Une semaine après la dissolution, alors que la classe politique israélienneest en pleine ébullition, queBenett et Shaked ont quitté leur Foyer Juif, qu’Avi Gabbay a fait voler en éclat le Camp Sioniste en exécutant (en direct) Tsipi Livni, un homme reste stoïque, détaché et, silencieux : on pourrait même dire étonnamment silencieux. Et cet homme, Benny Gantz est en train de prendre en otage l’ensemble de l’opinion publique
israélienne qui attend patiemment qu’il veuille bien sortir, une fois pour toutes, de son mutisme. Et l’on a presque l’impression que l’ancien chef d’état-major prend un certain plaisir, pour ne pas dire un malin plaisir, à voir cette effervescence des analystes politiques autour de chacun de ses gestes. Lundi après-midi à l’issue des obsèques d’Amos Oz, Benny Gantz interrogé par la chaîne I24 a affirmé qu’il n’était ni gauche ni droite mais qu’il était Israël. Une formule percutante qui reflète apparemment l’aspiration unitaire et nationale à laquelle Benny Gantz aspire. Seul problème, et de taille : dans les instances officielles de l’Etat d’Israël, il y a
déjà un homme qui est censé représenter cette « Unité de la Nation » puisque c’est l’essence même de sa fonction. Cet homme s’appelle Réouven Rivlin. Il est président de l’Etat d’Israël et son poste ne sera pas à pourvoir dans les deux prochaines années et demi. Si Benny Gantz entend demeurer dans le douillet cocon du consensus israélien, s’il se complait dans ces sondages qui lui garantissent une quinzaine de mandats à la prochaine Knesset, alors il peut attendre jusqu’à juillet 2021, lorsque le président Rivlin terminera son mandat et ensuite briguer sa succession. Mais s’il souhaite réellement entrer en politique pour promouvoir de nouvelles idées, pour apporter un souffle nouveau, alors il est grand temps qu’il se jette à l’eau, sorte de son mutisme, et qu’il présente son programme politique au peuple israélien. Car alors de deux choses l’une : soit il parvient
à l’aide de son charisme naturel et d’idées originales à séduire les Israéliens et ces 15 ou 16 mandats se concrétiseront le 9 avril prochain soit, il ne parviendra pas à convaincre, et les sondages en baisse seront très vite le reflet de la profonde déception de ces Israéliens prématurément admiratifs. Car il est évident que l’on ne peut pas être à la fois chef de file d’un parti politique et défenseur de l’unité de la Nation. Car la politique divise. C’est dans sa nature, dans son essence. C’est même presque
sa raison d’être. L’armée israélienne rassemble. Elle demeure en dépit des polémiques au coeur du consensus israélien et de ce point de vue il y a une certaine logique à ce qu’une personnalité telle que Benny Gantz qui l’a commandé soit tenté de calquer cette unité militaire sur l’échiquier politIque . Seulement voilà : c’est impossible. Ce serait contre nature. Si
Gantz veut changer une réalité, s’il estime que Binyamin Nétanyaou conduit le peuple vers une impasse alors il doit avant tout le dire : il doit le clamer avec détermination, mais avec une certaine fougue. Or pour l’instant Gantz préfère donner de lui l’image d’un « gars sympa » souriant, bienveillant. C’est déjà un premier pas vers le changement mais c’est
encore beaucoup trop insuffisant. Surtout pour un Etat qui demeure en permanence menacé et qui vit sur les chapeaux de roue. C’est pourquoi Benny Gantz doit quitter au plus vite la posture du « Penseur de Rodin », comme l’a dépeint récemment un caricaturiste israélien. Après avoir mûrement réfléchi, il doit parler. Il doit dire ce qu’il pense et bien plus audacieux, nous donner envie de penser également ce qu’il pense. En attendant l’ancien chef d’état-major de Tsahal n’est rien d’autre qu’un candidat virtuel avec un plan virtuel et des ambitions virtuelles. Daniel Haïk