Le mois de Tichri, si riche en jours de fêtes, nous permet de renouer nos liens avec nos communautés mais aussi de perpétuer les us et coutumes de nos ancêtres. En cette occasion, éveillons notre curiosité et posons notre regard sur différentes communautés juives du monde pour découvrir leur mode de vie et nous intéresser à la façon dont elles célèbrent les fêtes juives de ce premier mois de l’année. D’où se procure-t-on les Arbaa Minim? A-t-on la possibilité de construire sa Soucca ? Quelles sont les particularités de chacune de ces communautés ?
Djerba, Tunisie
Saviez-vous que les Juifs de Djerba sont habitués à entendre le son du Chofar tout au long de l’année ? En effet, chaque vendredi, une demi-heure avant l’entrée du Chabbat, le Rav de cette île, Rav ‘Haïm Bittan Chlita monte sur un toit qui surplombe l’ensemble des maisons du quartier juif et y sonne le Chofar pour annoncer l’arrivée de la Reine Chabbat ! En ce qui concerne les coutumes propres aux Juifs de Djerba, les Seli’hot sont récitées depuis le début d’Eloul, tous les jours, y compris le Chabbat ! Dans le passé, il était d’usage de se lever, le vendredi soir, à ‘Hatsot (le milieu de la nuit) pour les Seli’hot puis, pour diverses raisons, les Seli’hot ont été reportées au petit matin. De plus, les lundis et jeudis, les textes des Seli’hot diffèrent des autres jours de la semaine et le jour de Kippour également, il y a un rituel de
Seli’hot particulier. Au courant de l’année, l’on trouve 12 synagogues (faisant référence aux 12 tribus d’Israël) qui assurent les offices, mais pour Roch Hachana et Yom Kippour, une seule synagogue fonctionne. Tous les Juifs se réunissent pour prier dans la grande synagogue nommée « La Ghriba » et ce, afin d’accorder un plus grand honneur au Roi des rois. Pour information, selon la tradition juive tunisienne, la synagogue « La Ghriba » avait été fondée par un groupe de Cohanim qui s’était installé en Tunisie, après la destruction du Premier Temple. A Roch Hachana, après la prière de Min’ha,
l’on procède au Tachlikh. Auparavant, tous les fidèles allaient au bord de mer pour réciter cette prière mais aujourd’hui, pour des raisons de sécurité, il est recommandé de ne pas sortir du quartier juif, en groupe. De ce fait, l’on se rend au puits situé non loin de « La Ghriba ». Par ailleurs, le jour de Kippour, les autorités tunisiennes respectent un certain rituel, par égard à la communauté juive locale : chaque année, un représentant du gouvernement se rend à la synagogue pour adresser ses voeux de bonne année à l’assistance. A Souccot, le quartier juif de Djerba est en fête… près de 200 familles de France rejoignent cette île de Tunisie pour y célébrer la fête des cabanes (puisque dans la majorité des cas, elles n’ont pas la possibilité de construire leur Soucca près de leur lieu de résidence). Pour accueillir ces nombreuses familles, on loue un hôtel où l’on cachérise la cuisine et l’on construit une grande Soucca. D’autres préfèrent avoir leur « chez soi » et optent pour la location d’une maison avec balcon/cour pour avoir leur propre Soucca. L’on pourrait affirmer que l’ambiance de fête règne dans toutes les rues du quartier juif et c’est un réel plaisir de voir tant de cabanes ! En ce qui concerne l’achat des quatre espèces, on les importe du Maroc bien qu’il serait possible de se procurer des Loulavim, Hadassim et Aravot de Tunisie et d’importer uniquement des Etroguim mais il est, sans doute, plus pratique de commander des sets complets qui sont d’ailleurs vendus à un prix abordable, d’un montant approximatif de 20 Euros. Gibraltar Les Juifs ont commencé à s’installer à Gibraltar il y a près de 300 ans. Originaires
d’Espagne, du Maroc ou d’Angleterre, les membres de cette communauté ont développé, au fil des années, des traits communs, marqués par leur finesse de caractère et leur sympathie. L’une des caractéristiques propres de cette communauté réside dans le fait qu’elle est composée de Juifs étant tous Chomré Chabbat ! D’ailleurs, si vous traversez les rues commerçantes le Chabbat, vous serez émerveillés
de constater que plus de la moitié des magasins sont fermés, pour la simple et bonne raison que bon nombre de ces commerces appartiennent à des Juifs. Le Rav de Gibraltar, Rav Ron ‘Hassid Chlita, dirige
cette communauté depuis 33 ans et y a créé un Collel, dont « l’ambiance torani » qui s’en dégage, a des répercussions positives sur l’ensemble de la communauté qui sont d’autant plus manifestes à l’approche
des fêtes de Tichri. Depuis le début du mois d’Eloul, on a coutume de réciter les Seli’hot mais en version abrégée au courant de la semaine. Le dimanche seulement, elles sont faites dans leur version intégrale dès 5h du matin puisque c’est un jour chômé. Il est intéressant de remarquer que les Juifs de Gibraltar n’ont pas coutume de sonner le Chofar en Eloul. A Roch Hachana et à Yom Kippour, les offices sont organisés comme tout au long de l’année… il n’y a pas de changement majeur ni d’affluence particulière pour les fêtes de Tichri car Gibraltar abrite une communauté relativement homogène : les fidèles fréquentent tous la synagogue et certains assistent régulièrement à des cours de Torah.
Le rite des prières adopté se rapproche considérablement du rite marocain. Le Tachlikh est récité en bord de mer mais certains membres de la communauté préfèrent monter sur le toit de la synagogue qui donne vue sur mer… Cette pratique tire son origine de l’histoire de Gibraltar puisqu’autrefois, une base militaire britannique était installée en bord de mer et cette zone était inaccessible au public ! A Souccot, l’ambiance est très festive. La plupart des familles juives ont leur propre Soucca et ceux qui n’ont pas la possibilité de construire la leur, se rendent à la Soucca communautaire. A noter qu’il y a une trentaine d’années, la situation était différente… seules quelques familles disposaient de leur Soucca mais, aujourd’hui, avoir la possibilité de construire une Soucca est devenu un critère prioritaire pour
tout Juif qui souhaite acheter un appartement. De plus, à Gibraltar, le beau temps est au rendez-vous à Souccot ! En ce qui concerne les achats pour la fête, notamment les Arbaa Minim, les produits alimentaires cashers et tous les objets de culte, on les importe d’Angleterre. Bien que les Etroguim viennent du Maroc et que les autres espèces viennent d’Israël, la commande passe par l’intermédiaire d’un commerçant qui envoie les sets complets, tout prêts et triés selon leur étiquetage qui indique le niveau de leur qualité. Signalons un atout considérable dont dispose la communauté de Gibraltar : il y a un Erouv qui couvre la majorité des quartiers de résidence des Juifs ! A l’instar du paysage de Gibraltar dominé par le rocher, la communauté juive de ce territoire d’outre-mer britannique, se distingue par son attachement solide aux valeurs du judaïsme et à la pratique des Mitsvot.
Luxembourg Dirigée par le Rav David Nakache Chlita, la grande synagogue du Luxembourg compte près de 600 fidèles, parmi lesquels il y a quasiment autant de Sefaradim que d’Achkénazim. De ce fait, le rite des prières adopté est tantôt séfarade et tantôt ashkénaze. Les offices sont assurés par le rav qui cumule aussi les fonctions de Baal Tokéa. Le premier soir de Roch Hachana, un grand repas communautaire est organisé afin de s’assurer que les personnes âgées, démunies ou solitaires aient tous la possibilité de célébrer joyeusement et dignement ce premier jour de l’année.
A Yom Kippour, l’assistance est bien plus nombreuse et là, deux offices distincts sont organisés, l’un pour les Achkénazim et l’autre, pour les Sefaradim. Pendant ‘Hol Hamoèd Souccot, il y a chaque jour une Sim’hat Beit Hachoéva qui est organisée. Lors de ces festivités, des tables sont dressées et un buffet, offert par les femmes de la communauté, est servi aux fidèles qui sont nombreux à participer à ces moments de réjouissance. En ce qui concerne les Arbaa Minim, la communauté met à la disposition du Kahal, quatre sets pour donner la possibilité à ceux qui n’ont pas pu s’en procurer, d’accomplir la Mitsva mais dans leur grande majorité, les fidèles ont leur propre set. Les « 4 espèces » sont importées de Paris, de Strasbourg ou de Belgique et leur coût moyen se situe autour de 30 Euros. Pour conclure, nous pourrons relever le point fort de cette Kéhila : Achkénazim et Sefaradim vivent dans une harmonie et une unité toutes particulières où l’on respecte les coutumes et les rites des uns et des autres.
Salonique, Grèce Rappel historique : La communauté juive de Salonique date de la fin du Second Temple. De grands Rabbanim y vécurent, dont Rav Yossef Caro, l’auteur du Choul’han Aroukh et le Chla Hakadoch. Au fil des Siècles, des Juifs d’Allemagne, de France ou d’Italie s’y sont installés. Puis, suite à l’expulsion des Juifs d’Espagne, il y eut une vague migratoire importante de Juifs espagnols et portugais qui purent, à nouveau, pratiquer leur judaïsme ouvertement. A cette époque, il y avait une quarantaine de synagogues et chaque communauté restait fidèle à son rite et à ces coutumes. Aujourd’hui, comme
l’atteste le Rav Aharon Israël Chlita qui se tient à la tête de cette congrégation, « ce passé glorieux est révolu » et cette communauté, de petite dimension, doit faire face aux problèmes communs rencontrés par les petites communautés de Diaspora. Elle est essentiellement composée de quelques rescapés de la Shoah, et de leurs enfants. Mais la jeune génération s’est malheureusement, en grande partie, assimilée et ne se sent pasconcernée par la vie juive. Aujourd’hui, il y a, à Salonique, une grande synagogue et une petite synagogue située dans la maison de retraite qui fait également office de centre communautaire. La grande synagogue, quant à elle, est localisée près du marché car avant la Shoah, les commerces et la place du marché étaient, en grande partie, tenus par des Juifs… Cette synagogue était donc un genre de Shtibel où les offices se succédaient. A Roch Hachana, près de 300 personnes fréquentent la grande synagogue qui accueille également de nombreux touristes. Certains fidèles prient encore en Ladino, comme leurs aïeuls. A Yom Kippour, l’afflux vers la synagogue est impressionnant… près de 2000 personnes s’y rendent et à l’heure de Néila, même les rues situées aux alentours de la synagogue sont inondées de monde… C’est le moment unique de l’année où les Juifs, même ceux qui sont très éloignés de la Torah, tiennent à affirmer leur véritable identité. A noter que celui qui dirige la majorité des offices des Yamim Noraïm, d’une voix limpide et forte, c’est le Rav David Chaltiel, âgé de 90 ans ! Pour Souccot, les familles juives rejoignent le grande Soucca communautaire construite selon les règles strictes de la
Halakha, qui contient 160 places assises. Un roulement est organisé pour la prise des repas. En ce qui concerne la Mitsva du Loulav, l’on achète quinze sets d’Israël, qui sont mis à la disposition des fidèles et chacun à son tour s’acquitte de la Mitsva. Prions pour qu’Hachem nous rassemble des quatre coins de la terre et qu’Il réunisse les égarés de Son peuple Israël !
YOKHEVED LEVY