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8 Heshvan 5785‎ | 9 novembre 2024

« Ne me demandez pas d’expliquer l’inexplicable » Me Gilles William Goldnadel

Haguesher a rencontré Me Gilles William Goldnadel, avocat de la sœur de Sarah Halimi, qui était de passage à Jérusalem. Il ne cache pas sa colère face au verdict de la cour d’appel et au déroulement étonnant de l’affaire.

Haguesher : Comment expliquezvous la décision de la cour d’appel ?

Gilles-William Goldnadel : On ne peut pas expliquer l’inexplicable ! On ne peut pas rationnaliser l’irrationnel. Ne me demandez pas si ce verdict
est une surprise parce que dans cette affaire je ne suis plus surpris de rien. Comment le serais-je après une instruction qui a été traitée à volo. Je ne sais même pas à quoi ressemble le visage de la juge d’instruction. C’est la première fois dans ma carrière d’avocat que je vois une juge d’instruction ne pas vouloir recevoir les avocats. C’est la première fois dans ma carrière d’avocat que je vois une juge d’instruction ne pas vouloir procéder à la reconstitution d’un crime. Une juge d’instruction qui a mis des mois, non pas pour me répondre mais pour répondre à la question du parquet sur le caractère antisémite ou non de l’assassinat. Et il a fallu que je frôle l’injure épistolaire pour qu’elle se décide à répondre. Que dire du fait qu’elle a elle-même décidé de solliciter l’avis d’un second expert, sans la moindre demande de contre-expertise des avocats de Traoré, parce que l’avis du premier ne semblait pas lui convenir… ? Ensuite j’ai produit devant la Chambre d’instruction une jurisprudence de la Cour de Cassation qui dit qu’en cas de contrariété entre les experts en matière d’éventuelle irresponsabilité pénale, c’est la Cour d’Assises de renvoi qui doit trancher et non la Chambre d’instruction. Donc je vais me pourvoir en Cour de Cassation et j’ose espérer que la Cour de Cassation se conformera à sa propre jurisprudence.

– Comment en est-on arrivé là ?

Gilles-William Goldnadel : Faute de meilleure explication je ne peux vous donner qu’une explication psychologique de fond : il y a une réticence au moins inconsciente d’une grande partie du corps judiciaire à apporter une solution carcérale à des gens qu’il considère à tort comme les «réprouvés de la société française». J’associe cela au fait que la seule affirmation de l’existence d’un antisémitisme islamique était consubstantielle de racisme. Je lie cela avec les décisions récentes des tribunaux qui ont condamné à des peines relativement légères des Djihadistes qui avaient exhibé les têtes décapitées de leurs victimes. Donc je ne peux pas expliquer les choses que par cette voie idéologico-psychologique !

Avez-vous le sentiment qu’il s’agisse là d’une seconde affaire Dreyfus dans la volonté de certaines autorités de ne pas classer ce dossier dans celui des dossiers antisémites ?

Gilles-William Goldnadel : Non. Je pense plutôt que la sociologie des magistrats ressemble à s’y méprendre à celle des journalistes. Ils ont une réticence à évoquer des affaires de violences commises par des émigrés de peur de déclencher une contestation de l’émigration. C’est plutôt dans ce cadre-là que dans celui d’un antisémitisme direct qu’il faut comprendre ce qui se passe dans cette affaire. J’ai appelé cela la xénophilie. C’est penser que l’autre est meilleur que soi-même. En cent ans on est passé d’un excès à l’autre : avant on pensait que l’occidental était mieux moralement que l’oriental. Aujourd’hui c’est un peu le contraire. Et nous Juifs, nous étions perçus comme des métèques il y a un siècle, alors qu’aujourd’hui on nous considère comme des «super-blancs» !

Propos recueillis Par Daniel Haïk

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