Après leur victoire sur les Grecs, les Maccabées entrèrent dans le Temple de Jérusalem et ne trouvèrent qu’une petite fiole d’huile pure, en quantité suffisante pour allumer la Ménora une seule nuit. Par miracle, celle-ci a brûlé pendant huit jours, et en souvenir de ce prodige, les Sages instaurèrent la fête de ‘Hanoucca.
Cependant, l’allumage du Candélabre a lieu à l’intérieur du Hékhal (sanctuaire intérieur), auquel l’accès est interdit au peuple. Seuls quelques Cohanim peuvent y pénétrer : les huit qui apportent les pains sur la Table le jour du Chabbat, le Cohen qui fait brûler deux fois par jour de l’encens sur l’Autel, celui qui allume le Candélabre le soir, et ceux qui y entrent pour se prosterner (Ména’hot 27/b ; Tamid 33 ; Rambam Biyat Mikdach 2, 4). Le miracle de la fiole n’a donc permis d’éclairer qu’une poignée de Cohanim. Pourquoi D.ieu n’a-t-Il pas accompli un miracle aux yeux de tous ?
Prendre des risques excessifs
En vérité, les grands miracles dont le peuple juif a bénéficié durant cette période, se produisirent pendant la guerre, à travers leurs victoires prodigieuses contre la terrible armée grecque. Ces miracles lui ont signifié le formidable amour que D.ieu lui portait. Par contre, le miracle de la fiole d’huile vint plutôt marquer l’affection qu’Il éprouve pour les Maccabées. Avec ce miracle, D.ieu leur a montré qu’Il approuvait leurs actions et que leurs intentions pures avaient été agréées. Il a apaisé leur âme et dissipé leur doute quant à leur choix, à première vue fort discutable. En effet, il n’incombe pas aux Cohanim de pratiquer la guerre, d’autant plus qu’ils l’ont déclarée à des ennemis plus puissants, plus nombreux, plus armés et plus rompus aux combats qu’eux-mêmes. L’initiative de Mattathias releva quasiment du suicide, et des risques de représailles contre le peuple entier étaient à craindre.
Si les victoires militaires ont rassuré le peuple, les Maccabées redoutèrent, pour leur part, d’avoir « provoqué » l’aide de D.ieu, et d’avoir ainsi perdu des mérites : « L’homme ne doit jamais se mettre en danger en comptant sur un miracle : même si un miracle se manifestait, l’homme perdrait ses mérites » (Taanit 20/b).
Voici quelques exemples concrets de ce principe : Yaacov craignit que la bonté de D.ieu à son égard ait diminué ses mérites (Béréchit 32, 11). De même, après avoir jeté son bâton qui se transforma aussitôt en serpent, Moché fuit, sans chercher à s’en remettre à une aide divine miraculeuse. La Torah impose à l’homme de construire une rampe sur le toit, afin de parer au danger. Les Sages refusaient de longer un mur instable, de crainte qu’il ne tombe sur eux (Taanit 20), et ceci, même s’ils allaient accomplir une mitsva. Lorsque Chmouël reçut l’ordre d’oindre David comme roi – ce qui impliquait pour lui un risque si Chaoul en était informé –, il manifesta une grande inquiétude, jusqu’à ce que D.ieu lui indiquât comment agir sans éveiller les soupçons du roi (Chmouël I 16, 1-2 ; Pessa’him 8/b).
Une nuit, un Sage s’était mis en danger pour lire le Chéma, ce qui lui valut les reproches de ses pairs (Bérakhot 10/b). Les fils de Yaacov, après avoir attaqué la ville de Chékhem dans laquelle leur sœur avait été souillée (Béréchit 30, 31), se virent vivement réprimandés par des paroles sans appel de leur père (Béréchit 34, 30 ; 49, 5-7).
Ainsi, les Maccabées ne s’attaquèrent pas uniquement aux Grecs, mais ils mirent également à mort les juifs qui foulaient la Torah du pied publiquement, et parfois, même quand il ne s’agissait que d’une faute d’ordre rabbinique (Sanhédrin 46/a). Or, il y avait un risque réel de confondre le pécheur de plein gré et la personne faible, qui agit uniquement par peur et qui ne mérite pas un tel châtiment. En outre, ils craignaient que d’autres s’inspirent de leur exemple et assassinent leurs ennemis pour des raisons non louables. Pour toutes ces considérations, les ‘Hachmonaïm craignaient de s’être trompés.
Agir pour la gloire de D.ieu
Cependant, certains personnages acceptèrent de se mettre en danger, en comptant justement sur le miracle. Avec seulement 318 guerriers, Avraham entra en guerre contre quatre puissants rois, après que ces derniers eurent réussi à battre les armées les plus puissantes du monde (Béréchit 14). Les juifs ne pratiquèrent pas la circoncision à leurs enfants pendant leur pérégrination dans le désert, car elle impliquait un danger pour les nouveau-nés à cause du mauvais climat. Pourtant, la tribu de Lévi n’y prêta pas attention, et ses garçons furent tout de même circoncis (Yébamot 72). En tuant un notable entouré des hommes de sa tribu, Pin’has s’est mis en réel danger (Bamidbar 25, 7-8). Les filles de Tsélof’had ne se marièrent qu’après quarante ans, en s’en remettant à D.ieu (Baba Batra 119/b, Rachbam). De même, Na’houm de Gamzo s’appuya sur un miracle (Taanit 21/a), ainsi que Rabbi ‘Hanina ben Dossa (Bérakhot 33/a) et bien d’autres encore. Toutes ces personnes ont agi de la sorte, car elles ressentirent que telle était la volonté de D.ieu. Dans ces circonstances spécifiques, elles pouvaient faire fi du danger, certaines que D.ieu leur viendrait en aide. Néanmoins, il est risqué d’agir ainsi, car pensant prendre la bonne décision, on pourrait omettre que l’on agit en réalité sous l’influence de la colère, de l’orgueil, de l’arrogance, voire d’un esprit d’aventurier ou par pure folie. En attaquant les gens de Chékhem, Chimon et Lévi étaient persuadés d’être investis par l’Esprit saint. Mais Yaacov, pour sa part, attribua plutôt leur décision à la colère… (Béréchit 49, 5) !
Les Maccabées, constatant que leur peuple était exposé à un risque d’assimilation, aggravée ou totale, à la culture grecque, décidèrent de braver le danger manifeste et de lever l’épée. Cependant, ils craignaient que la colère ait pu les induire en erreur. Pour dissiper leur doute, D.ieu fit alors le miracle de la fiole d’huile, grâce auquel ils eurent la preuve que leurs intentions, tout comme l’huile, étaient demeurées pures, et que leurs actes avaient trouvé grâce à Ses yeux. Ils y virent aussi un encouragement de persévérer dans leur lutte, qui se poursuivit en effet encore des dizaines d’années, jusqu’à la victoire totale. Si les Sages instaurèrent d’allumer des chandelles dans chaque maison juive, c’est pour faire savoir à tous que cette guerre avait été pleinement agréée par D.ieu, et que ceux qui agissent sincèrement pour la gloire de D.ieu méritent Son aide, même de façon miraculeuse.
Rav Ye’hiel Brand