Rav Binyamin Beressi
Lorsque Yaakov apprend que Essav « vient à [sa] rencontre, [que] quatre cents hommes l’accompagnent » et qu’il est toujours animé d’un sentiment de haine à son égard, il s’adresse à D.ieu pour Lui demander : « Sauve-moi, de grâce de la main de mon frère, de la main de Essav ; car je crains qu’il ne m’attaque et ne me frappe. (…) Pourtant Tu as dit : Je te comblerai de faveurs, et J’égalerai ta descendance au sable de la mer, dont la quantité est incalculable » (Béréchit XXXII, 7,12,13). L’Eternel l’avait pourtant déjà assuré de Sa protection, au Har Hamoria : « Oui Je suis avec toi et Je veillerai sur chacun de tes pas, et Je te ramènerai dans cette contrée, car Je ne veux point t’abandonner avant d’avoir accompli ce que je t’ai promis » (Id. XXVIII, 15). De quoi donc Yaakov pouvait-il avoir peur ? La Guémara (Bérakhot 4a) répond que Yaakov craignait qu’une faute lui ait fait perdre cette protection. D’autant que Essav possédait des mérites, pour avoir vécu en Israël, et pour avoir honoré son père. Mais si vraiment Yaakov avait fauté, s’étonne le Beth Halévi, comment aurait-il pu invoquer ce « Je te comblerai de faveurs… », une promesse, que, dès lors, il ne méritait plus ? Et il répond que Yaakov ne cherchait pas son bien personnel, mais qu’il était préoccupé de ce que la promesse de D.ieu se réalise et que la volonté de D.ieu s’accomplisse. Au cas contraire, il y aurait eu profanation du Nom Divin ! Car le Monde penserait que D.ieu aurait manqué à Sa parole. C’est aussi l’enseignement d’Avraham, « à ses fils et à sa maison après lui », auxquels il a prescrit « d’observer la voie de l’Eternel en pratiquant la vertu et la justice afin que l’Eternel accomplisse sur Avraham ce qu’Il a déclaré à son égard » (id. XVIII, 19). Que signifie : « afin que l’Eternel accomplisse sur Avraham ce qu’Il a déclaré à son égard » ? Est-ce qu’Avraham ne servait l’Eternel que dans l’espoir d’une récompense ? Certes, non, Avraham demanda à ses descendants de servir D.ieu afin qu’Ils ne soient pas une entrave à ce que D.ieu lui avait promis, et que Sa volonté soit faite et que son Nom ne soit pas profané. C’est aussi là la grandeur de Yaakov, qui bien que poursuivi par Essav, au péril de sa vie, n’avait d’autre souci que de voir la volonté divine s’accomplir, Ses promesses réalisées, et son Nom sanctifié. La Guémara (Sanhedrin 106a) rapporte que, pourchassé par son fils Avchalom qui voulait porter atteinte à sa vie, David Hamélékh se dirigeait vers le sommet de la montagne pour y pratiquer l’idolâtrie. « Il rencontra alors ‘Houchaï l’Arkéen, la tunique déchirée, la tête couverte de poussière » (Chmouel II, XV, 32) qui lui dit : « on dira qu’un roi, comme toi, pratique l’idolâtrie ! ». David répondit : « Sinon on dira qu’un roi, comme David, est tué par son propre fils ! Il vaut mieux que je fasse Avoda Zara, une indignité, qui justifierait ma mort par mon fils, plutôt que le Nom divin soit profané ! », par le fait que les promesses, de D.ieu à David ne se réaliseraient pas. ‘Houchaï lui répondit : Avchalom est le fils d’une « Yéfat toar », une femme de belle apparence, prise de guerre, et bien que la Torah l’ait permise, elle mettra au monde un fils rebelle, un « ben sorer oumoré ». Le Nom divin ne sera donc pas profané puisqu’on dira : « c’est un enfant racha qui s’attaque à son père ». David, bien que menacé de mort, ne se souciait pas de son sort, mais des conséquences de son assassinat, du ‘hilloul Hachem qui en résulterait et pour éviter cela, il était prêt à une grande transgression, l’idolâtrie, afin de préserver la sanctification du Nom divin. On peut ainsi comprendre, poursuit le Beth halévi, la michna dans Avoth, qui dit que « la récompense d’une mitsva est une mitsva ». Etant donné que l’Eternel souhaite récompenser Ses créatures, lorsqu’un homme fait une bonne action, il accomplit, en même temps, l’autre mitsva, celle de la Volonté divine de lui offrir sa rétribution.