Le grand lieu de prière du 9e arrondissement, de rite hispano-portugais, célèbrera son anniversaire le 11 février, quelques jours avant la retraite du rav Didier Weill qui fera son alyah peu avant Pourim.
Une page se tourne pour la communauté de la rue Buffault, dans le 9e arrondissement de Paris. Le rav Didier Weill, en fonction depuis 2001, prend sa retraite et fera son alyah le 26 février, deux jours avant Pourim, « pour rejoindre à Jérusalem enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants », dit-il à Haguesher. Une cérémonie est prévue le dimanche 11 février, à partir de 19 heures, pour marquer à la fois ce départ et le cent quarantième anniversaire de la synagogue. Le nouveau retraité explique que c’est ici qu’il « garde les meilleurs souvenirs » de sa carrière (il a notamment officié à Lille et Fontenay-aux-Roses), grâce à la chaleur d’un kahal généralement attaché aux lieux depuis plusieurs générations.
Son prédécesseur, le grand rabbin Jacky Amar, vit lui aussi en Israël.
La manifestation du 11 sera ponctuée d’interventions du rav Weill, du grand rabbin Haïm Korsia et du président de la communauté, Elie Balmain.
L’essentiel de la soirée sera consacré à un concert de la chorale liturgique des Ramatayim, composée exclusivement de ‘hazanim dirigés par Richard Shavei-Tzion et venue pour l’occasion de Jérusalem.
La choule est très vaste avec neuf cent cinquante places assises, mais elle sera probablement noire de monde.
Il y a en effet un « paradoxe Buffault ». Située près de la rue Cadet, au cœur de ce qui fut le quartier de prédilection des séfarades de la capitale dans les années 70, 80 et même 90, elle a drainé des centaines d’hommes et de femmes. Ils étaient souvent deux cents ou davantage, le Chabbat, dans cette magnifique salle de prière.
Mais après cet âge d’or, les Juifs ont déserté le secteur et les habitués ont été divisés au moins par deux en un peu plus d’une décennie. Cependant, les anciens reviennent fidèlement du 17e, de banlieue ouest ou d’ailleurs dès qu’ils le peuvent : pour les fêtes, une bar mitzva, un mariage… et la choule est bondée.
Elle reste la troisième à Paris pour le nombre d’unions célébrées chaque année, après les synagogues des Tournelles et de la rue Notre-Dame-de-Nazareth.
Comment la repeupler au quotidien ?
La question reste ouverte et concernera le successeur du rav Weill, dont on ignore encore le nom. L’appel officiel à candidatures n’a même pas été lancé, par courtoisie à l’égard du partant. « La transition ne posera aucun problème, explique-t-il, puisque notre ‘hazan, Philippe Darmon, est aussi ministre-officiant et pourra assurer l’intérim le temps qu’il faudra ».
Second paradoxe : le kahal est presque exclusivement composé de Juifs originaires du Maghreb et pourtant on prie toujours selon le rite hispano-portugais, celui des fondateurs et premiers membres de la communauté qui venaient du Bordelais, à la fin du 19e siècle.
« Un contrat moral, précise le rav Weill, une dette imprescriptible vis-à-vis de ces grands anciens nous a conduit à perpétuer la coutume… Cela dit, ce rite est proche du culte tel que les séfarades le pratiquent couramment, avec aussi quelques passages rappelant les minhaguim ashkénazes. Cet héritage n’est donc pas difficile à conserver et personne ne s’en plaint ».
En 2010, le président Elie Balmain, qui est éditeur, a publié lui-même un livre historique dont il est coauteur avec Philippe Landau, Dominique Jarassé et Hervé Roten. Son titre : « Buffault, mémoire et traditions du temple hispano-portugais ».
Axel Gantz