Emmanuel Macron a assisté en personne à la soirée organisée par le Consistoire à l’occasion de Roch Hachana. Il a longuement salué les participants, et promis en aparté à Joël Mergui qu’il se rendrait prochainement en Israël et inaugurerait lui-même le futur Centre européen du judaïsme. Reportage.
C’est la première fois, dans l’histoire déjà longue de la République, que le chef de l’Etat assiste lui-même à la cérémonie des voeux organisée par le Consistoire à la veille de Roch Hachana. C’était dans la soirée du 4 septembre à la synagogue parisienne de la Victoire. Une démarche symbolique puisqu’Emmanuel Macron n’a prononcé aucune allocution – laïcité oblige, a-t-on expliqué à l’Elysée. Cependant, il a passé une heure et quart à saluer une à une et sous les ovations la kyrielle de personnalités présentes dans une salle bondée (avec plus de deux mille participants au total) : Nicolas Sarkozy, le président du Sénat Gérard Larcher, la maire de la capitale Anne Hidalgo, des ministres, parlementaires, ambassadeurs, figures de la société civile, artistes… et bien sûr la quasi-totalité des dirigeants des associations juives nationales et franciliennes. Jusqu’en 2013, c’est le ministre de l’Intérieur – chargé des cultes – qui représentait l’exécutif à la cérémonie. En 2014 et 2015, le chef du gouvernement d’alors, Manuel Valls, a tenu à jouer ce rôle éminent à quelques jours de la nouvelle année juive. Le rassemblement a été annulé en 2016, car la communauté était en deuil : le rav Yossef Haïm Sitruk zatsal venait de disparaître. Le Premier ministre Edouard Philippe s’est déplacé en 2017 et Haguesher en a rendu compte. « Vous êtes comme le Mur occidental, a proclamé le grand rabbin de France, Haïm Korsia, à l’intention de l’invité d’honneur. Nous vous confions nos peines et nos espoirs, sans recevoir de réponse tout en sachant de quelqu’un entend ». Un trait d’humour contenant une part de sérieux. Car le but du Consistoire était bien d’adresser une série de messages aux pouvoirs publics à travers cette présence exceptionnelle d’Emmanuel Macron voulue par le président de l’institution, Joël Mergui.
Celui-ci a commencé par rappeler la fameuse devise consistoriale bicentenaire, « Patrie et religion », pour insister sur l’attachement des Juifs hexagonaux à leur pays. Le rav Michel Gugenheim, grand rabbin de Paris, lui a emboîté le pas quelques minutes plus tard, évoquant
un « patriotisme viscéral ». Joël Mergui a souligné néanmoins qu’il avait reçu trois chefs d’Etat successifs (Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande) dans un lieu de culte à l’occasion de réunions mémorielles après l’assassinat de Juifs par des antisémites. Souvenirs douloureux… L’orateur a poursuivi avec des mots très durs sur l’exil de dizaines de milliers de familles victimes d’agressions verbales et/ou physiques vers des zones plus sécurisées du territoire – ou leur départ pour Israël. Un déclin démographique témoignant selon lui des dangers que court la démocratie française. « Pourtant, a-t-il dit, nous sommes des bâtisseurs de vie (…). Je rends hommage à la jeunesse juive, qui ne se laisse aller ni à la haine, ni à la violence malgré les provocations subies. Je m’incline aussi devant le travail remarquable et le dévouement des cadres communautaires. Mais nous sommes dans le doute… » Joël Mergui a demandé à Emmanuel Macron et à travers lui, à l’Etat, de lutter contre la résurgence de l’antisémitisme mais aussi d’« accompagner » les projets qui permettront de
pérenniser le judaïsme français. Il a réaffirmé en outre que la che›hita ou la brith mila n’étaient en rien des « concessions », se situant au contraire dans le cadre de l’exercice naturel des libertés. A tous ces titres, a-t-il martelé, « vous êtes le gardien de la vie juive », souhaitant que cette soirée du 4 septembre marque un tournant : le prélude à un sursaut de la conscience nationale en faveur d’une communauté agressée, déboussolée et tentée par la fuite. Il a révélé dans la foulée que le président de la République lui avait promis d’inaugurer personnellement le futur Centre européen du judaïsme (CEJ), ce vaste centre communautaire qui ouvrira en 2019 dans le 17e arrondissement de Paris. A propos de la Terre Sainte, le numéro un du Consistoire a été vivement applaudi quand il a répété, comme il le fait souvent,que Jérusalem resterait éternellement la capitale du peuple juif. Seconde promesse de son hôte : Emmanuel Macron a indiqué en aparté à Joël Mergui qu’il se rendrait « prochainement » en Israël. S’agissant des actes antisémites, le grand rabbin Korsia s’est souvenu dans son discours de l’émotion du locataire de l’Elysée lorsque ce dernier s’est déplacé le 28 mars au cimetière de Bagneux pour assister silencieusement aux obsèques de Mireille Knoll zal. « Une pluie diluvienne faisait écho aux larmes du Ciel », a-t-il précisé. Il a également remercié l’invité du Consistoire pour sa position en faveur d’une laïcité ouverte et « généreuse », loin des crispations antireligieuses qui ont le vent en poupe. Et d’ajouter : « Je sais que pour nous, Juifs, vous direz toujours hineni, me voici », en référence à l’exclamation d’Avraham Avinou lorsqu’il fut appelé par Hachem. La cérémonie a été ponctuée de chants interprétés par le choeur de la Victoire. C’est le rav Gugenheim qui a récité la prière pour la République. Le président Macron, qui a pris plusieurs bains de foule avant et après les allocutions et s’est recueilli devant le monument dédié aux victimes de la déportation dans l’enceinte de la synagogue, a reçu des pots de miel des mains de différentes personnalités. Un signe de douceur et de bénédictions – et surtout d’espoir après des années particulièrement difficiles pour notre communauté.
Axel Gantz