Les émeutes démarrées fin décembre dans une centaine de villes iraniennes et qui ont duré une dizaine de jours n’auront pas réussi, une fois de plus, à déboulonner l’emprise totalitaire du clergé perse sur le pays…
Plusieurs facteurs – les uns spécifiques à l’Iran, les autres plus généraux – expliquent l’échec de ce dernier soulèvement populaire, en fait bien moins massif que celui du printemps 2009 contre la fraude électorale du président réélu Ahmadinejad, mais qui, parti sur de simples doléances contre la « vie chère », a très vite pris une tournure politique conspuant aussi le régime et ses dirigeants.
La Révolution islamique a vite consolidé un régime totalitaire aux structures d’acier jugulant la société
Principale cause de la « stabilité » du régime iranien actuel : le maillage très serré de toute la société civile par les différentes forces de sécurité et polices parallèles, protégeant presque hermétiquement le système de mollahs dont la plus efficace est le redoutable corps des Gardiens de la Révolution islamique (GRI).
Fait déterminant qui, à lui seul, pourrait expliquer l’impasse de toute révolte : les GRI, qui contrôlent aussi les branches névralgiques de l’armée iranienne – comme la flotte ultra-rapide d’assaut dans le Golfe persique et surtout les sites de tir des missiles balistiques iraniens – comptent près de… 7 millions de membres, soit à peine un peu moins de 10% de toute la population iranienne, qu’ils parviennent donc aisément à tenir en laisse, assurant ainsi un verrouillage quasi hermétique au bénéfice du régime des mollahs !
Recrutés dès le plus jeune âge (parfois à partir de 10 ans) dans les milieux très populaires de la petite paysannerie et des couches défavorisées des villes, les GRI sont formés à l’idéologie islamique radicale chiite, et embrigadés par leurs instructeurs avec toute la cruauté requise pour réprimer aveuglément tous les opposants au régime. Ce qui n’est pas sans rappeler le rôle-clé, joué au plan du maintien de l’ordre intérieur, par la SS et la Gestapo dans l’Allemagne nazie, à la fois comme garde-chiourme de la société mais aussi de toute la hiérarchie de la Wehrmacht – encore que le chiffre de 10% de membres des GRI en Iran soit bien plus élevé que celui des membres de la SS en Allemagne !
Peu de rebellions populaires survenues dans le monde atteignent leurs objectifs
Parmi les facteurs généraux non spécifiques à l’Iran, qui expliquent aussi cet échec, tout comme celui de nombreux soulèvements populaires survenus dans l’histoire des 120 dernières années, notamment en Allemagne de l’Est en 1953, en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968, en Pologne en 1980, puis en Algérie et en Thaïlande en 2010 comme au Venezuela en 2017 : un total blackout médiatique imposé par le régime sur la rébellion, combiné à la répression sanglante d’un mouvement non-armé – souvent sans dirigeants notables – ayant fait irruption spontanément et par « ras-le-bol »…
Autre arme classique du verrouillage de tout régime totalitaire : le recours permanent au « chantage à la guerre » et donc à divers boucs-émissaires étrangers – comme le « grand Satan américain » et le « petit Satan israélien » à détruire… – désignés depuis près de 40 ans par les mollahs pour détourner les préoccupations du peuple sur des ennemis étrangers.
Ajoutons aussi, dans le cas spécifique de l’Iran, la cupidité et la passivité très « politiquement correcte » affichée – comme lors de cette dernière crise – par ses divers « clients » commerciaux potentiels, surtout européens et français. Ce que l’on avait déjà relevé en juillet 2015, lors de la signature à Vienne de l’accord sur le nucléaire iranien : « La République islamique a réalisé un deal historique en se faisant reconnaître par les six grandes puissances mondiales, car cet accord ne repousse que de 10 ou 15 ans l’accès de l’Iran à la bombe atomique, remarquait David Menashri, professeur émérite à l’Alliance centrale des Etudes iraniennes de l’université de Tel-Aviv. Obtenu par une habile technique perse de négociations écartant les exigences occidentales pour une démocratisation du régime perse et l’abandon de son soutien débridé au terrorisme international, cet énorme succès des mollahs a rehaussé la position régionale et planétaire de l’Iran. Ce que Téhéran a obtenu là est irréversible… alors qu’à l’inverse, ses obligations dépendent de son seul bon vouloir ! ».
Richard Darmon