Philippe le roi des Belges s’est rendu pour la première fois en tant que monarque, lundi 26 novembre dernier, en la grande synagogue de l’Europe à Bruxelles. Le grand rabbin de Belgique, rav Albert Guigui l’a accompagné dans cette visite hautement symbolique. Il nous confie ses impressions.
Haguesher : Pourquoi cette visite du roi ? Pourquoi maintenant ?
Grand rabbin Albert Guigui : Le roi est venu à la Synagogue pour commémorer trois anniversaires importants : les 210 ans du Consistoire Israélite de Belgique, 140 ans de la construction de la
grande Synagogue de Bruxelles et 10 ans depuis que notre grande synagogue est devenue
celle de l’Europe car c’est dans notre synagogue que se tiennent toutes les grandes manifestations juives européennes comme la remise du Prix du Judaïsme européen à Angela Merkel, ou d’autres visite de leaders européens.
– Le roi s’est-il exprimé durant cette visite ?
– Non. Le roi ne s’exprime pas dans de tels forums et c’est le ministre de la Justice qui est le ministre de tutelle des Cultes en Belgique qui s’est exprimé. Mais j’ai eu le plaisir de prendre la parole et j’ai remercié
le roi pour son écoute attentive et pour l’attention qu’il porte à notre communauté. Le roi a déjà eu des gestes marquants envers les Juifs belges. Ainsi le roi nous avait invité mon épouse et moi-même pour
partager un repas ensemble avec la reine au Château de Laeken. J’ai pu constater à cette occasion tout l’intérêt qu’il avait pour le judaïsme, pour l’histoire de notre peuple et pour la mémoire du judaïsme. Il a également reçu une délégation des représentants de la communauté. Durant mon intervention, je lui ai rappelé qu’il était rare de célébrer le centenaire d’une synagogue en Europe, après la Nuit de Cristal de novembre 1938. Et à cette occasion j’ai rappelé que la synagogue avait alors été préservée grâce à l’intervention de la reine Elisabeth qui a tout fait pour que les nazis ne touchent pas à cette synagogue. C’était donc un premier message de reconnaissance.
– Pourtant en dépit de ces gestes forts, la communauté juive de Bruxelles est confrontée à une résurgence de l’antisémitisme ainsi qu’à des décisions officielles difficiles comme l’interdiction de la ché’hita en Belgique qui doit entrer en vigueur sous peu…
– Oui c’est vrai mais permettez-moi de préciser que le roi Philippe n’est pas du tout impliqué dans les démarches comme celle sur l’abattage rituel. Sa fonction est honorifique et représentative. Il ne peut être tenu pour responsable des lois et décrets qui sont pris en Belgique. Il serait injuste de le rendre responsable de décisions prises par certains gouvernements régionaux. Et il faut préciser que le Conseil d’Etat de la Belgique peut encore empêcher la concrétisation de cette décision sectaire. Nous attendons une décision du Conseil d’Etat sur la constitutionnalité des décrets pris par les gouvernements flamand et wallon à propos de la ché’hita.
– Est-ce que l’on peut dire que les Juifs belges se sentent aujourd’hui en sécurité en Belgique ?
– Il est vrai que comme tous les pays européens nous sommes confrontés à une résurgence de l’antisémitisme. Il est vrai que le souvenir de l’attentat contre le Musée Juif de Bruxelles reste vivace mais l’on peut dire que le gouvernement belge met tout en oeuvre pour que les Juifs de Belgique puissent se sentir pleinement en sécurité. Il garantit la sécurité de nos institutions. Nous avons des soldats et policiers qui surveillent en permanence nos synagogues, nos écoles et institutions. Enfin, le gouvernement a délivré une somme de 3 millions d’euros pour garantir la sécurité des communautés juives de Belgique car il considère ce dossier comme une priorité absolue. Alors c’est vrai, il y a un marasme dans les communautés juives en Europe mais il est exact aussi de dire qu’aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les Juifs qui sont menacés par le terrorisme mais l’ensemble de la population de Bruxelles.
Propos recueillis par Daniel Haïk