Le texte alarmiste sur le développement de l’extrémisme dans sa communauté rédigé par l’intellectuel musulman Hakim El Karoui devrait peser sur les choix du président Macron, à la veille de la réorganisation annoncée de l’islam de France.
Le rapport du géographe d’origine tunisienne Hakim El Karoui intitulé « La fabrique de l’islamisme » a provoqué une vague de réactions d’autant plus forte que cet intellectuel musulman et ex-banquier d’affaires chez Rothschild aurait l’oreille du président Macron et jouerait un rôle actif dans la préparation du programme de réorganisation de l’islam de France, qui devrait être révélé par le gouvernement dans les prochaines semaines. Commandé par l’Institut Montaigne, un prestigieux think tank (groupe de réflexion) libéral, le texte a été publié le 9 septembre. Dès 2015, au lendemain des attentats sanglants qui ont endeuillé Paris en novembre de cette année-là, Karim El Karoui
donnait le ton en écrivant dans le quotidien Le Monde : « Nous avons laissé se répandre le poison des salafistes. Personne n’a été capable de répondre à leur propagande (…). Nous sommes face à nos
responsabilités. C’est à notre génération de souche maghrébine née ici, élevée et éduquée par l’école de la République, de prendre les choses en main ». En mars dernier, il a adressé une note explosive au chef de l’Etat. Il y proposait une « prise du pouvoir spirituel par l’argent » en régulant le culte musulman par
la maîtrise de ses finances, enfin affranchies de toute ingérence étrangère. Une nouvelle structure serait ainsi créée sur le modèle consistorial. Comme l’institution juive, elle pourrait collecter une redevance sur les produits alimentaires certifiés religieusement et recevoir des dons. Elle utiliserait ce budget exclusivement français pour former et payer les imams, construire et entretenir les lieux de prière.
Car il y a urgence selon Karim El Karoui. Le rapport du 9 septembre met en lumière la prévalence du discours islamiste, qui détiendrait dans l’Hexagone un « mono pole intellectuel » sur les réseaux sociaux
et Internet en général comme dans les librairies. La quasi-totalité des réponses en ligne aux questions religieuses des musulmans émaneraient de sources proches des salafistes, ou plus radicales encore. Le
texte s’attarde sur le rôle moteur de certains réseaux turcs et saoudiens dans cet endoctrinement, insiste sur les ravages de la propagande extrémiste sévissant sur les chaînes télévisées satellitaires des pays du Golfe, très regardées dans nos banlieues, et préconise l’émergence d’un « discours alternatif fort » respectueux des traditions démocratiques. Karim El Karoui estime en outre que l’apprentissage de l’arabe doit être encouragé dans les écoles publiques. Cet apprentissage y est en effet réduit à la portion
congrue et les mosquées les moins recommandables en profitent pour attirer des jeunes sous prétexte de leur délivrer des cours de langue. C’est dans le même esprit que s’est exprimé le ministre de l’Education nationale, peu après la rentrée. Jean-Michel Blanquer a révélé que seuls cinq cent soixante-sept élèves du primaire avaient suivi un enseignement de ce type en 2017-2018 et a souhaité le développement
de l’arabe en tant que langue vivante proposée dans les établissements laïcs. Il a bien précisé que son objectif était de préserver les enfants du prosélytisme islamiste, ce qui n’a pas empêché l’extrême droite de crier au loup et à la possible « arabisation de la France ». L’auteur du rapport publié par l’Institut
Montaigne, qui mange lui-même hallal et fréquente la mosquée, rappelle avec alarmisme qu’environ 30 % de ses coreligionnaires français seraient sensibles aux idées islamistes ou les soutiendraient carrément, selon différents sondages réalisés depuis 2016.
AXEL GANTZ