S. Malka
Malaise, angoisse, impuissance, dégoût, peur : Ce sont les sentiments qui se mêlent en nous lorsque nous entendons parler Dieudonné, Soral et autres antisémites notoires. C’est ce que nous avons ressenti, juifs orthodoxes, jeudi dernier, lors du discours d’un membre de la Knesset, Avigdor Liberman dans une conférence de presse. Ce n’est pas la première fois qu’il s’exprime à l’encontre du public religieux orthodoxe, mais si jusqu’à présent on pouvait expliquer ses propos par ses idées politiques, le dernier discours a montré que des idées politiques cachaient parfois une haine franche et farouche qui ressemble à ce que nous appelons en France l’antisémitisme, la haine du juif, en l’occurrence celui qui justifie par sa pratique, son appartenance au peuple juif. Un bref rappel politique : en 2018, sur un terrain de mésentente concernant le statut des étudiants à la yéchiva quant à leur enrôlement à Tsahal, Liberman, chef du parti Israël Beiténou quitte le gouvernement, entraînant la dissolution de l’assemblée et des élections anticipées.
Une fois Binyamin Nétanyaou élu, il refuse de se rallier à lui et ramène à nouveau le peuple aux urnes. Nous voilà aujourd’hui après deux sessions de 21 jours accordés respectivement à B. Nétanyaou et à B. Gantz pour la formation d’un gouvernement, deux tentatives qui ont échoué à ce jour. A qui la faute ? Chacun a sa petite idée. Dans ce chaos, A. Liberman (6 mandats seulement), ne cesse de réunir les journalistes pour leur expliquer qui est responsable, il détourne le doigt accusateur qui pèse sur lui et le détourne vers… les orthodoxes. Jeudi dernier, ces derniers n’ont pas été les seuls à être mal à l’aise.
Des journalistes qui ont assisté à la conférence de presse ont dit avoir été gênés des propos antisémites entendus… Aux sentiments cités au début, nous ajouterons une grande tristesse. Car nous sommes en Israël et l’orateur est juif. Antisémite, ce n’est pas aller un peu fort, n’est ce pas exagéré ? Jugez vous mêmes. Voyez ce discours : tous les ingrédients d’un discours de propagande et d’incitation à la haine s’y trouvent. Nous vous citerons quelques exemples : L’association du juif à l’argent et l’insinuation de son rapport douteux à celui-ci. La responsabilité du juif face au malheur des autres. La vision du juif comme traître déguisé qu’il faut démasquer. Ces 3 y étaient dans le discours de Liberman. Remplacez juste Juifs par juifs « ‘Harédim ». C’est un discours digne des prêtres du moyen-âge, de la Russie des années 1880, des antidreyfusards, de l’Allemagne des années 1930. Nous n’avons rien à ajouter. Nous vous appelons, chers frères, à ne pas vous laisser bluffer, ne pas vous laisser aveugler. Nous faisons partie du même peuple, la Torah et ses mitsvot sont notre raison d’être ! Nous devons montrer qu’un seul homme aux idées noires ne peut en aucun cas séparer le peuple, dresser les uns contre les autres, les détacher de leur père qui est aux cieux. La propagande est un outil puissant et dangereux.
Elle a le pouvoir de désensibiliser, de délégitimiser… Documentez-vous, réfléchissez avec un esprit sain. Et une dernière leçon : où que nous soyons sur le globe, nous sommes en exil, prions ensemble pour que nous en voyons la fin.