mes ‘houkim », elle a raison de les appeler ‘houkim, car ce sont de véritables Lois, imposées par D.ieu. Par contre, lorsqu’elle dit : « dans leurs ‘houkim ne marchez pas », le mot ‘houkim est incompréhensible, étant donné que chez ces nations, il ne s’agit a priori pas de lois, mais de permissions, où chacun fait ce qu’il lui plaît. Ne conviendrait-il pas mieux d’utiliser un terme comme : « selon leurs actions », ou encore « dans leur voie » ? Cependant, chaque nation considère certaines pratiques comme inconvenables et elle les interdit ; elle nomme ainsi des juges qui fustigent les réfractaires. Mais pour certains individus, ces proscriptions n’ont pas lieu d’être, et ils les considèrent comme des entraves à leur liberté. Ce serait justement les juges qui les condamnent qui devraient être condamnés… C’est ce qui se passait en Egypte et au pays du Canaan : ils décrétèrent une interdiction d’interdire les mœurs dépravés… Une génération plus tard, on fouettait celui qui osait châtier les transgresseurs, et après deux générations, celui qui osait seulement les blâmer ! Dès lors l’expression ‘houkim que la Torah utilise pour décrire leur comportement est justifiée. Cette attitude est analogue à celle des gens de Sodome. Lorsque Lot accueillit des invités, acte interdit dans cette ville, ses habitants lui ordonnèrent de les leur livrer, afin de les « connaître », terme désignant des relations honteuses. Comme Lot leur faisait des remontrances, ils voulurent le sanctionner encore plus vigoureusement que ses invités : « Ils dirent : “Retire-toi !” Ils dirent encore : “Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge ! Eh bien, nous te ferons pis qu’à eux !”… Les hommes devant la porte furent frappés d’aveuglement, du plus petit jusqu’au plus grand, et ils se fatiguèrent, en vain, à trouver la porte » (Beréchit19, 9-11). Ce n’est pas uniquement la porte de Lot qu’ils ne parvinrent pas à trouver, mais aussi la porte du repentir. Ayant assailli le seul prédicateur de moralité de la ville, ils furent perdus et la ville fut détruite. Ainsi en fut-il à l’époque du déluge : « Les fils des juges virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent » (Beréchit6,2). Le refus des juges de punir leurs fils a ouvert la porte à la dépravation absolue, jusqu’à ce que cette génération fût engloutie par le déluge. Les théâtres et les stades Concernant la prohibition de ces mœurs dépravées, puisque la Torah en détaille les interdits, pourquoi ajoute-t-elle : « dans leurs ‘houkim ne marchez pas » ? En fait, il s’agit des « théâtres, cirques et stades » (Torat Cohanim cité par Rachi). Bien qu’on n’y pratiquât pas l’adultère réel, c’était des lieux de rires libertins, de légèreté et de cruauté ; or, « le rire malsain et la légèreté amènent à la dépravation » (Avot3,13). Dans les stades, sous les applaudissements et la joie des spectateurs, des bêtes innocentes étaient sauvagement abattues, comme parfois aussi des hommes condamnés à mort, voire des innocents ; tous ces spectacles éveillent la cruauté.
Dans l’Egypte antique, ainsi que chez les sept nations habitant le pays de Canaan, une loi interdisait de s’opposer à ces pratiques. C’est pour cette raison que ces peuples furent exterminés. Quant aux autres nations, gênées par la déviation de leurs mœurs, elles cachaient leurs vices : « Les nations du monde ont accepté trente mitsvot, mais n’en respectent que trois : … et elles ne rédigent pas d’acte de mariage pour un mariage… » (‘Houlin92/b). De nos jours aussi, les courants libertins dans le monde ont réussi à faire condamner ceux qui dénigrent les auteurs de ces infamies. Mais fort heureusement, celui qui prêche contre ces pratiques n’est pas (encore) condamné à mort, comme c’était le cas à Sodome…. Quand cessent les obligations…Revenons aux versets précités. Ils décrivent la perversion comme « la pratique du pays ». Pourtant, les occupations principales deces peuples étaient de semer, de récolter, de construire des villes, et chacun y vaquait à son travail. Pourquoi la Torah désigne-t-elle la corruption comme « la pratique du pays », comme s’il s’agissait de l’essentiel ? Cependant, « l’homme est reconnaissable dans trois situations : dans ses éclats de colère, quand il a subi une perte d’argent, ou en état d’ébriété », (Erouvin65/b). Chacun masque ses défauts, mais pris de crise de colère ou en état d’ivresse, l’homme oublie ou n’est plus capable de dissimuler son intérieur, et ses vrais traits de caractères se dévoilent. Ainsi, une population qui vaque à ses besoins ne montre pas forcément ses vraies tendances. C’est lorsque elle se libère de ses obligations qu’elle se tourne vers ses véritables aspirations, et ainsi, ce sont les occupations des loisirs qui s’appelle : « la pratique du pays ». En voici un exemple probant : « Lors du festin qu’organisait A’hachvéroch, les Mèdes disaient : “Les femmes Mèdes sont les plus belles !”, et les Perses disaient : “Les Perses sont les plus belles !” A’hachvéroch, ivre, leur déclara : “Ma femme est babylonienne, voulez-vous la voir ?” Ils répondirent : “Oui, à condition qu’elle se présente dévêtue…” » (Méguila 12/b).
Rav Yéhiel Brand