Au 1er novembre 2017, 34 cas de rougeoles avaient été recensés dans le pays. Un an plus tard, on en compte 1334 ! Et à ce stade, on peut bien parler d’épidémie, une épidémie dont l’épicentre se situe à Jérusalem et qui a récemment causé la mort d’un enfant d’un an et demi dans une famille orthodoxe de Méa Chéarim.
Presque aucun d’entre nous ne garde le souvenir d’une épidémie de rougeole d’une telle ampleur dans les cinquante dernières années. Rien de surprenant, puisqu’il existe depuis 1957 un vaccin sûr et efficace, le ROR ou MMR en Israël. Pour atteindre un taux d’efficience maximale (97 %), il est généralement administré aux enfants sous la forme de deux doses : la première à l’âge de un an, et la seconde à la veille de l’entrée au CP (environ 6 ans). Sont donc considérées comme des populations à risque les nourrissons, les enfants en bas âge n’ayant reçu qu’une seule dose de vaccin, ou encore les personnes ayant été partiellement vaccinées dans les années 60-80. Si la rougeole est tant à craindre, c’est d’abord parce que cette maladie, extrêmement contagieuse, se propage aussi bien par contact direct avec une personne infectée que par sa toux ou ses éternuements. Mieux encore, ce virus de type Morbilivirus demeure actif sur une surface contaminée jusqu’à deux heures après que le malade a quitté la pièce. Les complications de cette maladie ne sont pas moins redoutables puisque, selon l’OMS, la rougeole peut rapidement devenir source d’encéphalite, de cécité, ou encore d’infection des voies respiratoires qui peut s’avérer mortelle (liste non exhaustive). En Israël, on estime à environ 95 % la population vaccinée. Comment comprendre alors la présence récurrente de la rougeole, maladie supposément éradiquée des pays développés ? Tout d’abord, l’expansion galopante de la rougeole est en partie due à la présence de
certaines populations dont le taux d’immunisation est inférieur à 80 %. A Jérusalem, où sont concentrés plus de 60 % des cas de rougeoles du pays, vivent certaines communautés ultra-orthodoxes qui n’ont
pas systématiquement recours à la vaccination. Si les premiers cas de rougeole ont été identifiés dès mars 2018, ce n’est que très récemment que la population a été alertée de l’étendue de la catastrophe. Dès lors, les Rabbanim se sont massivement mobilisés afin d’encourager leur fidèles à faire vacciner leurs enfants au plus vite, qualifiant de « meurtrier » celui qui ne ferait pas le nécessaire pour prémunir ses proches de la contamination. Le second responsable reste le ministère de la Santé, dont la prise de conscience du caractère endémique de la situation a été dramatiquement tardive. La campagne
de prévention aurait dû être lancée dès l’apparition des premiers cas de rougeole au printemps 2018. Pourtant, une paralysie inexplicable a empêché la mise en place des mesures nécessaires à l’endiguement de l’épidémie. Lorsque soudainement fut révélée l’ampleur des cas recensés, le ministère de la Santé a immédiatement rejeté la responsabilité sur les Koupot ‘Holim- centres d’accès aux soins publics- et a pointé du doigt leur incapacité à réagir devant une demande de vaccination sans cesse grandissante. A ce jour, des décisions ont enfin été prises à l’échelle nationale afin d’enrayer l’épidémie. L’accès aux établissements scolaires a été interdit aux enfants contaminés, ainsi que l’entrée dans des lieux où vivent des populations à haut risque de contagion (prématurés, personnes immunodépressives…). Les horaires d’ouverture des centres de vaccination ont également été élargis dans les lieux à fort taux de contamination, comme à Jérusalem ou les Tipot ‘Halav – centres de soins et de prise en charge du nourrisson – sont désormais ouvertes de 8 :00 à 22 :00.
Lea Sebbag