Rav Binyamin Beressi
Dans la paracha de Réé, la Torah s’étend longuement sur la mitsva de Tsédaka, celle d’aider son frère s’il est dans le besoin : « S’il y a chez toi un pauvre, l’un d’entre tes frères (…) tu n’endurciras pas ton cœur, et ne fermeras pas la main à ton frère nécessiteux, mais tu lui ouvriras largement la main, et tu lui prêteras selon ses besoins, selon ce qui lui manque ! (…) Tu lui donneras, donneras encore (…) Je te fais cette recommandation : tu ouvriras largement ta main à ton frère, à ton pauvre… » (Dévarim XV, 7-11).
La traduction littérale de cette recommandation serait : « Ouvrir, tu ouvriras… prêter, tu lui prêteras… donne r, tu donneras… » Cette formulation redondante, figurant dans ces quelques versets traitant d’un même sujet, est tout à fait inhabituelle et marque une insistance particulière. Elle a aussi sa signification propre. Le Kli Yakar explique que la Torah, ayant ordonné au préalable : « Tu n’endurciras pas ton cœur, ni ne fermeras ta main », dicte cet ordre en s’adressant spécifiquement au cœur et à la main. Par conséquent, la répétition est un appel adressé d’abord au cœur puis à la main, avec en retour, pour récompense, une bénédiction elle aussi itérative : « Car bénir, l’Eternel te bénira ! »
Le Ktav Sofer cite la Guémara (Pessa’him 8/a) affirmant qu’un homme qui donnerait de la Tsédaka pour obtenir la guérison de son fils, ou pour toute autre cause d’intérêt personnel, est cependant qualifié de « Tsadik (Juste) parfait », car cette intention intéressée ne réduit pas l’importance de son acte. Plus encore : il est même permis à l’homme de mettre D.ieu « à l’épreuve » et de donner de la Tsédaka dans le but de s’enrichir. En effet, le verset énonce : « Asser téasser » – « prélever, tu prélèveras (la dîme) », et nos Sages interprètent cette répétition comme signifiant : « Asser bichvil chétitacher » – « donne la dîme afin de t’enrichir ! »
Toutefois, la Torah nous conseille de donner au pauvre « à raison de ses besoins, de ce qui peut lui manquer », car la Tsédaka est encore plus importante lorsqu’elle est réalisée de façon désintéressée et qu’elle vient répondre à l’appel de l’indigent. Il importe de ne pas refuser de lui apporter secours, car alors « il se plaindrait de toi à l’Eternel », Qui accepterait sa plainte car « L’Eternel est proche des cœurs brisés, il prête secours à ceux qui ont l’esprit contrit » (Téhilim 34,19).
Dans la prière de Nichmat Kol ‘Haï, on évoque les notions de « chavat aniyim » et de « tsaakat hadal ». Le ‘Hida explique que chavat aniyim – « la plainte des pauvres que D.ieu entend » – c’est lorsqu’ils réclament ce dont ils ont besoin. Quant à tsaakat hadal – « le cri du faible auquel l’Eternel est attentif » – c’est lorsqu’il se plaint de celui qui lui refuse son aide et qui l’offense. Le Zohar (Balak page 195) fait remarquer que dans le livre des Téhilim, trois psaumes commencent par le mot « prière » : « Prière de David » (psaume 86), « Prière de Moché » (psaume 90), et « Prière du pauvre… qui répand sa plainte » (psaume 102). Et c’est seulement à propos de ce dernier qu’il est précisé : « devant l’Eternel », parce que parmi ces trois personnages, c’est lui qui est le plus proche de l’Eternel !
Rappelons enfin la Guemara (Baba Batra 9/b) où Rabbi Elazar enseigne : « Celui qui donne la Tsédaka en secret est plus grand que Moché Rabenou ! » Et Rabbi Its’hak d’ajouter : « Quiconque donne une pièce à un pauvre bénéficie de six bénédictions, et s’il le réconforte avec de bonnes paroles, il aura droit à onze bénédictions ! »