Rabbi ‘Haïm Lev Chmouelevitch vint au monde le 2e jour de Roch
Hachana de l’an 1902, dans la ville de Kovno en Lituanie. Rav ‘Haïm Lev Chmouelevitch vit le jour dans une famille déjà empreinte d’un savoir en Torah peu commun. Son père, le Rav Refael Alter Chmouelevitch, était à l’époque rav et roch yéshiva à Grodno (Lituanie) et son grandpère maternel n’était autre que Rabbi Yossef Yozel Horwitz, plus connu sous le nom d’Alter de Novardok. Rabbi ‘Haïm Lev Chmouelevitch eut pour premier maître son père au sein même de sa yéchiva de Grodno, jusqu’à ce qu’il décède subitement en 1918. Rabbi ‘Haïm Lev Chmouelevitch était alors âgé de seulement 16 ans. La perte de son père fut suivie de très près par celle de sa mère, qui lui survécut d’à peine quelques mois, laissant orphelins Rav ‘Haïm, son jeune frère et ses deux soeurs. Rav ‘Haïm dut donc sacrifier son étude journalière afin de subvenir aux besoins de sa famille. Pourtant, son frère Rav Chlomo raconte qu’il n’abandonnait son limoud que durant le jour, consacrant toutes ses nuits à l’étude de la Torah. Par la suite, Rav ‘Haïm entretint des liens très étroits avec Rav Chimon Chkop, successeur de son père à la tête de la yéshiva de Grovno, et qui l’invita à l’âge de 18 ans à dispenser des cours au sein de sa yéchiva ketana. Malgré sa position d’enseignant, Rav ‘Haim Chmouelevitch continua à assister au cours de Rav Chimon Chkop, qui fit un jour remarquer à ses élèves « Lorsque j’avais son âge, mon savoir n’atteignait même pas la cheville de celui de Rav ‘Haïm aujourd’hui ». Il avait à l’époque 19 ans. Trois ans plus tard, Rav ‘Haïm fut chargé de guider un groupe d’étudiants de Grodno à Mir, ville où se trouvait la célébrissime yéchiva que nous connaissons sous ce nom aujourd’hui. C’est là-bas que Rav ‘Haïm acquit le surnom de Rav Haïm Stutchiner, d’après le nom du shtetl d’où il était originaire. Rav ‘Haïm fit une telle impression auprès du roch yéchiva de Mir, Rav Eliezer Yéhouda Finkel, que celui-ci ne tarda pas à lui proposer d’épouser sa propre fille. A l’âge de 31 ans, Rav ‘Haïm Chmouelevitch était déjà maguid chiour, prodiguant régulièrement des cours dans une yéchiva dont la réputation n’était plus à faire. Lorsqu’éclata la Seconde guerre mondiale, le destin de Rav ‘Haïm devint étroitement lié à celui de la célèbre yéchiva, dont il suivit le périple tout au long de la guerre. Dès 1939, la yéchiva fut forcée à l’exil et choisit de s’installer à Vilna en Lituanie. Deux mois plus tard, la yéchiva partit pour Keidan (toujours en Lituanie) où elle parvint à ouvrir ses portes une nouvelle fois en 1940. Menacés par le gouvernement communiste en vigueur à l’époque, la yéchiva de Mir fut encore une fois contrainte d’aller s’établir ailleurs. Répartis sous quatre groupes allant de 80 à 100 étudiants, la yéchiva de Mir traversa la Russie par le biais du transsibérien pour finalement parvenir à atteindre Kobé (Japon) où la yéchiva demeura environ six mois. Les cinq années suivantes, la yéchiva s’installa à Shanghaï, dans des conditions matérielles extrêmement difficiles.
Rav Yéhouda Finkel partit obtenir des visas pour l’ensemble des étudiants de sa yéchiva, et Rav Chmouelevitch prit provisoirement la tête de la yéchiva en exil. Assumant à la fois la direction spirituelle de la yéchiva dont il continuait à assurer les cours, il dut également prendre à sa charge les besoins financiers de la yéchiva, tout en assurant souvent le rôle de père pour ses élèves ayant perdu presque toute leur famille. Vivre à Shanghaï clandestinement mit plusieurs fois en danger la vie de Rav ‘Haïm. Les étudiants de la yéchiva étaient rassemblés dans un ghetto avec l’ensemble des juifs en exil à Shanghaï, tandis que la position de Rav ‘Haim lui permettait de vivre hors du camp. Etudiant chaque nuit en cachette avec ses élèves qui s’échappaient du ghetto, il fut une nuit arrêté et placé en détention, sans pour autant cesser d’étudier. Ainsi, Rav Chmouelevitch
ne cessa jamais de prendre soin de ses élèves, et bien que lui et sa famille
aient depuis longtemps obtenu leur visa pour les Etats- Unis, le Rav tint à les accompagner dans chacune des étapes de leur périple jusqu’aux Etats-Unis. D’ailleurs, un de ses plus proches élèves, Rabbi Eliyahou Meir Klugman, raconte que le gouvernement américain refusa d’octroyer un visa à deux des étudiants de Mir déclarés comme « mentalement inaptes ». Loin de les abandonner, Rav ‘Haïm les accompagna au consulat américain, où il usa de toute sa force de conviction afin de leur obtenir ce précieux laissez-passer. En 1947, la yéchiva de Mir émigra aux Etats-Unis, et, six mois plus tard, Rav Chmouelevitch rejoint enfin Jérusalem, qu’il ne quittera plus jusqu’à sa mort en 1979. En 1965, Rabbi Chmouelevitch succèda à son beau-père à la tête de cette éminente yéchiva, dont le nombre d’étudiants croîssait chaque jour. La notoriété de Rav Chmouelevitch grandit à Jérusalem, et les cours de moussar (morale) qu’il donnait chaque semaine sur la paracha attirèrent bientôt un public immense et divers, se pressant pour écouter les conseils de cet homme aux midot (qualités) peu communes. L’ensemble de ses cours furent par la suite rassemblés et publiés sous le nom de Si’hot Moussar (discours de morale). Quelques temps avant sa mort, alors que le Rav était déjà alité et dans un état de grande faiblesse, vint lui rendre visite un homme l’implorant de prier pour la guérison d’un de ses proches. « Habille-moi, je vais au Kotel » ordonna Rabbi Chmouelevitch à son fils. Celui-ci, voyant l’état de son père, protesta avec véhémence. Devant l’insistance de son père, son fils céda et parvint tant bien que mal à le conduire jusqu’au Kotel, où le Rav put à peine se tenir debout pour prier tant il était épuisé.
Ainsi était Rav Chmouelevitch vis-à-vis du peuple juif, dévoué à l’extrême, ne reculant devant aucune tâche visant à aider son prochain. Ses funérailles au cimetière Har Hamenou’hot de Jérusalem rassemblèrent
plus de 100 000 personnes.