Des fidèles du Kremlin-Bicêtre et d’autres communautés franciliennes se sont déplacés en octobre dans cette ville qui ne compte plus qu’une quinzaine de Juifs. La synagogue a retrouvé vie le temps d’un Chabbat. Une initiative emblématique pour le Consistoire qui n’entend abandonner aucun territoire.
Le Consistoire, on le sait, ne souhaite abandonner personne et surtout pas les petites communautés provinciales qui se dépeuplent d’année en année. L’institution cultuelle encourage donc les échanges entre les grandes synagogues, franciliennes en particulier, et les Juifs plus isolés du territoire. Dernière initiative en date : un week-end à Verdun (Meuse), du 12 au 14 octobre, à l’occasion du centenaire de la victoire de 1918. Cheville ouvrière du séjour : le président de la communauté du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), Albert Myara, soutenu par le directeur général du Consistoire central, Frédéric Attali. Une vingtaine de fidèles du Kremlin-Bicêtre mais aussi de Meudon, Villejuif, Nogent et Villiers-sur-Marne se sont déplacés pour un Chabbat plein et des visites mémorielles, le dimanche, concoctées par le président de la synagogue locale, Jean-Claude Lévy. Des jeunes de la Hazac, cette antenne consistoriale qui organise à travers la France des offices, chiourim et séoudot là où aucun service cultuel n’est en activité, étaient également présents. Ils ont assuré la partie spirituelle et logistique de l’opération comme ils le font deux fois par an, en moyenne, à Verdun. Cela permetaux quelque quinze Juifs et Juives résidant ici de bénéficier d’un vrai Chabbat tous les six mois – outre les célébrations de Roch Hachana, Kippour et Pessa›h. Jean-Claude Lévy a battu le rappel des troupes et dix-sept de ses coreligionnaires de la commune et d’autres cités lorraines se sont joint au groupe venu de Paris, logé à l’hôtel Saint-Paul situé dans le centre. Au total, une quarantaine de personnes ont pu participer aux prières, aux repas préparés par la Hazac avec des produits – strictement casher bien sûr – apportés de la capitale et aux différentes excursions dominicales. Le maire, Samuel Hazard (un enseignant en histoire de centre gauche), est venu saluer tout le monde. Le journaliste israélien Michaël Blum, délégué par l’Organisation sioniste mondiale (OSM), est intervenu sur le thème de la désinformation sévissant dans l’Hexagone à l’encontre du gouvernement de Jérusalem et le collectionneur de cartes postales à thèmes juifs Gérard Sylvain a présenté une partie de son travail après la havdala – en lien avec des panneaux présentant des scènes de la boucherie de 14-18 et la manière dont les « israélites » de l’époque l’ont vécue. Ces panneaux ont été élaborés par des fidèles de Meudon et exposés temporairement dans la choule. Le dimanche, un guide a conduit les excursionnistes à la citadelle souterraine qui abritait, entre autres, une infirmerie et une boulangerie à l’arrière-front de la fameuse bataille de 1916. Puis, un kiddouch a été récité devant le monument dédié aux victimes juives de la Grande Guerre, près de l’ossuaire de Douaumont. La synagogue, au style original hispanomauresque, comprend environ cent places assises et date de 1875. Endommagée, réquisitionnée par les nazis sous l’Occupation, elle a été restaurée à la Libération. Notons que la communauté verdunoise possède son propre cimetière privé, comme
c’est souvent l’usage en Alsace-Lorraine. Il date des années 1200 mais on trouve trace d’une vie juive dans la ville dès le 7e siècle de l’ère commune. Il y avait ici plus de quatre cents Juifs entre les deux guerres et sans doute davantage encore à la fin du 19e siècle, quand la région regorgeait d’espaces
industriels et d’emplois. Jean-Claude Lévy garde un souvenir ému de ce week-end exceptionnel et confesse que ce genre d’échange avec ses coreligionnaires parisiens reste le seul rempart possible contre la « fossilisation » de sa petite communauté aujourd’hui vieillissante. « Notre existence, dit-il, et l’espoir d’un certain renouveau démographique (le Luxembourg, qui offre de nombreuses possibilités professionnelles, n’est pas loin) dépendent avant tout de la Hazac et de son action indispensable au maintien d’un embryon de kodech dans la Meuse ».
A. G.