Après les attentats de la semaine dernière, les habitants réclament avec fermeté plus de sécurité de la part du gouvernement, en particulier sur les routes de Judée et Samarie. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cette revendication simple mais déterminée est du « pain béni » pour le leader du Foyer Juif Naftali Benett qui s’en sert pour poursuivre le bras de fer idéologique et politique qui l’oppose ouvertement avec le Premier ministre Binyamin Nétanyaou. Un bras de fer qui devrait logiquement se terminer sous peu avec l’annonce d’élections législatives anticipées. Analyse. Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas entendu parler de la population juive de Judée et Samarie. Après que la vague de violence provoquée par l’Intifada des couteaux, à partir de 2015, s’est quelque peu tassée, et après que les médias se sont plus focalisés ces derniers mois, sur la population juive du pourtour de Gaza victime des roquettes et missiles tirés par le Hamas, les attentats des derniers jours ont provoqué une onde de choc au sein de ces quelques centaines de milliers d’Israéliens qui vivent aujourd’hui dans les localités de Judée et de Samarie. Une onde de choc déclenchée par l’attentat à l’entrée d’Ofra, dimanche soir dernier 8 décembre, et plus spécifiquement par le drame de la famille Ich-Ran (voir leur témoignage page ?????) et une onde de choc amplifiée par l’attentat à l’entrée de Guivat Assaf entre Ofra et Beth El et qui a coûté la vie à deux soldats du Na’hal Haredi Yossef Cohen et Yovel Moryoussef zal. Et pour cause : cette région de Binyamin, est souvent considérée comme le coeur vivant et historique de l’implantation juive, avec les localités d’Ofra et Beth El qui furent parmi les premières à voir le jour dans les années 70 et qui sont aujourd’hui les bastions du sionisme religieux le plus pur et le plus traditionnel. En frappant précisément à proximité de ces localités, les terroristes ont réveillé de vieux et douloureux souvenirs, ceux de la Seconde Intifada qui durant les années 2000 à 2004 a durement frappé cette population. Il faut rappeler par exemple que Guivat Assaf a été créée
en 2001, quelques semaines après l’assassinat d’Assaf Herchkovitz par des terroristes. Assaf était lui-même tombé sous les balles des terroristes, trois mois à peine après son père Arié Herchkovitz qui était l’une des plus célèbres figures de l’implantation juive de la Samarie. Mais la colère que les habitants juifs de ces régions ont exprimée, ces derniers jours, n’est pas seulement le reflet de ces derniers attentats. C’est aussi l’expression d’un véritable sentiment de « ras-le-bol » de la part de cette population : « Ça suffit ! Nous en avons assez de nous taire », a déclaré l’un des présidents des conseils régionaux, jeudi dernier, lors de la manifestation organisée devant la résidence du Premier ministre au coeur de Jérusalem et à laquelle plus d’un millier de personnes ont participé : « Nous en avons assez de circuler sur des routes en craignant que dans chaque véhicule palestinien qui nous suit ou nous précède se trouve un terroriste armé. Nous voulons pouvoir continuer à circuler en toute sécurité sur ces routes qui sont les nôtres ! Pourquoi les Palestiniens pourraient-ils circuler sur nos routes alors que nous n’avons pas le droit d’emprunter les leurs ? » Cette colère est en fait l’expression d’une dégradation progressive de la situation constatée au cours des derniers mois en particulier sur les routes des territoires. Il s’avère que les terroristes sont de plus en plus audacieux
comme on a pu le constater lors de l’attentat de Guivat Assaf, lorsque l’un des Palestiniens est sorti de son véhicule, a tiré presqu’à bout portant sur les soldats Yossef Cohen et Yovel Moryoussef zal les tuant sur le coup et blessant grièvement un autre soldat et une jeune femme, avant de
récupérer, avec un certain aplomb, l’arme d’un de ces soldats ! Lorsque l’on interroge un habitant juif de ces régions, il souligne que les actes de violence terroristes sont le pain quotidien de ceux qui circulent sur ces routes et en particulier sur la route 60, la Transamaritaine : « Les jets de bouteilles incendiaires et de pierres ne se comptent plus, expliquent ces habitants, mais les médias israéliens n’en parlent que lorsqu’ils entraînent des blessures graves voire pire ». Et pour donner un exemple de ce laxisme, il suffit de révéler que jeudi soir, peu après la fin de la manifestation de protestation des habitants juifs à Jérusalem, un attentat s’est produit sur la petite route qui conduit à l’implantation de Migdalim en Samarie : un terroriste a jeté une bouteille incendiaire en direction d’un véhicule israélien. Fort heureusement sans faire de blessés ni de dégâts matériels graves : « Personne n’en a parlé » déplorent les habitants.
Dan Bismuth directeur de cabinet du président du Conseil régional de Samarie (Shomron) Yossi Dagan, comprend et partage pleinement cette colère et il en explique les raisons plus politiques : « C’est le comble de l’absurde. Nous avons un gouvernement de droite mais qui mène une politique de gauche, voire même d’extrême- gauche. Ce qui suscite notre profond mécontentement. Le gouvernement de Binyamin Nétanyaou pourrait prendre des mesures plus fermes pour neutraliser cette vague de violence mais il ne le fait pas, dans l’espoir que les choses puissent peut-être se calmer d’elles-mêmes. C’est une erreur d’approche : au lieu de lutter avec force et détermination contre les terroristes, nous les laissons faire. Eux perçoivent très nettement la mollesse de notre réaction et cela augmente leur témérité et les pousse à commettre des actes plus dangereux. C’est bien la preuve que nous avons perdu notre force de dissuasion et qu’il est grand temps que nous la restaurions. Et lorsque nous parlons de cela à l’état-major ou aux généraux qui commandent la région Centre, ils nous demandent d’en référer au gouvernement et au ministre de la Défense qui est aujourd’hui… Binyamin Nétanyaou.
Il faut rappeler que ce gouvernement a pu voir le jour grâce au ralliement de notre public, celui des localités juives, qui ont voté massivement pour Mr Nétanyaou. Il faut donc que le Premier ministre ne l’oublie pas », affirme Dan Bismuth complètement remonté. Les manoeuvres politiques de Benett On le comprend aisément : cette crise sécuritaire aiguë qui secoue actuellement la classe politique israélienne est doublée d’une crise politique grave qui pourrait au bout du compte provoquer la chute du gouvernement. Naftali Benett sent, en effet, qu’il a le vent en poupe en particulier lorsqu’il parle lui aussi de restauration de la force de dissuasion israélienne. Il sent que la coalition gouvernementale est, quoi qu’il advienne, en bout de course. Et surtout, il comprend que c’est une chose que de menacer de démissionner pour un « caprice » comme le portefeuille de la Défense mais c’en est une autre que de quitter un gouvernement qui sombre en réclamant un maximum de sécurité pour les habitants juifs de Judée-Samarie qui forment l’ossature électorale du Foyer Juif. Alors que la précédente tentative de démission à laquelle il a dû renoncer, avait été très mal perçue dans la mouvance sionistereligieuse, celle-ci serait au contraire accueillie avec plus de satisfaction. Voilà pourquoi Benett est en train de mettre Binyamin Nétanyaou le dos au mur en le poussant à durcir les mesures sécuritaires prises pour garantir une sécurité maximale pour la population juive de Judée- Samarie. Voilà pourquoi il n’a pas hésité, dimanche, à prendre la parole lors de la seconde manifestation des présidents des Conseils locaux et régionaux de Judée et Samarie et à s’exprimer, de facto, contre la politique que mène actuellement le gouvernement dans lequel il siège (voir encadré page 12) ! Voilà également pourquoi il est le fer de lance de cette loi visant à expulser, ou plutôt, à déplacer les familles des terroristes palestiniens (voir second encadré page 12) afin justement de restaurer la force de dissuasion de Tsahal. Binyamin Nétanyaou comprend qu’il a un véritable problème avec cette campagne de son rival politique et donc, pour l’instant, il durcit ses positions en annonçant un train de mesures comme le déploiement de renforts de troupes sur la route 60 et la réinstallation de barrages sécuritaires sur l’ensemble des routes des territoires et en cautionnant pour la première fois la loi sur les expulsions. Mais il semble que cela ne pourra pas durer longtemps. Et face à cette mobilisation du camp Benett-Shaked, et à ces turbulences sur son aile droite, le Premier ministre pourrait lui aussi décider de prendre les devants et d’annoncer la dissolution du Parlement en perspective d’élections anticipées qui pourraient se dérouler à l’approche des fêtes de Pessa’h 5779.
Daniel Haik