« Il faut rappeler le nom des victimes et oublier celui de l’assassin et de son frère »
Jeudi matin 2 novembre, quelques heures avant l’annonce du verdict dans le procès du frère de l’assassin de son mari le rav Jonathan Sandler zal et de ses deux garçons Arié et Gabriel zal, Eva Sandler qui vit aujourd’hui à Jérusalem, a pris l’avion pour être à Paris aux cotés de sa famille en ces instants douloureux. Au lendemain de ce verdict, elle a accepté de réagir pour Haguesher, avec ce courage et cette dignité qui forcent l’admiration. Un témoignage de vie et d’espoir.
Haguesher : Eva Sandler vous avez suivi à Paris la fin de ce procès du frère de l’assassin de votre mari le rav Jonathan Sandler et de deux de vos fils, Arié et Gabriel zal . Quelle est votre réaction au verdict de la cour d’assises de Paris ?
– Eva Sandler : Pour ce qui est du verdict, il y a une véritable déception. Je m’attendais à ce que la complicité terroriste soit établie par la Cour, pas seulement l’association de malfaiteurs. C’est vrai que cela fait mal mais ce n’est pas cela qui va me ramener mes proches.
– Comment expliquez-vous que la Cour d’Assises n’ait pas retenu la complicité entre l’assassin et son frère ?
– C’est quelque chose que je ne m’explique pas. Dans toutes les familles on sait mesurer la complicité existant entre deux frères qui sont proches. Et ils étaient proches. Les documents et les témoignages le prouvent. Alors pourquoi dans le cas précis ce terme qui définit au mieux la relation de deux frères n’a pas été retenu?? C’est un profond regret pour moi de constater cela.
– Comment avez-vous vécu ces 5 longues semaines de procès ?
– Je n’ai pas souhaité suivre ce procès et c’était pour moi une question de principe. C’était trop douloureux pour moi et j’ai tout fait pour m’éloigner de ce procès et des médias qui le couvraient. Je voulais me protéger. Mais j’ai tout de même fait une entorse à ce principe pour suivre les témoignages des familles à la barre. Et d’une certaine manière le fait d’être en Israël m’a quelque peu épargné et protégé face à ces tensions et au déferlement médiatique qui ont entouré le procès. Cependant j’ai accepté de réagir au verdict après avoir pris connaissance des émouvants témoignages livrés par ma sœur Orly Haïm, par mon beau-père Samuel Sandler à la barre du tribunal. J’ai compris que je devais surmonter ma douleur pour réagir moi aussi, que je devais le faire pour mettre en avant le souvenir de mon mari le rav Jonathan zal et de mes deux garçons Arié et Gabriel zal afin que l’on se souvienne d’eux et que l’on oublie l’assassin, son frère et son complice.
– Quel message voulez-vous faire passer au lendemain de ce verdict ?
– J’ai remarqué que durant les audiences, le nom des victimes a été presque mis de cotés alors que celui de l’assassin et de son frère ont été sans cesse répétés. Et c’est quelque chose qui m’a profondément choqué. Je déplore le fait que ce procès ait fait du frère de l’assassin une « star » médiatique dont on a décortiqué la vie et dépeint l’histoire alors que l’on n’a pas assez rappelé que son assassin de frère avait fauché 7 vies humaines. Il faut citer les victimes: dire et redire leur nom car c’est un moyen de leur redonner vie, de rappeler leur souvenir. L’assassin ou son frère ne méritent pas d’être érigé au rang de stars médiatiques. C’est aussi, pour tout un chacun, une manière de lutter contre le terrorisme. Et puis, le simple fait de citer le nom de l’assassin d’en faire ainsi une personnalité célèbre attire les jeunes des banlieues qui s’identifient avec eux. Et alors au lieu de lutter contre le terrorisme, ces jeunes le légitimise, le glorifie et font de ces assassins des martyrs et des modèles à copier. C’est notre mission à nous de rappeler les vies fauchées par l’assassin, de rappeler ce que mes enfants auraient pu devenir s’ils n’avaient pas rencontrés l’horreur. C’est le nom des victimes qui doit rester éternel.
– Eva Sandler: Comment, depuis ces 5 années et demi, faites-vous face à cette immense douleur ?
– C’est la Emouna qui me donne le courage d’aller de l’avant, sans toutefois jamais les oublier. C’est aussi la présence de ma fille Liora à mes cotés qui me donne de la force. Mais nous sommes un peuple fort qui n’a jamais cédé sous les épreuves. C’est cette Emouna qui m’a permis de reconstruire après cette terrible destruction. Je me suis remarié. Et il y a quelques mois j’ai donné naissance à un petit bébé qui aujourd’hui porte le nom de Rafael qui était le second prénom de mon mari le rav Jonathan Rafael Sandler. Nous luttons pour faire triompher la vie et pour perpétué son nom. Nous mettons en application l’enseignement de la Torah qui nous a demandé de choisir la vie: « Ouba’harta Ba’haim ». La douleur, elle, demeure en permanence mais l’on apprend à vivre avec.
– Au delà de cette reconstruction vous avez également voulu perpétuer le nom du rav Sandler et de vos enfants Arié et Gabriel zal au travers d’un Collel qui se développe, d’année en année, à Jérusalem dans le quartier de Kyriat Yovel où vous aviez vécu les premières années de votre mariage avant de partir en chli’hout à Toulouse ?
– Oui effectivement, nous avons créé le Beith Sandler à Kiryat Yovel, la ville où nous avions vécu tous, un édifice en souvenir éternel de leur nom et leur mémoire. Plusieurs activités sont mises en place à leur image: le Collel fait penser à Jonathan qui aimait se plonger dans l’étude de la Torah pour ensuite la partager. Le Oneg chabbat rappelle combien Arié et Gabriel aimaient partager et jouer autour des magnifiques thèmes de la Paracha suivant à leurs manières les traces de Jonathan. Les cours pour femmes font penser à Myriam qui était malgré son jeune âge, un exemple parfait de bat Israël. Il y a également des bourses d’aide à l’approche des fêtes mettant à l’honneur la famille et le bien être qu’elle procure..J’ai tellement espoir que de grands érudits sortent de ce Collel et disent un jour : « C’est au Beith Sandler que j’ai été formé…Ce serait un clin d’œil à Jonathan comme si, à travers le temps, il continuait d’étudier et de transmettre autour de lui…. où encore que des enfants rentrent heureux et grandis du Oneg chabbat organisé à l’image d’Arié et Gabriel comme si eux aussi continuaient de procurer de la joie tout en montrant l’exemple de la générosité qu’ils incarnaient. J’ai tellement à cœur de conduire Liora sur ce lieu où les témoignages lui parleront des grands hommes de sa vie. Si cela est possible aujourd’hui et avec l’aide d’Hachem, encore de très longues années à travers le temps et l’oubli, c’est grâce au soutien de tous les participants. Sans eux je n’y serai pas parvenu.
Aujourd’hui, je me rends compte, après ce procès dérisoire, combien je suis reconnaissante envers chacun d’eux et combien c’est réellement en la réalisation du Beith Sandler que je puise les forces bien loin de la vengeance ou de la peine à perpétuité.
J’appelle de tout cœur tous ceux qui n’ont pas eut l’occasion de venir participer, de venir dès cette année rejoindre les participants afin d’être plus nombreux à soutenir leurs mémoires et faire triompher la vie sur la haine. Je veux rappeler que le gala annuel du Beith Sandler aura lieu sDv le 31 janvier 2018, aux Salons Hoche, à Paris. Pour tous renseignements, merci de contacter le 06.19.84.83.39.
– Merci, Eva Sandler, de nous avoir fait partager vos sentiments après ce verdict.