C’est la première fois que le rassemblement se déroule hors de Paris intra-muros, dans la synagogue de la rue Ancelle. Il s’agissait pour le Consistoire, comme chaque année, de souligner le lien indissociable entre le passage sous la houppa et la pérennité du judaïsme dans ce pays.
Comme l’a fait remarquer le rav Michaël Azoulay qui officie rue Ancelle depuis le départ à la retraite du grand rabbin Alexis Blum, en 2009, c’est la première fois que la cérémonie annuelle des mariés d’Ile-de-France se déroule en banlieue, dans sa synagogue de Neuillysur- Seine (Hauts-de-Seine). Une volonté « décentralisatrice » du Consistoire. C’est surtout le signe de l’importance grandissante de la communauté locale, l’une des plus dynamiques de la région. Elle dispose d’une choule de quatre cents places, ce qui lui permet d’accueillir toutes sortes d’événements intéressant l’ensemble du judaïsme francilien ou national. C’est le rav Azoulay qui s’est exprimé d’abord, dans la soirée du 21 octobre, devant environ cent cinquante personnes – dont une cinquantaine de couples unis au cours des douze mois écoulés, comme le veut la tradition. Le rabbin de cette communauté consistoriale a cité dans son allocution la massekhet Berakhot (6b) en rappelant que réjouir un jeune couple, organiser un repas ou participer à une manifestation en son honneur était une mitsva aussi capitale que « relever une ruine de Jérusalem », autrement dit reconstruire une partie du Beth Hamikdach. La notion de construction représentait d’ailleurs le fil rouge de sa dracha. Il a insisté sur les efforts nécessaires qu’il convient de déployer pour bâtir une vie commune « à la fois belle et pérenne » et bâtir aussi un destin authentiquement juif pour ses enfants. Prenant la parole à son tour au nom de l’institution cultuelle, le président Joël Mergui a souligné le lien indissociable entre le mariage et la question identitaire, qui préoccupe tant nos contemporains. « C’est en passant sous la houppa que l’on assure la continuité de notre peuple », a-til proclamé. D’où la place centrale que le Consistoire accorde à cette cérémonie. Il a estimé en outre que le chalom baït ne pouvait durer sans que l’un et l’autre conjoints ne procèdent à une introspection permanente et une évolution positive de leur propre personnalité. Joël Mergui a fait rire l’assistance quand il a proposé d’instaurer dès 2019 une cérémonie supplémentaire annuelle, celle « des nouveaux bébés ». Une semi-plaisanterie dans la mesure où les naissances sont le gage de notre avenir dans ce pays. Il a ajouté que l’institution comptait adresser dorénavant un « cadeausurprise» aux mamans qui informeront le Consistoire d’un « heureux événement ». Un ‹hidouch tout à fait sérieux, confirme à Haguesher Merav Cohen, chargée des mariages rue Saint-Georges et qui a préparé le rassemblement du 21 octobre avec Moché Taïeb, délégué rabbinique à Neuilly. Dernier intervenant : le rav Michel Gugenheim. Le grand rabbin et président du Beth-Din de Paris a appelé les couples présents « chers ‹hatanim et chères kalot », en expliquant (ce que beaucoup ignorent) qu’il est recommandé d’utiliser cette terminologie pendant un an après les noces. En effet, a-t-il précisé, c’est le temps qu’il faut pour commencer le travail difficile mais indispensable et quotidien qui va amener « deux êtres que tout sépare à fusionner ». Une première étape. Dans la foulée, il a cité un passage de la paracha Vayéra où Avraham Avinou, voyant trois voyageurs près de sa tente, s’empresse de leur accorder l’hospitalité, va chercher de la viande et demande à son épouse Sarah de s’occuper de la farine pour confectionner
pain et gâteaux. Et le rav Gugenheim de commenter : « Avraham était riche, il pouvait se faire aider et Sarah aussi. Mais ils ont tenu à ce que le repas soit l’oeuvre de leurs mains afin d’accomplir la mitsva
de concert. L’hospitalité, a-t-il conclu, ressemble à d’autres obligations spirituelles : elle n’est réalisable qu’en couple ». Pour le grand rabbin, il faut non seulement « aimer sa femme comme soi-même mais encore la considérer davantage que soimême». La partie musicale de la cérémonie était exécutée par les concertistes de Jean-Marie Thoron, chef de choeur de la Victoire. Daniel Benisti a chanté en soliste. Le sofer Semah Senior a calligraphié la birkat habaït sur chaque carton où étaient inscrits les noms des mariés, qui ont attendu sagement leur tour pour recevoir cette bénédiction écrite pendant que d’autres se restauraient grâce à un cocktail offert gracieusement pour l’occasion par trois traiteurs franciliens. « L’émotion était palpable », rapporte Sylvie Zenouda, secrétaire générale de la communauté de Neuilly.
Le Consistoire devrait délivrer autour de sept cents ketoubot en 2018, un chiffre stable depuis trois ans en dépit des récentes vagues d’alya, ce qui démontre que le mariage religieux reste une valeur sûre pour les Juifs français.
Axel Gantz