
Le 19 décembre dernier, la police israélienne a arrêté et longuement interrogé Benny Steinmetz, un riche homme d’affaires israélien dont la société minière BSGR exploite des diamants en Afrique. Il est accusé d’avoir corrompu les autorités guinéennes pour faciliter les activités de son entreprise. Plusieurs millions de dollars auraient ainsi été versés en pots-de-vin à différents responsables guinéens de Conakry. Mais selon Yuval Sasson, l’avocat de Benny Steinmetz, aucune de ces accusations ne serait fondée : il s’agirait tout simplement d’une manœuvre du président guinéen Alpha Condé pour exproprier BSGD de ses droits d’exploitation. Il faut dire que celui-ci, élu en novembre 2010, a succédé aux 24 ans de règne du général Lansana Conté, qui dirigea la Guinée d’une main de fer de 1984 à 2008. Et c’est justement ce dernier qui avait attribué les droits de prospection minière à BSGR. Pour ce faire, le général guinéen avait tout simplement résilié un contrat avec la société minière internationale Rio Tinto pour l’attribuer à BSGR. La société de Beny Steinmetz apparaît donc comme liée à l’ancien dictateur guinéen. Or actuellement, l’opposition guinéenne multiplie les accusations de corruption contre le gouvernement en place, notamment dans l’attribution d’un permis d’exploitation de l’un des plus grands gisements de minerai de fer du monde – affaire totalement étrangère à BSGR. L’accusation qui frappe Benny Steinmetz pourrait focaliser l’attention des opposants guinéens sur l’homme d’affaires israélien, victime expiatoire d’un système corrompu.
Reste que Benny Steinmetz n’est pas non plus très net en Israël : sa société, dont le siège social est installé dans l’île de Guernesey –paradis fiscal bien connu – a déjà été dans le collimateur du fisc israélien. En 2009, l’ancien procureur de l’État Meni Mazuz avait d’ailleurs ouvert une enquête à son sujet, qui ne déboucha sur rien. On en est là pour l’instant. Quoi qu’il en soit, il faut savoir qu’en Afrique, la corruption est une pratique courante et presque obligatoire dans les affaires, qu’elles soient publiques ou privées. Pour obtenir un contrat public, une entreprise est presque toujours contrainte d’offrir des « enveloppes » aux responsables politiques. D’après l’enquête de Survey Enterprise de la Banque Mondiale, la palme en la matière reviendrait à la République démocratique du Congo, où 80,5 % des entreprises ont dû faire des « cadeaux » pour obtenir des contrats. Selon l’Unodc, le gagnant toutes catégories serait Mobutu, président du Zaïre de 1965 à 1997, qui aurait au cours de son mandat puisédans la caisse de l’État 5 milliards de dollars, ce qui équivaut presque au PIB du pays (6,09 milliards de dollars). La corruption gangrène toutes les relations humaines, à tous les niveaux de la pyramide sociale, à tel point que selon Transparency International, 24 % des Africains ayant eu un contact avec les forces de l’ordre au cours de l’année passée déclarent avoir dû verser un pot-de-vin. DAVID JORTNER