Ora Marhely
‘Hamssa !
La Providence fait si merveilleusement bien les choses. En cette toute première parution suivant les grandes (lisez : interminables) vacances d’été, celle qui annonce également le début de la rentrée scolaire 2019/2020, Elle a fait en sorte que le journal que vous tenez entre les mains soit le 555e numéro du Haguesher !
Et même si vous ne partagez pas forcément les convictions tunisiennes de l’auteure de ces lignes, force vous sera d’admettre que ce florilège de 5 a bien de quoi amadouer la plus rationnelle des lectrices… À lui donner envie d’y déceler un beau Clin d’Œil divin la rassurant — et nous rassurant à toutes — que la nouvelle année qui s’ouvre sera placée sous le signe de l’abondance, de la bénédiction, de la prospérité et de la protection. Bref, de tous ces suprêmes souhaits — et bien d’autres — associés à l’intraduisible ‘Hamssa !
La Torah est (t)une !
Cela dit, si vous êtes de celles que même un triple cinq laisse insensible, laissez tomber toutes ces histoires de chiffres fétiches et contentez-vous d’ouvrir votre ‘Houmach Bamidbar au tout début de la Parachat Réé. Vous tomberez nez-ànez sur des versets consacrés, devinez à quoi… à la bénédiction ! « Vois, je mets devant vous aujourd’hui bénédiction et malédiction. La bénédiction : que vous écoutiez les commandements de Hachem votre D.ieu, que je vous ordonne aujourd’hui. » (Bamidbar, 11, 26-27)
Bon, résumons ; nous voilà en présence d’un 555e numéro de journal qui coïncide avec une Paracha ayant pour thème la bénédiction. Si ce n’est pas la preuve, comme le disait l’inoubliable grand rabbin Sitruk zatsal, que la Torah est (t)une …
Un nouveau chapitre
Sur une note plus sérieuse, maintenant… Le mois de septembre, tout comme celui d’Eloul que nous entamons cette semaine, sont tous deux associés à la notion de début. Le premier marque, bien évidemment, la rentrée scolaire et, pour ceux qui ont eu la chance d’avoir des congés, le retour avec la routine du métro-boulot-dodo. Quant au deuxième, le mois d’Eloul, il est celui qui va nous permettre de nous préparer à la nouvelle année juive 5780. Bref, l’un comme l’autre nous invitent à tourner une nouvelle page pour entamer un nouveau chapitre de notre vie. Et ce nouveau chapitre, inutile de préciser nous le désirons toutes ardemment plus heureux, plus réussi, plus épanoui que tous les précédents. La question est de savoir : comment faire pour que ces merveilleux espoirs se réalisent au quotidien ? Pour que cette volonté d’un avenir plus glorieux s’accomplisse tout au long de l’année à venir ? Ou, pour reprendre la thématique qui introduit la Parachat Réé, comment faire pour inviter la bénédiction dans nos vies à l’aube de cette nouvelle année ? Nous allons tenter de glaner des éléments de réponse au fil de cette même section. Heureusement, nous n’aurons pas besoin de chercher très loin…
Vois ! Mais quoi ?!
Dès le tout premier mot de la section, celui qui lui a d’ailleurs donné son nom, la Torah s’empresse de nous livrer une première recette infaillible pour mériter la bénédiction. Ce mot, c’est « Réé – Vois ». Or, à la réflexion, cette injonction a de quoi nous interpeller par son caractère apparemment superflu. Car la Torah n’aurait-elle pas pu se contenter d’écrire : « Je mets devant vous aujourd’hui bénédiction et malédiction » ? Quelle est donc cette chose mystérieuse que chacun d’entre nous se doit de « voir » pour espérer mériter la bénédiction ? Pour répondre à cette question, nous allons redécouvrir un passage fascinant tel qu’il est analysé par la Rabbanite Sarah Yossef dans son incontournable ouvrage : « La pensée positive dans l’esprit du judaïsme ».
Le miracle de l’huile
Le prophète Ovadia se dévoua corps et âme pour sauver ses confrères persécutés par l’infâme reine Yizével, en cachant un grand nombre dans une grotte et en assurant leur subsistance. Lorsqu’il quitta ce monde, sa propre épouse se retrouva à son tour dans la plus abjecte des misères. C’est alors que le prophète Elicha lui apparut et lui demanda : « Cherche dans ta maison et dis-moi si tu trouves tout de même de quoi te sustenter. ». La veuve fouilla son logis de fond et comble et finit par y dénicher une jarre contenant un fond d’huile. Elicha lui donna l’ordre de rassembler un maximum d’ustensiles, quitte à en emprunter à ses voisines, puis d’y verser dans chacun quelques gouttes d’huile qui lui restait. La femme s’exécuta et, par miracle, les récipients se remplirent à ras bord d’huile. Une généreuse quantité d’huile qu’elle vendit, grâce à laquelle elle put de nouveau garnir ses garde-manger.
La question évidente qui se pose est la suivante : pourquoi le prophète Elicha insista-t-il pour que la veuve trouve un fond d’huile ? Ne pouvait-il pas faire en sorte que les récipients se remplissent d’huile sans qu’elle y verse quelques gouttes au préalable ? La réponse, souligne la Rabbanite Yossef, c’est que la bénédiction n’est pas créée ex-nihilo ; elle est en réalité la multiplication de ce qui existe déjà. Ce fond d’huile que le prophète désire à tout prix découvrir dans la maison de la veuve n’est donc autre que la « graine » irremplaçable à partir de laquelle la bénédiction pourra de nouveau germer dans cette demeure.
Graines de gratitude
Et c’est exactement la leçon magistrale qui se cache derrière le tout premier mot de notre Paracha : « Réé » : si nous désirons inviter la bénédiction dans notre demeure, nous devons impérativement commencer par dessiller nos yeux pour « voir » les éléments positifs qu’elle abrite d’ores et déjà ! Et si nous relevons l’exploit d’apprécier pleinement les choses – et surtout les personnes – qui enrichissent notre quotidien, nous pourrons alors espérer que ces dernières se multiplieront à l’infini. À l’instar de ces quelques gouttes d’huile qui finirent par se transformer en jarres débordantes…
Ainsi donc, en ce début d’année 5780/2020, avant de tourner nos regards vers l’avenir pour espérer un changement magistral dans toutes sortes de domaines qui nous tiennent à cœur, nous devons au préalable nous efforcer de tourner nos regards vers l’année passée pour apprécier pleinement et exprimer notre reconnaissance envers les bontés infinies qui nous y ont été octroyées. Parce que, comme nous venons de le découvrir, la bénédiction et l’abondance ne se développent jamais en milieu stérile ; elles naissent de ces « graines de gratitude » que nous tâchons de dénicher dans nos vies…
Un instrument pour mieux servir Hachem
Outre l’aptitude à apprécier ce que l’on a déjà, la Parachat Réé va nous livrer une deuxième méthode pour mériter la bénédiction. C’est ce que nous allons découvrir dans le deuxième verset de la Paracha : « La bénédiction : que vous écoutiez les commandements de Hachem votre D.ieu, que je vous ordonne aujourd’hui ». À première vue, ce verset ne semble pas contenir de véritable « scoop ». On a même l’impression qu’il ne fait que répéter une évidence que nous connaissons depuis notre plus tendre enfance, celle voulant que la bénédiction soit la récompense d’un respect fidèle des commandements de Hachem.
Mais il va suffire d’un commentaire de deux mots de Rachi pour nous faire comprendre que ce verset n’est pas aussi anodin qu’il n’y paraît. Selon le maître de Troyes, la bénédiction n’est pas seulement la conséquence d’une écoute attentive des commandements divins. Elle peut aussi en devenir la cause. C’est en effet ce que nous lisons dans son commentaire : « La bénédiction : afin que vous écoutiez les commandements de Hachem » Et cette réflexion-là est vraiment révolutionnaire. Pourquoi ? Eh bien parce qu’elle met en lumière une vérité trop souvent ignorée : l’abondance, la prospérité et la réussite ne sont pas une fin en soi ; elles ne sont autres qu’un moyen pour servir Hachem en toute sérénité. Par conséquent, si nous prenons la ferme décision d’employer la bénédiction qu’Hachem nous accordera en cette nouvelle année afin de mieux nous consacrer à Son service, cette bénédiction aura toute sa raison d’être. Et elle ne nous quittera pas jusqu’à la fin de l’année, où elle sera renouvelée de plus belle !
Petit exemple : notre T3 se fait trop étroit, et nous avons du mal à aborder la rentrée scolaire en sachant que vos aînés n’ont pas de place pour faire leurs devoirs tranquillement ? Parlons et démontrons à Hachem qu’une maison plus spacieuse les aidera à travailler plus assidûment, tout en faisant de nous-même une mère plus sereine et plus à l’écoute de nos enfants. Et parce que nous aurons transformé un besoin matériel en un tremplin spirituel, notre requête aura toutes les chances d’être exaucée par le Tout-Puissant.
L’abonnement annuel « Abondance & Bénédiction »
En résumé, si nous désirons souscrire à l’abonnement annuel « Abondance & Bénédiction », nous devons nous engager à remplir les deux conditions préalables suivantes : la première, celle d’apprécier ce que nous avons déjà ; la seconde, celle de nous engager sincèrement à transformer les futures bénédictions qui empliront notre vie en tremplins spirituels. Et si nous agissons ainsi, il ne nous reste plus qu’à nous souhaiter haut et fort : 555 sur nous toutes !