La surprenante visite, 12 heures durant, du Premier ministre israélien à Oman du 26 au 27 octobre répondait à plusieurs buts en partie partagés par Israël et ce sultanat situé en face de l’Iran à la sortie du Détroit d’Ormuz.
Secrètement préparées depuis quatre mois, les 8 heures d’entrevues successives entre Binyamin Nétanyaou et le sultan d’Oman, Qaboos bin Saïd Al Saïd, ont abordé tous les sujets brûlants de
l’heure au Moyen-Orient :
-1/ Le danger du nucléaire iranien qui préoccupe Oman malgré ses liens assez étroits avec Téhéran depuis des années ;
-2/ L’élargissement de l’alliance, pour l’instant seulement empirique, entre Israël et certains pays arabes sunnites dits « modérés » contre les ambitions hégémoniques de l’Iran sur la région ;
-3/ Le rôle que pourrait jouer Oman pour aider à la normalisation des liens et à la coopération d’Israël avec ces mêmes pays et d’autres encore ;
-4/ Les relations économiques bilatérales Oman-Jérusalem incluant l’éventuelle ouverture de liaisons aériennes dans les deux sens, l’apport de solutions israéliennes aux problèmes de pénurie d’eau d’Oman, ainsi qu’un éventuel projet de voie ferrée entre Israël et le sultanat ;
-5/ Les moyens de relancer le processus de discussions israélo-palestiniennes dans l’impasse depuis des années auquel le sultan voudrait apporter sa propre contribution, mais sans toutefois prétendre à servir d’intermédiaire à l’heure où Washington s’apprête à publier son « plan de paix historique » – Oman souhaitant par là-même élargir ses liens avec les USA pour obtenir une aide financière significative dont le sultanat a aujourd’hui grand besoin. Fait significatif sur l’importance qu’a revêtue pour Jérusalem cette visite aussi éclair qu’inattendue : Nétanyaou était accompagné d’une délégation de haut rang incluant le chef du Mossad, Yossi Cohen, le conseiller en matière de Sécurité nationale et directeur du Conseil national de Sécurité, Méïr Ben-Shabbat, le directeur-général du ministère des Affaires étrangères, Youval Rotem, le chef du Bureau du Premier ministre, Yoav Horowitz, et son secrétaire militaire, le général Avi Bluth. Des liens espacés mais de longue date avec Oman Il faut dire que les connexions d’Israël avec Oman ont débuté à la fin des années 1970 quand le Mossad aida le sultan Qaboos à mater une rébellion interne. Des liens qui perdurèrent ensuite secrètement entre Oman et les services israéliens d’espionnage, mais qui furent révélés dans le sillage des Accords d’Oslo de septembre
1993 quand le Premier ministre Its’hak Rabin se rendit en visite à Oman et au Qatar. Précisons aussi que cette dernière visite de Nétanyaou a été d’autant plus marquante qu’elle fut la première d’un haut dirigeant israélien depuis 22 ans après que Shimon Pérès se soit lui aussi rendu à Oman en 1996 pour y rencontrer le sultan Qaboos et ouvrir sur place un Bureau israélien de Représentation commerciale : des liens officiels interrompus en octobre 2000 quelques jours après le lancement de l’Intifada Al- Aqsa par Yasser Arafat. Israël veut multiplier ses contacts avec les pays arabes sunnites Alors que pour Oman la publicité inédite donnée à cette visite est le signe évident que le sultan Qaboos considère qu’une fenêtre
d’opportunité est désormais ouverte avec Israël pour que Jérusalem fasse avancer le dialogue avec les Palestiniens, Nétanyaou a engrangé quant à lui une avancée supplémentaire à l’ouverture en cours
qu’il préconise avec le monde arabe. Et ce, sans pour autant la « payer » – du moins pour l’instant – par de nouvelles concessions israéliennes à la direction bipolaire et irrédentiste du mouvement national
palestinien divisé entre le Hamas de Gaza et l’AP de Ramallah. « Il s’agissait à Oman de discussions importantes à la fois pour l’Etat d’Israël et pour notre sécurité », devait déclarer Netanyaou lors du Conseil des ministres du 28 octobre. Un atout qui s’ajoute aux signes encourageants enregistrés la semaine dernière au tournoi de judo d’Abou Dhabi où l’on a pour la 1ère fois entendu à plusieurs reprises l’hymne israélien de la Ha-Tikva et aux contacts rapprochés du Premier ministre avec le président égyptien Sissi, le roi Abdallah de Jordanie et à ses liens indirects avec le prince saoudien MBS. R.D.