Oubliant un temps l’atmosphère empoisonnée de la scène politique israélienne, le Premier ministre a suscité l’enthousiasme quasi-unanime des 18 000 membres de l’AIPAC – le lobby juif pro-israélien aux USA – en présentant les succès tous azimuts d’Israël.
Evitant soigneusement de mentionner ou même de faire une seule allusion à ses ennuis politico-juridiques actuels à domicile avec la crise au sein de sa coalition gouvernementale et les quatre enquêtes menées par la police israélienne qui le suspecte de « corruption », Nétanyaou s’est livré, dans son allocution du 6 mars dernier, à un exercice oratoire duquel il est devenu un grand spécialiste grâce à son excellent anglais : présenter et commenter avec beaucoup de décontraction, d’humour et d’à-propos – vidéos sur grand écran à l’appui – les succès économiques, sécuritaires et diplomatiques d’Israël.Une ovation bipartisane unanime pour le président Trump ! Faisant tout d’abord ovationner le président Trump – y compris par la plupart des membres démocrates de l’AIPAC présents dans la salle – pour sa reconnaissance historique, le 6 décembre 2017, de Jérusalem comme capitale d’Israël et pour sa courageuse décision d’y transférer l’ambassade américaine, il a notamment déclaré : « Israël n’a jamais été aussi fort au plan militaire qu’aujourd’hui avec ses systèmes de défense comme le ‘Dôme de Fer’, avec une aviation dotée d’avions furtifs F-35 et de nombreux autres procédés sophistiqués dont beaucoup ont été développés en coopération avec les Etats-Unis. Notre armée est l’une des meilleures du monde et nos excellents services de renseignements ont réussi à déjouer de nombreux attentats à travers le monde. Merci les USA, merci à tous les présidents américains, merci au Congrès, aux Républicains comme aux Démocrates ! Merci à l’AIPAC ! ». Louant les avantages du libéralisme « qui a permis au génie israélien de réaliser tout son potentiel », Nétanyaou a rappelé la présence en Israël de nombreux centres de recherche et de développement liés à de puissantes firmes internationales comme Apple, Google ou Amazon, « et ce, grâce à l’esprit d’invention et d’innovation répandu dans tout le pays ». Puis il a ajouté sous une nouvelle ovation du public : « Vous souvenez-vous de tous ceux qui parlaient de ‘l’isolement international’ d’Israël ? Mais bientôt, ce sont les pays qui boycottent Israël qui seront isolés, et c’est nous qui les boycotterons ! ». La « fausse note » d’Howard Kohr, le directeur de l’AIPAC. Au-delà de ce succès oratoire somme toute assez aisé de Netanyahou – y compris quand il a parlé de l’Iran en réitérant son appel à stopper son programme nucléaire, martelant que « le régime de Téhéran n’est pas fiable » -, le discours d’Howard Kohr, actuel directeur exécutif de l’AIPAC, prônant ce qu’il a appelé « l’incontournable solution à deux Etats pour mettre fin au conflit séculaire avec les Palestiniens », a mécontenté la plupart des représentants israéliens de la droite et du gouvernement, présents sur place, qui ne se sont pas privés de le critiquer dans les médias US. Plus important encore : ce discours a aussi illustré le profond décalage entre la base très pro-israélienne de l’AIPAC et une partie de sa direction encore enfermée dans des concepts diplomatiques désormais rejetés à la fois par le gouvernement de Jérusalem et un large consensus populaire en Israël même. Lesquels ne croient plus à la viabilité de cette solution du fait du soutien invétéré et permanent apporté par l’AP au terrorisme et de son refus obstiné de reconnaître le caractère juif de l’Etat d’Israël. En fait, cette dissonance au sein de l’AIPAC n’est pas seulement due à ses difficultés à tenir compte des pénibles réalités prévalant dans un Moyen-Orient toujours livré à d’ancestrales luttes ethniques, à la violence et au terrorisme : elle repose sur sa stratégie actuelle qui croit pouvoir courtiser les Juifs américains les plus « assimilés » – souvent démocrates – soutenant le groupe d’extrême-gauche J-Call, lui-même présenté par ses dirigeants comme une « alternative à l’AIPAC »…
Richard Darmon