L’annonce des recommandations de la police qui suggère d’inculper Binyamin Nétanyaou de corruption dans l’affaire 4000 (Bezek-Walla) n’a pas surpris. En effet en dépit de ces recommandations assez accablantes, personne, à part certains dirigeants de l’opposition n’envisage sérieusement une démission « prématurée » du Premier ministre. Daniel Haïk explique pourquoi.
En septembre 2008, deux semaines à peine après que la police a recommandé au Parquet de l’inculper pour corruption, fraude et abus de confiance, le Premier ministre de l’époque Ehoud Olmert s’était rendu à la présidence de l’Etat et il avait remis au président Shimon Pérès sa lettre de démission. De prime abord, après que la Police a recommandé d’inculper Binyamin Nétanyaou dans l’affaire 4000
(Bezek-Walla), nous nous retrouvons cette semaine dans le même cas de figure. Pourtant, il n’existe pas la plus infime probabilité pour que Mr Nétanyaou annonce solennellement sa démission. Et ce, pour plusieurs raisons principales : Le statut au sein du parti : En 2008, Ehoud Olmert n’a même pas eu à attendre les conclusions du Conseiller juridique du gouvernement de l’époque Meni Mazouz. Il a été poussé, bien avant, à la démission d’abord par Tsipi Livni, sa rivale au sein même de la direction de Kadima et ensuite par Ehoud Barak qui était son ministre de la Défense et principal partenaire au sein de la coalition, les deux affirmant qu’après de telles recommandations, Olmert avait perdu toute légitimité à gouverner. Sans soutien ni à Kadima ni dans sa coalition, Olmert avait compris qu’il était fini
politiquement. Or ce n’est absolument pas le cas de Binyamin Nétanyaou aujourd’hui. Au Likoud, personne n’envisage ouvertement de remettre en cause le leadership de Mr Nétanyaou. Certes, Gideon Saar qui a réuni 1000 fidèles dans une salle ce lundi pour fêter ‘Hanoucca, aspire à remplacer le Premier ministre à la tête du parti mais il sait que le moment n’est pas encore venu. Quant aux responsables de la coalition y compris Moché Kahlon, ils se sont tus depuis l’annonce des recommandations de la police, un silence éloquent. De ce point de vue-là, Binyamin Nétanyaou peut donc rester serein, au moins pour l’instant. Personne ne viendra lui planter de couteau (politique) dans le dos dans l’espoir de le remplacer ensuite. Le poids de l’opinion publique : En septembre 2008, la cote de popularité d’Ehoud Olmert était au plus bas. Il faut se rappeler qu’Olmert n’a jamais été populaire et qu’il avait été propulsé, en mars 2006, dans le fauteuil de Premier ministre par défaut, à la suite de l’AVC d’Ariel Sharon. Sa légitimité a toujours été battue en brèche et sa faible popularité s’est évaporée après le semi-échec de la Seconde Guerre du Liban en 2006. Il était donc d’emblée affaibli et vulnérable. Ce qui n’est pas du tout le cas de Binyamin Nétanyaou aujourd’hui. Celui-ci bénéficie d’une cote de popularité impressionnante. En dépit
de ses affaires judiciaires, il reste pour de très nombreux israéliens la personnalité la plus apte à remplir les fonctions de Premier ministre. Qui plus est, il surfe actuellement sur un impressionnant plébiscite de la part de la communauté internationale. Il est le confident de Trump, murmure à l’oreille de Poutine et est considéré comme l’un des hommes d’Etat les plus influents de la planète ce qui n’a jamais été le cas d’Olmert. La nature des soupçons : Même si pour la Justice israélienne l’accusation de corruption est grave, il y a dans la perception de l’opinion publique israélienne, diverses formes de corruption, certaines plus sérieuses, d’autres plus tolérables : Olmert a été inculpé de corruption dans une affaire d’enveloppes de dollars que lui avait remis l’homme d’affaire américains Moché Talanski. C’était là le prototype d’une d’une démarche corruptrice. Dans l’affaire 4000, Nétanyaou est soupçonné d’avoir obtenu une couverture médiatique plus favorable de la part du site Walla en échange d’avantages substantiels obtenus pour son ami Chaoul Alovitz dans la vente de Bezek. De facto, pour l’opinion
publique, Bibi n’a rien mis dans sa poche. Il a seulement voulu obtenir une couverture médiatique moins hostile. Et même si pour beaucoup d’Israéliens ce n’est pas très « casher », cela n’entre pas réellement dans le cadre d’une véritable corruption. Et de très nombreux Israéliens avouent ouvertement qu’ils préfèrent continuer à être dirigés par un homme tel que Nétanyaou y compris avec ses « défauts » que de confier leur sort à un inconnu. Le paramètre sécuritaire : Avec les derniers développements sécuritaires, le Premier ministre peut peaufiner son image d’adulte responsable, essentiellement focalisé par les défis sécuritaires d’Israël. Et il n’aura aucun mal à séduire l’opinion en affirmant qu’il a des préoccupations autrement plus importantes pour la Sécurité d’Israël que celle de Bezek ou que les enquêtes de la Police. Pour l’instant le public semble vouloir continuer à lui faire confiance, presque les yeux fermés. Voilà donc au moins quatre bonnes raisons qui expliquent pourquoi la situation de Mr Nétanyaou aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de son prédécesseur à la Présidence du Conseil et pourquoi le Premier ministre a encore, au moins, quelques mois avant d’envisager l’avenir. Dans une certaine constellation, il peut aller jusqu’à exiger de rester aux commandes du pays même après que le Conseiller juridique du gouvernement a décidé de l’inculper…
Daniel Haïk