Dans la communauté juive, on s’est félicité du vibrant discours prononcé par Emmanuel Macron lors de la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv’. Devant Binyamin Nétanyaou, le président de la République a fustigé ceux qui nient la responsabilité française dans la Shoah et dénoncé l’antisionisme.
Emmanuel Macron a prononcé un discours émouvant, certains diront historique, lors de la cérémonie marquant le soixante-quinzième anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv’, dans la matinée du 16 juillet. Devant Binyamin Nétanyaou, premier chef du gouvernement israélien invité pour l’occasion, il a renforcé la thèse de la responsabilité de la France dans la déportation, réalité reconnue dès 1995 par le président Jacques Chirac et battue en brèche aujourd’hui par le Front national, mais aussi par des gaullistes et des intellectuels qui regrettent une « repentance perpétuelle » accélérant le supposé « déclin moral » du pays.
Le président de la République a pris le contrepied de ces critiques en allant plus loin que ses prédécesseurs dans la dénonciation des crimes de Vichy. « Oui, je le redis ici, a-t-il martelé, c’est bien la France qui a organisé la rafle puis la déportation et donc, pour presque tous, la mort des treize mille cent cinquante-deux personnes de confession juive arrachées les 16 et 17 juillet à leur domicile. Pas un seul Allemand n’y a participé ». Il a également fustigé la légende gaullienne selon laquelle la collaboration pétainiste serait une anomalie ou une simple parenthèse de l’Histoire, insistant sur l’antisémitisme qui régnait déjà à la fin du 19e siècle, pendant l’affaire Dreyfus, et dans les années 30. Emmanuel Macron a clairement évoqué la position de Marine Le Pen : « Récemment encore, a-t-il déclaré, ce que nous croyons établi par les autorités de la République, sans distinction partisane, avéré par tous les historiens (…), s’est trouvé contesté par des responsables politiques prêts à faire reculer la vérité (…). Ce serait donner beaucoup d’honneur à ces faussaires que de leur répondre. Mais se taire serait pire, ce serait être complice ».
Binyamin Nétanyaou – appelé « cher Bibi » par son hôte – a salué pour sa part le geste « très, très fort » consistant à le convier à la manifestation, soulignant « l’amitié » ancienne entre Paris et Jérusalem.
Emmanuel Macron a d’ailleurs affirmé qu’il ne « cèderait rien à l’antisionisme, forme réinventée de l’antisémitisme », provoquant des applaudissements nourris dans l’assistance et un satisfecit remarqué du président de l’Agence juive, Nathan Sharansky, qui s’est félicité de cette « clarification », appelant l’ensemble des dirigeants européens à faire de même.
Enfin, le chef de l’Etat n’a pas éludé l’assassinat de Sarah Attal-Halimi zal, après avoir égrené la liste des victimes récentes d’attentats antijuifs dans l’Hexagone. « Malgré les dénégations du meurtrier, a-t-il proclamé, la justice doit faire toute la lumière » dans cette affaire, suscitant de nouveaux applaudissements. Quelques minutes plus tôt, le président du CRIF avait demandé à chacun d’« écouter la vérité » sur le drame. « L’antisémitisme a toujours su se renouveler », avait noté Francis Kalifat au sujet des motivations du tueur, Kobili Traoré.
« Emmanuel Macron a dit tout ce que j’attendais », a résumé Serge Klarsfeld après la cérémonie. Avant les allocutions, le célèbre chasseur de nazis avait inauguré avec le président, non loin de la tribune, le jardin-mémorial des enfants du Vel’ d’Hiv’.
Axel Gantz
Affluence record à Sceaux pour un 16 juillet communautaire
Des cérémonies mémorielles ont été organisées un peu partout en France par les communautés locales à l’occasion de l’anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv’. Comme de coutume, la plus importante s’est déroulée au parc de Sceaux sous l’égide du Conseil des communautés juives des Hauts-de-Seine (CCJ-92). Quatre cents personnes, dont environ quatre-vingts enfants, y ont participé dans l’après-midi du 16 juillet. Un record.
La manifestation a été créée en 2006 par Nicolas Sarkozy, alors président du conseil général (nommé par la suite conseil départemental), et Joël Mergui, à l’époque à la tête du CCJ-92. C’était avant son accession à la présidence du Consistoire. Un monument du souvenir rappelant le sort tragique des Juifs des Hauts-de-Seine sous l’Occupation, « Le Pupitre aux étoiles », a été érigé dans une clairière du parc et la cérémonie annuelle, émaillée de diverses allocutions, était plutôt réservée aux adultes.
Le changement s’est produit après 2009 sous la conduite du nouveau responsable du CCJ-92, Elie Korchia, toujours titulaire du poste aujourd’hui. Le concept a été élargi : il s’agissait d’attirer un maximum de familles. Pari réussi. En ce mois de juillet 2017, les petits ont récité des textes de Simone Veil zal, les élus locaux et représentants communautaires (le grand rabbin Haïm Korsia, Joël Mergui, Ariel Goldmann pour le FSJU, Robert Ejnes pour le CRIF…) n’ont pas été les seuls à s’exprimer. La foule a pu entendre le témoignage d’Isabelle Choko, rescapée d’Auschwitz et de Bergen-Belsen. Un violoniste de l’Opéra de Paris, Romain Sénac, a interprété plusieurs morceaux sous forme d’interludes entre les différentes interventions.
Enfin, un buffet a été offert aux participants. « J’ai voulu un après-midi vivant, ni trop solennel ni triste », commente Elie Korchia pour Haguesher.