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7 Tishri 5785‎ | 9 octobre 2024

Le sort tragique du prophète Zékharya

Le matin du 9Av, nous lisons un passage à la Torah relatantqu’avant que les juifs n’entrent en Erets-Israël, ils furent avertis de ne pas servir les idoles de peur que le Temple ne soit détruit et qu’ils soient exilés : « Vous ferez une idole d’une image quelconque… Je témoigne alors à votre égard que vous serez perdus très rapidement » (Dévarim 4, 25-26).Cette interdiction figure déjà dans les Dix Commandements : « Tu ne te prosterneras pas à elles[les idoles] et tu ne les serviras pas » (Chémot 20, 5).
Les mots tu ne les serviras pas viennent nous apprendre que, bien qu’il soit permis de s’incliner devant un personnage important pour l’honorer, s’il se considère comme une divinité, c’est interdit (Sanhedrin 61/b).
Une idole humaine
A l’époque du premier Temple, même si les juifs se prosternaient souvent devant les idoles,ils ne divinisèrentun homme qu’une seule fois : le roi Yoach. Pendant que sa grand-mère Atalya exécutait la famille royale, sa tante le sauvaalors qu’il était nourrisson et le cachapendant 6 ans dans le grenier du Saint des Saints (Rois II 11, 1-3).Lorsque Yoach grandit, il fut couronné roi par le peuple et par Yéhoyadale Cohen Gadol. Après la mort de ce dernier, un drame se déroula : « Après la mort de Yehoyada, les chefs de Yéhouda vinrent se prosterner devant le roi. Alors le roi les écouta » (Chroniques II 24, 17). Ils le considéraient comme une divinité, car il avaitsurvécu à son entrée au Saint des Saints, alors que la Torahpromet la mortà toutétranger qui y entre. Le prophète et Cohen GadolZékharya, fils de Yéhoyada, réprimandale peuple, qui le lapida : « Ils conspirèrent contre lui et le lapidèrent par ordre du roi, dans le parvis de la maison deD.ieu (…)En mourant, Zékharya dit : “Que Dieu voit et qu’Il réclame [mon sang des mains de mes assassins]” » (Chroniques II 24, 20-22). Il est curieux de constater que les autres prophètes, qui réprimandaient constamment le peuple qui servait les idoles, furent épargnés, alors queZékharya, pour lui avoir reproché de se prosterner à un homme,fut tué !
En vérité, ceux qui servent les idoles se doutent bien qu’une statue ne peut rivaliseravec le Vrai D.ieu, et qu’elle n’est pas habitée d’un esprit saint pouvantabroger la Torah de Moché. Comme le fait remarquer la Guémara, les juifs ne pratiquaient pas le culte des idoles par conviction, mais comme un faux-fuyant, pour se sentir moins coupable de pratiquer des immoralités (Sanhedrin63/b). L’homme par contre fut créé « à l’image de D.ieu », et ceux que le divinisent pourraient croire dur commefer que cet homme renferme le divin. Celui-ci pourrait ainsi vouloir abrogerla Torah, en invoquant par exemple le fameux principe talmudique : « La Bouche qui a ordonné – la Torah à Moché – est celle-là même qui la déclare maintenant caduque »…Craignant ce scénario catastrophe, Zékharya admonestait les gens lourdement, et eux, pris dans leur folie obsessionnelle, le mirent à mort.
La disparition d’une inclination
A la construction du second Temple, craignant l’inclination des juifs pour l’idolâtrie, les Hommes de la Grande Assemblée supplièrent D.ieu de leur ôter ce penchantet leur prière fut acceptée. Voici comment le Talmud rapporte métaphoriquementcet événement : « Un lionceau en feu sortit du Saint des Saintset les hommes le capturèrent. Il laissa tomber un poil et il hurla sur quatre centsparsaot (la surface du territoire d’Erets-Israël). Afin de ne pas entendre son cri, ils l’enfermèrentdans un tube de plomb » (Yoma 69/b).
Le Maharchaexpliqueque le lionceau fait allusion à Nabuchodonosor (Daniel 7, 4), qui détruisit le premier Temple, et le poil fait référence à Essav, l’homme poilu.Lelionceau hurla, comme hurla Essav lorsque Yaacoveut reçu les bénédictions, et Its’hakluiaccordaalors le droit de se débarrasser du joug de Yaacov, si la descendance de ce dernier ne respecte pas convenablement la Torah. Les Romains, qui font référence à Essav, détruisirentle second Temple pendant le mois d’Av,dont le symbole est le lion (SéferYétsira 5, 5).
En effet, durant l’époque du second Temple, le penchant vers l’idolâtrie disparut : les juifs ne se prosternèrent plus aux idoles (sauf contraints parles Grecs). Ce n’est qu’avant la destruction du second Temple, que certains divinisèrent un homme, comme Bilaml’avait prédit (voir Bamidbar 24, 23-24) et comme l’explique Rech Lakich :« Malheur àtous ceux qui vivront à l’époque de l’homme qui se déclare dieu ; alors viendront les bateaux des kitim[une population européenne, les romains…] »(Sanhedrin 106/a). En effet, cet homme et ses fidèles prétendaient qu’il détenait le pouvoir de rendre la Torahcaduque. En fait, le tube de plomb s’est alors perforé… et leur inclination pour l’idolâtrie s’éveilla.
Une sanglante expiation
Avant sa mort, Zékharya priaD.ieu que son sang soit vengéet cela se réalisa : « Nevouzaradan, chefdes bourreaux, tua dans une seule vallée plusd’un millionde juifs, et à Jérusalemil en tua 940 000, et leur sang toucha celui de Zékharya. Voyant le sang de ce dernier bouillonner dans le Temple,Nevouzaradan exigea une explication. Les juifs lui racontèrent que leurs ancêtres avaient mis à mort le prophète, et que son sang n’avait toujours pas coagulé. Après avoir mis à mort les Rabbanim de Jérusalem, les jeunes étudiants et les jeunes filles, Nevouzaradans’exclama : “Zékharya ! Voudrais-tu la mort de tous ?”Son sang se calma immédiatement. Le chef des bourreaux prit peur, il regretta son œuvre, il fuit et se convertit au judaïsme » (Guitin 57).
Bien que dans ses livres (Yirmiya52, 12-15 et Rois II 25, 8-12), Yirmiya l’appelle simplement chef des bourreaux, le livre des Chroniques par contre précise le génocide : « D.ieu fit monter contre eux le roi des Chaldéens, et tua par l’épée leurs jeunes gens dans la maison de leur sanctuaire ; il n’épargna ni le jeune homme, ni la jeune fille, ni le vieillard, ni les sages, il livra tout entre ses mains » (II 36, 17).Ce verset ne précisepas que cela est arrivé à cause de la mort de Zékharya, mais le verset précédent le suggère. Observant les tragédies que les divinisations d’un homme pouvaient provoquer, Zékharya demanda à D.ieu de ne pas laisser ces crimes impunis. De la même manière que les hommes mis à mort par Nevouzaradan ne sontpas ceux qui divinisèrent Yoach, mais ils périrent néanmoins en vertu du principe : « Tous les juifs sont garants les uns des autres »(Chabbat 55/a), ainsi ceux mis à mort par les Romains, ne furent pas forcément ceux qui divinisaient cet homme. Grâce à la Kapara obtenue alors, nous espérons que le troisième Temple sera bientôt reconstruit, de nos jours encore.

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