C’est dans le sillage de certaines guerres ou événements sécuritaires marquants – objets de polémiques publiques – que des gouvernements de l’Etat hébreu ont décidé de former des commissions nationales d’enquête. En voici les trois plus célèbres dans l’histoire d’Israël. 1974 : La Commission Agranat sur la Guerre de KippourPortant le nom de son président, le juge Shimon Agranat, cette commission a enquêté sur les manquements de l’armée israélienne et des services de Renseignements avant et pendant les attaques égyptienne et syrienne ayant simultanément déclenché le 6 octobre 1973 la Guerre de Kippour. Mal renseignée sur les intentions de ces deux pays arabes, Tsahal ne s’était pas préparée à ces attaques subites et fut donc complètement débordée. Dans le Sinaï, l’armée égyptienne balaya la ligne Bar-Lev censée protéger Israël d’une attaque par le canal. Après un angoissant délai, Tsahal contre-attaqua en repoussant ses agresseurs, les deux super-puissances américaine et soviétique faisant cesser ce conflit avec l’adoption par l’ONU de la Résolution 338.La Commission Agrana comptait 5 membres : aux côtés de son président, le juge Shimon Agranat (alors président de la Cour suprême), siégeaient le juge Moché Landau, le contrôleur de l’État, Its’hak Neventsal, et les deux chefs d’état-major de Tsahal à la retraite, ‘Haïm Laskov et Yigal Yadin. Après la publication en avril 1974 d’un 1er rapport intermédiaire qui pointa les seules erreurs d’appréciation du Mossad et de l’armée (en demandant la démission du chef d’état-major, David Elazar, du chef de la Région-sud, Shmuel Gonen, et d’autres officiers et responsables du Mossad) mais sans mettre en cause le ministre de la Défense, Moché Dayan ni le Premier ministre Golda Meir, un 2e rapport intermédiaire de 400 pages est publié en juillet 1974, dont seule l’introduction est accessible. Toutefois, du fait de la grave crise politique secouant le pays, Golda Meir dut démissionner dès le 11 avril 1974 pour laisser place au nouveau gouvernement d’Its’hak Rabin, qui n’inclut pas Moche Dayan. Quant au rapport final de 1 500 pages (dont une quarantaine est publiée), il sera remis en janvier 1975. Pour en connaître le contenu, il faudra attendre que Rabin autorise en 1995 la diffusion publique d’une grande partie de ce document (sauf 48 pages jugées alors encore « trop sensibles pour la sécurité d’Israël »), puis que la Knesset lève en 2005 cette ultime réserve. La Commission Kahane sur le massacre de Sabra et ChatilaCréée par le gouvernement israélien le 28 septembre 1982 pour enquêter sur le massacre de Sabra et Chatila (16-18 septembre 1982), cette Commission (appelée Commission d’enquête sur les événements dans les camps de réfugiés à Beyrouth au Liban) fut dirigée par le président de la Cour suprême israélienne, Yits’hak Kahane. Ses deux autres membres furent le juge de la Cour suprême, Aharon Barak, et le général (réserviste) Yona Efrat. Son but : établir une éventuelle implication israélienne dans ce massacre avec une enquête sur les faits et facteurs concernant les atrocités perpétrées par une unité des Phalangistes chrétiens des Forces libanaises contre la population civile palestinienne et libanaise des camps de Sabra et Chatila. Après une enquête de 4 mois, la Commission Kahane remet son rapport le 8 février 1983 en concluant que la responsabilité directe du massacre incombait aux Phalangistes libanais. Elle précise qu’aucun Israélien ne peut être jugé « directement responsable », mais que l’Etat hébreu a une « responsabilité indirecte » puisque l’armée ayant encerclé les camps palestiniens, le Premier ministre d’alors, Menahem Begin, a fait preuve d’une « certaine négligence » sur la question des Phalangistes. Quant au ministre de la Défense, Ariel Sharon, il est tenu pour responsable d’avoir « ignoré les risques d’effusion de sang et de vengeance » et de n’avoir pas pris « les mesures appropriées pour éviter le carnage ». Le ministre des Affaires étrangères, Its’hak Shamir, aurait commis une « erreur » en restant inactif en dépit des alertes reçues sur le massacre. Le chef d’état-major de Tsahal, Rafaël Eytan, n’a pour sa part pas donné les « ordres appropriés » pour l’empêcher. Recommandant que Sharon soit démis de ses fonctions ministérielles, la Commission blâme d’autres responsables israéliens qui auraient dû, selon elle, « prévoir » les conséquences meurtrières d’une entrée des Phalanges chrétiennes dans les camps palestiniens. A signaler qu’à la fin de son rapport, la Commission signale que « des massacres ont certes eu lieu auparavant au Liban faisant des victimes beaucoup plus nombreuses qu’à Sabra et Chatila, mais l’opinion publique mondiale ne s’en est pas émue et aucune commission d’enquête n’a été établie ». Et de préciser que son objectif était « de préserver l’intégrité morale d’Israël et son fonctionnement en tant qu’État démocratique adhérant scrupuleusement aux principes fondamentaux du monde civilisé ». La Commission Winograd sur la 2e Guerre du Liban Mandatée par le gouvernement israélien afin d’analyser et de tirer des leçons du conflit israélo-libanais de l’été 2006, cette Commission, qui est présidée par le juge à la retraite, Eliahou Winograd, a publié son 1er rapport le 30 avril 2007 critiquant durement les principaux décisionnaires israéliens de ce conflit. Ses autres membres sont le professeur de droit, Ruth Gavison, le professeur de science politique, Ye’hezkel Dror, et les officiers de Tsahal Mena’hem Einan et ‘Haïm NadelBien que largement approuvée par l’opinion publique israélienne car elle ripostait aux attaques permanentes du Hezbollah au nord du pays, l’offensive de Tsahal au cours de l’été 2006 a vite fait l’objet de critiques acerbes sur les plans logistique et stratégiqueconcernant l’échec de la tentative des trois libérations des soldats israéliens enlevés et plusieurs « ratés » tactiques sur le terrain. Son rapport final publié en janvier 2008 a donc conclu à de « sérieuses carences et défaillances » dans la conduite de la 2e Guerre du Liban en établissant, entre autres, la responsabilité du Premier ministre d’alors, Ehoud Olmert, et de son ministre de la Défense, Amir Peretz. Richard Darmon