1. Tu auras beau passer au peigne fin les 5 livres de la Torah, les 21 livres des Néviim et enfin les 13 livres des Kétouvim, tu n’y trouveras pas la moindre trace du mot ‘Hechvan. Mais alors d’où peut bien venir ce nom qui apparaît dans tous nos calendriers ? Comme ses 11 confrères que sont les mois de Tichri, Kislev, Tévet, Chevat, Adar, Nissan, Iyar, Sivan, Tamouz, Av et Elloul, le mois de ‘Hechvan a emprunté son nom à certaines langues sémitiques qui ont disparu depuis belle lurette. Il serait issu du terme akkadien Mérakh Chéman, qui signifient la huitième lune. La huitième lune ? Mais quelle huitième lune ? T’exclameras-tu, toi qui sais pertinemment que le mois de ‘Hechvan est le deuxième de notre calendrier, et non pas le huitième ?! La réponse est simple ; dans la Torah, le mois de Nissan est considéré comme « le commencement des mois […] le premier des mois de l’année » (Chémot 12, 2). Nos amis akkadiens ont dû s’inspirer de cette méthode, et considérer ‘Hechvan comme le huitième mois de l’année. D’où l’appellation de « huitième lune » qu’ils lui ont attribuée
2. De Mérakh Chéman, le nom de ce mois a ensuite évolué en Mérakh Chévan puisqu’en akkadien les lettres m et v sont interchangeables, étant toutes deux prononcées par les lèvres. Même si dans le langage courant, c’est la version abrégée de ‘Hechvan qui est généralement employée, il faut savoir que le nom officiel de ce mois est en fait מרחשון – à prononcer Mar’hechvan ou Méra’h Chévan. C’est d’ailleurs ainsi qu’on le désigne immanquablement dans la Michna, la Guémara ou dans les commentateurs comme Rachi ou Rambam. Au fil du temps, le nom מרחשון s’est transformé en un nom composé, celui de מר חשון. Du coup, le préfixe מר s’est prêté à de nombreux commentaires, certains tristounets, d’autres heureusement plus optimistes. En voici un bref compte-rendu. Dans le camp des « tristounets », on explique que le mot מר, qui peut se traduire par « amer », fait référence à l’absence désolante de la moindre fête juive en ce mois, mais aussi à de nombreux événements tragiques de notre histoire qui s’y sont déroulés : le début du déluge, le décès du Tsadik Métouchéla’h, le décès prématuré de Ra’hel Iménou, l’assassinat des enfants de Tsidkiaou, le début de l’exode des dix tribus, l’autodafé du Talmud et d’autres livres sacrés à plusieurs époques. Dans le camp des « optimistes », on préfère traduire le mot מר par Monsieur. Dans ce sillage, Monsieur ‘Hechvan serait un titre honorifique accordé à ce mois en raison de sa proximité avec les deux mois les plus saints de notre calendrier, Elloul et Tichri. Toujours dans le camp des « optimistes », on rappelle que le mot מר renvoie aussi à une goutte d’eau. Selon cette interprétation, le nom composé de Mar ‘Hechvan se traduirait par « ‘Hechvan le Pluvieux », une appellation qui renverrait à l’espoir qui habite nos prières à partir du 7 de ce mois en Erets Israël : celles de pluies abondantes et porteuses de bénédictions. Et, inutile de le préciser, c’est le camp des optimistes que nous plébiscitons en ce mois…
3. Dans les livres des Néviim et Kétouvim, le mois de ‘Hechvan a droit à un traitement de faveur ; on lui attribue un nom en lachone hakodech ; celui de « Yéra’h Boul – le mois de Boul ». Reste à savoir ce que signifie le mot Boul ? Y aurait-il un rapport avec le mot « timbre » en hébreu moderne ?! Disons-le d’emblée ; il n’y en a absolument aucun ! Certains commentateurs nous expliquent que le terme בול est issu du mot יבול qui signifie récolte. Et pour cause, le mois de ‘Hechvan marque à la fois la fin de la récolte de l’année écoulée et le début du labourage des champs en vue de la nouvelle récolte. D’autres sources sont d’avis que le terme בול renvoie au מבול, le sinistre déluge qui débuta le 17 ‘Hechvan. Et la lettre מ, où a-t-elle bien pu s’envoler ??? Le Yalkout Chimoni nous offre une réponse très intéressante au sujet de l’omission de cette lettre. Il nous explique que bien qu’à la suite du déluge, le Tout-Puissant avait promis de ne plus infliger un tel châtiment au monde, il s’avère que chaque année, des pluies torrentielles rappelant le déluge s’abattaient sur le monde pendant quarante jours. Mais lorsque Chlomo Hamélekh acheva la construction du Beth Hamikdach, ce minidéluge de quarante jours cessa. Et c’est à cet heureux dénouement que l’omission de la lettre מ, dont la valeur numérique est de quarante, fait allusion !
4. Un peu de Kabbala maintenant… Dans le Séfer Hayetsira, nous découvrons que le signe zodiacal du mois de ‘Hechvan est le scorpion. Mais quel rapport peut-il bien y avoir entre cet arachnide plutôt effrayant et le mois résolument placide de ‘Hechvan ? Pour commencer, nos Maîtres soulignent que le scorpion est un animal assoiffé d’eau, une caractéristique qui nous rappelle le besoin de pluie « ressenti » par la terre après la sècheresse de l’été. Un peu plus en profondeur, maintenant. Si tu feuillettes le Pérek Chira, un ouvrage qui nous révèle la louange particulière entonnée par chaque créature, tu découvriras que celle du scorpion est le psaume suivant : « L’Eternel est bon envers tous, et ses compassions s’étendent sur toutes ses œuvres ! » (Téhilim 145, 9) Ce verset nous rappelle que même lorsqu’une situation nous paraît pénible, un jour ou l’autre, nous finirons par nous apercevoir qu’elle est pour notre bien. Or ce message est particulièrement bien adapté au mois de ‘Hechvan où le temps est souvent maussade, et où notre humeur peut facilement virer à la grisaille. C’est le moment de méditer la leçon encourageante du scorpion ; il n’y a pas lieu de se laisser aller au désespoir ! Parce qu’après la pluie, viendra le beau temps ! Autre explication placée, elle aussi, sous le signe de l’espoir. En hébreu, le mot scorpion se dit עקרב. Et en inversant un peu les lettres, ce mot peut devenir l’acronyme de l’expression עושים באימה רצון קונם – « ils accomplissent avec révérence la volonté de leur Créateur ». Ceci fait référence à nos Tsadikim qui se sont rapprochés de plus belle de leur Créateur pendant les mois de Tichri et d’Elloul. Et dont les immenses mérites vont entraîner d’innombrables délivrances pour tout le Peuple d’Israël à partir du mois de ‘Hechvan. Ainsi, comme nous avons pu le découvrir, le scorpion associé au mois de ‘Hechvan n’a rien d’effrayant. Bien au contraire…
5. Et pour terminer sur une même note d’espoir, le Midrach nous révèle que la construction et l’inauguration du Troisième Beth Hamikdach se produiront toutes deux au cours du mois de ‘Hechvan. Au fait, sais-tu pourquoi ce mois méritera-t-il un tel privilège ? Nos maîtres nous expliquent que si le Michkan fut achevé le 25 Kiskev, il ne fut inauguré que trois mois plus tard, au mois de Nissan. Néanmoins, le Tout-Puissant a veillé à « dédommager » le mois de Kislev en lui accordant la ré-inauguration du Deuxième Beth Hamikdach, le 25 Kislev, qui correspond à la Fête de ‘Hanoucca. De même, le premier Beth Hamidkach fut achevé en ‘Hechvan, mais il lui fallut attendre près d’un an pour être inauguré. Pourtant, contrairement au mois de Kislev, celui de ‘Hechvan n’a toujours pas reçu de « dédommagement » ! C’est la raison pour laquelle Hachem a promis que la construction et l’inauguration du Troisième Beth Hamikdach se produiront au cours du mois de ‘Hechvan ! En espérant que nous assisterons à la réalisation de cette merveilleuse promesse de Rédemption d’ici la fin du présent mois de ‘Hechvan 5780 !