– Haguesher : Etes vous surpris par le démenti de la presse marocaine à l’annonce selon laquelle le roi Mohammed VI aurait ordonné qu’on enseigne la Shoah dans les écoles de son pays ?
– Simon Epstein : S’il s’avérait finalement que le roi du Maroc a bel et bien pris cette décision, cela trad
uirait une volonté positive de sa part de lutter contre l’antisémitisme. Mais si ce démenti était fondé, ce serait évidemment assez négatif… bien qu’il me paraisse plus important d’enseigner la Shoah en Europe et dans les pays où elle a eu lieu plutôt que là où elle ne s’est pas ou peu produite. Exception faite, bien sûr, des pays arabes, où son enseignement pourrait jouer un certain rôle culturel.
– D’une manière plus générale, comment parle-t-on de la Shoah et l’enseigne-t-on réellement dans le monde arabe ?
– Le projet Aladin – cofinancé par le Maroc et la Fondation française de la Shoah – ont essayé ces dernières années de développer dans certains pays arabes l’enseignement du génocide nazi commis contre le peuple juif en pensant que cela fera refluer l’antisémitisme. Cette tentative, comme d’autres encore, repose sur le principe – qui est selon moi une pure illusion – selon lequel parler de la souffrance des Juifs attirera moins d’hostilité à leur égard. Or je n’y crois pas du tout, car il a été démontré que cet enseignement génère souvent des attitudes perverses provoquant une plus grande hostilité,
voire même parfois une volonté de rééditer ce génocide… Je pense en effet qu’on ne combat pas l’antisémitisme par l’apitoiement, mais que la « question juive » est en train d’être résolue depuis le 19e siècle par le retour des Juifs sur leur Terre et la renaissance de l’Etat d’Israël.
– Quelles sont donc les causes du négationnisme très répandu de la Shoah dans le monde arabe ?
– Depuis quelques décennies, le monde arabe est devenu le centre mondial du déni de la Shoah. Et ce, pour plusieurs raisons : la haine des Juifs qu’il a surtout importée de l’Occident, mais aussi le grand mensonge expliquant que l’Etat d’Israël aurait été créé « à cause » de la Shoah et que la fondation de l’Etat juif reposerait donc sur un événement qui n’a pas eu lieu…
– Existe-t-il des exceptions ici et là à ce négationnisme arabe ?
– Certes, et en voici un exemple : pendant vingt ans, j’ai donné à l’Université hébraïque de Jérusalem un cours sur l’histoire de l’antisémitisme auquel assistaient chaque année plusieurs étudiants arabes israéliens qui s’y intéressaient beaucoup et qui me remirent chaque fois des mémoires fouillés et approfondis sur ce sujet qui au départ, leur était étranger.
Propos recueillis par Richard Darmon