Être oisif à Roch Hachana
« On a coutume de ne pas dormir à Roch Hachana » (Choul’han Aroukh 583, 2). Or, ajoute le Ma’hatsit Hachekel, si l’on reste éveillé à ne rien faire, c’est exactement comme si l’on dormait… En effet, le Talmud de Jérusalem écrit que « lorsqu’une personne dort à Roch Hachana, son mazal [ange protecteur] s’endort avec elle ». Autrement dit, l’intérêt de rester éveiller à Roch Hachana est de permettre à cet ange de prier en notre faveur, puisqu’il réagit en fonction de nos actions. Or, si l’on reste oisif, cet ange fera de même… La situation devient bien plus grave si l’on est non seulement désœuvré, mais qu’en plus on s’entretient de conversations oiseuses. Dans ce cas, « il sera même préférable de dormir, car cela sera bénéfique pour cet homme et pour le monde entier… » (Rav ‘Haïm Palaggi dans Moed Lékol ‘Haï § 12).
La prière du dénudé…
« [L’Éternel] Se tourne vers la prière du pauvre dénudé, Il ne dédaigne pas leurs prières » (Téhilim 102, 18). Selon le Midrach (Midrach Téhilim), le « pauvre dénudé » de ce verset fait référence à nos générations d’exil. En effet, privés de prophète et de Grand Prêtre nous indiquant la voie à suivre pour être fidèles à D.ieu, et n’ayant plus le Temple dans lequel faire expier nos fautes, nous sommes considérés comme « nus » et totalement démunis. Le roi David implore donc D.ieu d’agréer néanmoins les prières de ces pauvres hères. Or, toujours selon le Midrach, les prières donc il est question ici sont spécifiquement « celles de Roch Hachana et de Yom Kippour »…
Vivre pour D.ieu
Nous disons dans les prières des jours de Pénitence : « Inscris-nous dans le livre des vivants, pour Toi [c’est-à-dire : par égard pour Toi,] D.ieu de Vie. » Pour mieux comprendre cette sentence, nous pouvons également la ponctuer différemment et la lire ainsi : « Inscris-nous dans le livre de “ceux qui vivent pour Toi”, D.ieu de Vie. » Autrement dit : « Fais en sorte que nous-mêmes, à l’instar des grands tsadikim, méritions d’avoir une vie entièrement consacrée à accomplir Tes commandements, et que nous ne menions pas une existence orientée vers nos seuls plaisirs et satisfactions personnelles… »
Se réjouir à Roch Hachana
En voyant le peuple affligé pendant Roch Hachana, le prophète Né’hémya avait clamé : « Allez donc manger des mets succulents, boire des breuvages doux et envoyer des portions à ceux qui n’ont rien préparé ! Car ce jour est consacré à notre Maître : ne vous attristez pas, car la joie en l’Éternel est votre force ! » (Né’hémya 8, 10).
Certes, nous sommes naturellement enclins à éprouver une grande frayeur à l’annonce du jugement de Roch Hachana, sachant que notre droit de vie est alors remis en cause et que nos actions sont passées à la loupe. Cependant, si nous sommes capables de faire fi de ces considérations personnelles et si, en dépit des risques que comporte ce jour, nous nous réjouissons en l’honneur du Maître du monde, nous Lui prouvons par là notre soumission absolue. « Aussi, lorsque le Saint béni soit-Il constate que par égard pour Lui, nous négligeons de L’implorer pour notre propre vie et nous nous réjouissons en Son honneur, cela suscite de Sa part une plus grande miséricorde que de nombreux jeûnes ! » (Drachot ‘Hatam Sofer § 367).
Qu’est-ce que la « vie » ?
Nos Sages enseignent que trois livres sont ouverts à Roch Hachana : celui des vivants – dans lequel sont inscrits les justes – celui des morts – où sont consignés les mécréants – et enfin celui des hommes « moyens ». Pourtant, force est de constater que beaucoup de justes subissent le sort des mécréants, et vice-versa…
C’est qu’en vérité, la « vie » et la « mort » scellés dans ces livres sont d’ordre spirituel. C’est à l’image d’un homme séquestré dans une pièce obscure, et qui en outre ferme lui-même les yeux : il a donc deux raisons de ne pas voir, et même si on lui approche une bougie, il ne verra rien tant qu’il n’ouvrira pas les paupières. Il en va de même à Roch Hachana : pendant ce jour de Jugement, le Maître du monde offre la lumière de Sa crainte et de Son amour à toutes les créatures. Mais pour que cette lumière fasse effet, encore faut-il que l’on soit disposé à ouvrir les yeux pour la voir. C’est donc en fonction de ses préparations personnelles que chacun bénéficiera durant l’année d’une plus importante perception de D.ieu et de plus d’opportunités de s’élever spirituellement.
C’est donc là la « vie » et la « mort » qui sont décidées à Roch Hachana : proportionnellement à leur désir de s’approcher de D.ieu, les hommes sont inscrits soit dans le livre de la « vie » spirituelle – en bénéficiant des meilleures conditions pour progresser dans cette voie – soit dans le livre de la « mort » – une existence privée de spiritualité. C’est précisément en ce sens que nos Sages enseignent : « Les impies sont qualifiés de “morts” même de leur vivant… » (Pélé Yoets).