A l’origine de l’adage bien connu « quand arrive le mois de Adar on augmente la joie », le texte de la guémara (Taanith 29a) précise qu’un parallèle est établi avec celui de Av. « De la même manière qu’elle diminue en Av, elle augmentera en Adar ». Doit-on comprendre que la Sim’ha ne se définit qu’au contraire de la tristesse ? Notre patriarche Its’hak est considéré dans le Talmud (Chabbat 89b) comme le sauveur du peuple juif. En prenant leur défense et en assumant leurs fautes, il permettra leur délivrance définitive. Il est nommé à sa naissance par le rire qu’elle provoquera. Certains se moqueront, d’autres seront impressionnés par un tel miracle, mais tous seront quelque peu déconcertés.
En effet, Its’hak n’aurait pas dû naître ! Ses parents étaient stériles, âgés, selon les lois de la nature cela était tout simplement impossible. Et pourtant c’est arrivé. Il y a franchement de quoi être surpris. Alors le monde va rire. Car ce qui est inattendu, incongru ou saugrenu, donc surprenant fait rire. Une histoire drôle doit faire rire, révéler une chute imprévisible. Ne gâchez surtout pas vos bonnes blagues en dévoilant trop tôt leur dénouement ! Its’hak, personnage ô combien sérieux, incarne cette règle en arrivant au monde une première fois, mais également lors de son sacrifice. Certains ’Hakhamim expliquent que sa Néchama l’a quitté pour revenir et le ressusciter lors de cet événement exceptionnel. Il est donc l’objet d’un nouveau miracle improbable. C’est le « système » qui est renversé, balayé. On assiste à une inversion de tout ce qu’on pouvait attendre. Il y avait auparavant une absence de lendemain. Aucun avenir ne paraissait envisageable. Rien ne provoque plus le rire que le bouleversement d’un futur qui surgit soudainement en devenant réalité.
Dans chaque rire précisent nos maîtres, se trouve un soupçon de joie. On y trouve un peu de légèreté, un espoir même fugace, la perception optimiste d’une situation exprimée de façon positive. Une surprise qui aura tendance à se dissiper si on s’y habitue. Le rire c’est tout cela, la joie c’est un peu ça. On y trouve, quoi qu’il en soit, son origine.
A l’opposé, on aperçoit la tristesse. Un état condamné à ne pas changer. Une situation que l’on pense avoir totalement cerné. Un aboutissement évident. Une issue fatale à laquelle on n’échappera pas. L’histoire du mois de Av et ses terribles répercussions. Il est vrai que c’était prévisible. En étudiant les raisons de la destruction de Jérusalem, on est tenté de penser que cela ne pouvait finir autrement. D’où notre désespoir et nos lamentations. On diminue la joie par la force des choses.
Mais, des situations désespérées se sont déjà inversées. Il peut arriver que les choses ne se déroulent finalement pas comme on s’y attend. Tout peut changer. Dans ce cas, c’est la joie et le rire qui seront au rendez vous.
Dans nos vies, il existe des situations dont l’issue provoque angoisse. Il faut alors penser à la naissance d’Its’hak. A l’histoire de Pourim. A tous ces événements qu’on avait envisagés sous un angle et qui nous ont réservé des surprises. Etre joyeux c’est peut être vivre dans la perspective d’une surprise au quotidien. D’envisager en permanence que Celui qui est à l’origine de tout, peut tout. Que jamais le résultat ou la conclusion ne sont voués qu’à ce que l’on imagine. Que Pourim en est un exemple, mais qu’à tout moment il reste une alternative que je dois prendre en compte.
Tel est le parcours qui mène à la joie !
Rav Yaacov Sitruk