Le voyage vers New-York fut un cauchemar. La terrible maladie qui frappait son fils Yaacov, âgé de 6 ans, avait brisé Aaron. La peur de l’inconnu lui serrait le cœur. Aaron ne savait ni où habiter ni ne connaissait la langue. La seule chose qu’il avait réussi à faire, c’est obtenir un prêt gigantesque de 2 millions d’euros avant de courir attraper le vol qu’on lui avait organisé vers l’hôpital spécialisé aux Etats-Unis. Où était l’hôpital ? Qui allait traduire les paroles des médecins ? Rongé par l’inquiétude, Aaron tentait de se renforcer dans la confiance en D.
A l’aéroport de Newark, Aaron, qui n’avait jamais quitté Israël, fut pris de vertige. Où étaient ses valises ? Comment sortir ? Quand Yaacov se mit à pleurer, Aaron se sentit sur le point de s’effondrer.
Soudain, il crut rêver. Un homme religieux arborant un grand sourire lui demanda : « Vous êtes bien Aaron ? Je m’appelle Yehouda. Je suis à votre disposition. Vous n’avez pas à vous inquiéter, tout est réglé. La voiture nous attend, Aaron. Vos valises sont là. Vous avez sans doute besoin de vous reposer. Et toi, Yaacov, tu vas bientôt voir les jouets que nous t’avons achetés ! »
Yehouda lui offrit l’hospitalité, l’accompagna à l’hôpital, traduisit les propos des médecins et tous les documents, et se démena pour lui comme un frère. Un ange envoyé du ciel ! Deux mois plus tard, le traitement réussi, baroukh Hachem, il fut temps de quitter son bienfaiteur. Aaron savait qu’une dette de plus de 2 millions d’euros pesait sur ses épaules, mais l’essentiel, c’était que son fils était guéri. Il se mit à réfléchir au cadeau qu’il allait acheter à Yehouda et sa famille qui l’avaient accueilli avec un tel dévouement. Alors qu’il s’approchait de la maison de Yehouda, deux agents du FBI l’abordèrent et lui demandèrent de les accompagner à leur voiture.
« Que me veulent-ils ? » se demanda Aaron, affolé. Il lui semblait que, malgré leur mine sévère, ils essayaient de ne pas l’effrayer. Au cours de leur conversation, traduite en hébreu par un agent, ils lui demandèrent des informations sur Yehouda. Les agents s’apprêtaient à clore leur enquête sur ses délits d’impôts et son embauche de travailleurs étrangers (un délit grave, surtout aux Etats-Unis). Aaron voulut quitter la voiture. Comment ? Trahir son protecteur ? Mais ils surent toucher le point sensible : « Vous rentrez à présent en Israël et vous n’avez plus rien. Les banques vous prendront tout, vous leur devez deux millions et demi d’euros. » C’est la somme qu’il lui avait fallu emprunter pour sauver Yaacov.
Un agent à la mine rigoureuse lui tendit un téléphone. « Répondez ! » lui ditil. Aaron posa l’appareil sur son oreille. C’était le directeur de sa banque en Israël. « Chalom Aaron ! Il y a ici quelqu’un qui désire verser deux millions et demi d’euros à votre compte et qui attend votre accord. » « C’est à vous de décider ! » dit l’agent à Aaron… Aaron savait que sa femme et ses enfants avaient besoin de lui. En quelques mots, tout pouvait s’arranger… Et Yehouda, avait-il le droit de tromper le fisc ?
Le lendemain, lors du départ, quand Yehouda le serra dans ses bras, Aaron ressentit comme une brûlure. Cette étreinte l’étouffa tant qu’il voulut s’enfuir. La famille de Yehouda au grand complet porta sur les épaules Yaacov qui rit de bonheur, les yeux lumineux. Les yeux de son père, par contre, étaient éteints. « Nous resterons en contact ! » lui promit Yehouda.
Une fois arrivé en Israël, Aaron préféra ne pas s’intéresser aux informations venant des Etats-Unis. L’arrestation de Yehouda faisait la une des journaux au moment où la famille d’Aaron les accueillait avec une joie débordante. Aaron sourit à grand-peine. Il devint un homme triste sans que personne ne comprit pourquoi… Sept ans plus tard, alors que le public religieux du monde entier se réjouissait de la libération imprévue de Yehouda de prison, Aaron se boucha les oreilles… jusqu’à ce que le téléphone sonnât. C’était un appel de Yehouda : « Aaron, je voulais juste te dire que je comprends ce que tu as vécu et que je te pardonne de tout mon cœur. » Aaron éclata en sanglots et ne put rien répondre. Il continua à pleurer toute la nuit. Au matin, il était un homme nouveau, un homme heureux. Aaron savait que, si on lui proposait aujourd’hui de recommencer, même pour 10 millions d’euros, il ne dirait pas un mot. Il se sentit bien, fort, lavé.
Lorsqu’Adam Harichon commit sa faute la veille de chabbat, il reçut la « boucha », la honte. La honte est à la fois une punition et une expiation de la faute. La honte est bonne car elle cause le regret, mais elle éloigne aussi de son Bienfaiteur et fait perdre la joie. Notre Père nous ramène à Lui ; Il veut que nous ayons honte, mais sans nous éloigner. L’éloignement est un emploi impropre de la honte. Nous savons que D. nous aime et nous donne une épreuve. Lorsque nous tombons, nous avons tellement honte que nous sommes sûrs de résister la prochaine fois. Si telle est notre réaction, la honte aura rempli son but. La joie, c’est le rapprochement au Créateur, et la tristesse, l’éloignement .
Rav Eliav Miller, Mancal Lev Chomea.