En 1874, à Djerba, le Rav Chalom Ha- Cohen accueillit miraculeusement la naissance tant attendue de son premier fils, à l’âge de 40 ans. Prénommé
Moché, comme son grand-père, sa mère ajouta à son premier prénom le surnom de Kalfon, sobriquet affectueux que Rabbi Moché Kalfon HaCohen accola à son prénom afin qu’il ne soit pas confondu avec son nom de famille, et qu’il conserva tout au long de sa vie. Rabbi Moché Kalfon HaCohen acquit une solide éducation religieuse auprès de son père Rav Chalom HaCohen, mais également auprès de Rav Moché Berrebi, futur Grand-Rabbin de Tunisie. Pourtant, à l’âge adolescent, Rav Moché se vit dans l’obligation de quitter ses livres pour travailler en tant que copiste, sa famille autrefois aisée se trouvant subitement dans une situation financière difficile. Lorsque rabbi Moché eut 17 ans, son père fut nommé rabbin de Zarzis, communauté voisine de Djerba, tandis qu’on proposa à Rabbi Moché le poste de cho’het (abatteur rituel). Toutefois, ce travail pénible obligeait rabbi Moché à rester parfois des heures durant sous le soleil afin de procéder à l’abattage, dans des conditions si difficiles qu’il tomba gravement malade, et c’est la vue diminuée qu’il se relèvera de sa maladie. A l’âge de 21 ans, l’entourage de rabbi Moché l’encouragea à grands cris à retourner étudier, mais rabbi Moché persistait à refuser, tenant fermement à contribuer au soutien de sa famille. Finalement, à 21 ans, Rabbi Moché repartit pour Djerba où il put à nouveau se concentrer sur ses livres et sur son étude, ignorant les conseils des médecins qui l’enjoignaient à éviter toute activité pouvant à nouveau affecter sa vue. A de nombreuses reprises,
la communauté de Djerba insista pour qu’il siège au tribunal rabbinique de la ville, mais Rabbi HaCohen dans sa modestie refusait constamment de prendre sur lui de telles responsabilités. A l’âge de 43 ans, on raconte qu’il rêva d’une main pointée sur lui, lui ordonnant de quitter son Beth Hamidrach pour rejoindre le tribunal, ce qu’il fit. Respecté pour sa simplicité, Rabbi Moché n’accepta jamais qu’un modeste salaire pour son travail. On raconte même qu’à une période où se procurer de la viande casher était devenu difficile pour nombre des habitants de Djerba, Rabbi Moché décida de lui-aussi s’abstenir de manger de la viande en semaine. Tout au long de sa vie, il prit soin de sa communauté avec dévouement, comme le témoigne l’histoire suivante. En 1943, l’Allemagne nazie avait encore la mainmise sur une partie du Maghreb. Un chabbat, les SS menacèrent les juifs de Djerba d’exterminer leur communauté s’ils ne rassemblaient pas 50 kg d’or dans les heures à venir. Rabbi Moché frappa à
la porte de chaque maison pour récolter la somme exigée, sans pour autant
y parvenir. Après avoir obtenu du commandant un délai d’une semaine, il maudit les SS sortant de sa maison, qui selon les versions, furent
chassés par les alliés le lendemain, et s’enfuirent peu après et périrent
sous les bombardements alliés. Tout en prenant sans relâche soin
de sa communauté, Rabbi Moché poursuivait son étude. Parmi
ses nombreux écrits couvrant presque toutes les branches du judaïsme,
quatre-vingts environ ont été publiés. Nous retiendrons notamment ses célèbres responsa Choël venichal, ou encore le Brit Kéhouna, qui rassemble les us et coutumes des juifs de Djerba en suivant l’ordre du Choul’han Aroukh. Rabbi Moché Kalfon HaCohen était également un fervent partisan du sionisme, adhérant à la thèse d’une délivrance naturelle du peuple juif, qui se devait de hâter le plus possible la guéoula en initiant lui-même son retour en terre sainte. Lorsqu’il émit le désir d’émigrer en Israël, sa santé ne lui permettait déjà plus d’entreprendre ce voyage, et c’est à Djerba que
mourut en 1850 le rav Moché Kalfon HaCohen. En 2006, furent transportés ses restes au cimetière Har Hamenou’hot de Yérouchalayim, lors de funérailles qui durèrent trois jours, et rassemblèrent ainsi des juifs de France, de Tunisie, et d’Israël, venus dire adieu à ce grand maître.